10.12.09 Les Coulisses: Mgr F.X. Maroy appelle les FARDC à sécuriser la population civile pendant quelles traquent les FDLR
Les Coulisses : Mgr LArchevêque, la dernière fois que nous étions passé à Bukavu, si vous
acceptez lexpression, vous étiez nouvellement nommé. Pourriez-vous faire le bilan de ce jour ?
Mgr François – Xavier Maroy : Effectivement,
jétais Evêque auxiliaire et Administrateur diocésain de lArchidiocèse
parce que mon prédécesseur venait de mourir à peine quelques mois. Je
dirai, le même jour, jai appris que jétais nommé Archevêque mais on
devait lannoncer une semaine et demie plus tard. Aujourdhui, cela
fait pratiquement 3 ans et 4 mois que je suis en fonction. Ce nest pas
beaucoup mais comme charge pastorale de 3 ans, cest déjà quelque chose
surtout quand on sait que nous sommes dans des pays continuellement à haut risque. Ce nest donc pas lampleur du travail qui fatigue mais les conditions plus que difficiles.
Pendant
ces 3 ans, on a nommé lévêque dUvira à Lubumbashi et je suis
Administrateur apostolique. Jai actuellement la charge de deux
diocèses au quotidien, une chose sérieusement lourde et je rends grâce
à Dieu qui me donne encore la force de pouvoir travailler. Jespère que
je fais le mieux que je peux faire aux yeux de Dieu et aux yeux des
hommes. Sil y a des failles, cest humain, je ne peux que mexcuser
mais certainement que je ne le fais pas de mauvaise fois. Mon
intention, je voudrais faire la volonté de mon Père.
L.C. : Mgr,
lArchidiocèse a un passé douloureux et cest la même question que je
vous ai posée il y a 3 ans, je vous la pose encore aujourdhui. Comment
assumez-vous ce passé douloureux ? Y-a-t-il satisfaction de votre part ?
F-X. M. : Lapôtre Paul nous dit que tout est grâce.
Nous devons prendre la situation angoissante dans laquelle nous nous
trouvons pour faire grandir notre espérance en Dieu et nous ne devons
pas décevoir notre Dieu qui nous a créés parce que les temps sont
lourds, au contraire, ce sont des moments dépreuves qui peuvent caractériser
notre engagement pastoral pour quà travers toutes ces épreuves, toutes
ces épines nous puissions nous frayer un chemin fondé sur la foi
chrétienne. Effectivement, en lespace de 9 ans, perdre 3 archevêques, cest pénible
comme voir des gens mourir chaque jour pas parce quil y a des maladies
mais par la volonté des malfaiteurs … soi-même, on ne vit plus heureux
et on doit alors porter tout cela dans la prière pour le confier à
Dieu. Je pense que le peuple de cet archidiocèse qui aime la prière,
qui respecte Dieu maide aussi à pouvoir prier avec eux chaque jour
Dieu.
Et
Dieu qui est Dieu nous donnera cette paix qui nous permettra de
travailler pour la reconstruction de la personne humaine et la
reconstruction de notre société congolaise.
L.C. : Mgr, il y a toute une jeunesse « désoeuvrée, désespérée », vous en tant que
pasteur que lui dites-vous quand vous êtes devant elle ?
F-X. M. : A la jeunesse comme à toute la société, je dis deux choses : prière et
courage.
Prière pour
rester brancher sur notre créateur car quelquun qui prie ne désespère
jamais parce que lespérance qui a caractérisé toute la vie du
patriarche Abraham ne déçoit jamais. La jeunesse ne doit pas baisser
les bras, elle ne doit pas aller au suicide, quelle naille pas se
droguer et quelle sache que devant il y a encore quelque chose quon
peut faire. Si on ne peut plus changer le passé, on peut cependant
améliorer lavenir. Cest là que jajoute le deuxième mot,
Courage. Chacun
doit se mettre débout comme notre hymne national nous lapprend. Si
chacun fait quelque chose dans le petit rayon où il se trouve, nous
pourrions aboutir à un grand disque qui donne la garantie de lavenir. Il ne faut pas attendre quon nous apporte, nous devons travailler nous-mêmes pour que nous produisions quelque chose qui nous honore,
qui sauve notre dignité et qui fait que lautre peut nous considérer comme un partenaire respectable. Je compte beaucoup sur la jeunesse parce que nous qui sommes vieux pouvons dire :
on a échoué. Nous léguons à nos enfants des ruines.
Alors
aux jeunes, je dis : « si vous faites ce que vos parents avaient fait,
vos enfants nhériteront même pas de ces ruines. Ça sera une
destruction pire quavant ». Et je conclus par lhymne national : « Un
Congo beau, grand et riche que nous léguons à notre postérité pour
toujours. Aux jeunes, ça cest votre mission aujourdhui ».
L.C. : Mgr, en 2006 vous aviez appelé et encouragé les gens à aller voter. Devant lineptie
actuelle de nos dirigeants, le regrettez-vous ? Avez-vous des remords ?
F-X. M. : Non.
Dabord notre Eglise à travers la commission épiscopale « Justice et
paix » a préparé vraiment la population aux élections. Certes, vers la
fin, il y en a parmi nous qui ont commencé à se décourager. Nous
portons un poids très lourd de situations de conflits et avons dit : aller aux élections, cest une ouverture.
Je ne pense donc pas que nous avons à regretter davoir franchi un pas.
Si nous ne lavions pas fait, nous serions donc dans cet Etat chaotique
davant. Non, on ne peut pas regretter davoir franchi ce pas. Nous
avons élu des dirigeants et le monde entier sait que le Congo a une
souveraineté même si les dirigeants ne donnent pas satisfaction. Notre
pays participe au concert des nations.
Ce quil y a de triste, cest de voir ces dirigeants que nous avons sortis du bourbier de la IIe république, je dirai de la corruption, la paresse, le
désordre
ne pas comprendre quils ont une mission plus grande. Et puisquils
sont là, nous populations devons encore avec la même force, la même
dynamique, la même énergie, les bousculer,
les secouer parce quils sont des dirigeants élus par nous qui ont des comptes à nous rendre.
Cest
ça qui manque, peut-être après toute la fatigue de la résistance contre
le mal. Il faut travailler pour remettre de lordre, le moment de
prendre notre destin en main.
L.C. : Mgr, vous avez été au Synode pour lAfrique. En quoi ce synode est-il bénéfique pour
notre Afrique ?
F-X. M. : Cest
une mission de toute lEglise sous la direction du pape Benoît XVI
lui-même qui ciblait principalement lAfrique avec comme thème :
« LEglise au service de la réconciliation, de la justice et de la
paix ». LAfrique aujourdhui a besoin de réconciliation à tous les
niveaux, réconciliation de lhomme avec soi-même avec tout le traumatisme généralisé sur lensemble du continent, réconciliation avec les voisins, avec le prochain … tout
ça est un travail très important.
De la justice, on
interpelle lEglise pour quelle ouvre lœil afin de participer aussi
dans le droit de la personne humaine faisant valoir lexistence du
droit, le devoir et la justice qui doit réglementer toutes ces choses
là.
Mais aussi notre contribution à la paix
non seulement dans nos familles, dans nos propres milieux de vie, nos
propres milieux socio-professionnels mais aussi dans lensemble de
toute notre société, lAfrique en général et chaque pays en
particulier. Nous avons maintenant une mission de faire participer les chrétiens en nous servant des propositions mises à la
disposition de lépiscopat.
L.C. : Mgr, pendant le déroulement du synode, vous êtes retourné ici parce quil y avait des
problèmes sécuritaires. Que dites-vous à ceux qui continuent de martyriser lEglise ?
F-X. M. : Tous les synodaux ont soutenu ma démarche de revenir au diocèse réconforter ce
peuple.
Depuis
que je suis rentré (peut-être que les bandits lont su), jai fait un
agenda de travail qui ma amené sur le lieu du drame. Jai parlé avec
la population essayant de lencourager, jai célébré avec elle
leucharistie pour leur faire sentir que notre secours est dans le nom du Seigneur. Il faut que nous soyons attachés à lui pour gagner la victoire sur le mal car le
mal ne peut pas triompher sur le bien jusquà linfini.
Jai
été très content de constater que personne ne voulait quitter chez-lui
pour fuir mais ensemble lutter. Jai rencontré des dirigeants à tous
les niveaux pour trouver des voies et moyens de sortir de ces
situations.
Jessaie de my mettre pour faire sentir que la population a besoin de vivre en paix en produisant et en consommant ce quelle produit avec des moyens qui sont encore de bord, et que
petit à petit, le gouvernement est en train de vouloir renforcer dans la mesure du possible.
L.C. : Les opérations Kimia II, selon vous, échec ou réussite ? Que diriez-vous au
commandement militaire dans le sens daméliorer, Mgr ?
F-X. M. : Je commencerai par les dirigeants. On largue des militaires dans une région. Ces
militaires sont armés mais à un moment, ils se retrouvent affamés cest-à-dire sans solde. Or, ils doivent vivre. Ils cherchent de quoi vivre sur la pauvre population.
Cest déjà un échec. Ils entrent dans un milieu, ils nont pas de
casernes ni de tentes nécessaires pour sabriter. Où vont-ils
sabriter ? Ils entrent dans des maisons de la population et cohabitent.
Cela devient désordre et promiscuité.
Cest aussi un échec. Ce sont les responsables qui ont pour mission de
mettre à laise ces hommes armés quils envoient en opération.
Quant
à eux-mêmes (les militaires), ils sont Congolais et connaissent mieux
la situation du peuple congolais : « ce nest pas parce que tu as une
arme que tu deviens Dieu et tu dois pourchasser les autres. Tu dois te
mettre plutôt proche des autres afin quensemble on puisse travailler.
De la sorte, sil y a à manger on partage et sil ny en a pas, on
sabstient ». Mais si les militaires ne font pas cela, quils ne
sétonnent pas comme disait Mgr Munzihirwa : « à ce moment là, la population ne vous voit plus en frères. Vous
devenez automatiquement ennemis ». Et encore une fois, un autre échec. Voilà la série des choses que nous devons corriger pour que les opérations portent fruit.
Je leur ai dit plus dune fois, on va aux opérations pour forcer les Rwandais à rentrer chez eux mais quest-ce quon fait ? On les disperse des camps où ils se
trouvaient,
où ils commettaient des bêtises. Et puisquils se répandent un peu
partout avec ce quils portent comme déstabilisation, ils deviennent plus agressifs quavant. Là où ils vont,
cest toujours au Congo. Des gens quils rencontrent, cest toujours des Congolais.
Enervés et indisciplinés dès le départ, ils posent des actes plus
barbares encore. La population en souffre. On na pas mis des mesures
de protection de la population civile là où elle est pour que de
lautre côté, on traque ces gens. Doù, par faute de ce manque, la population se retrouve
elle aussi en fuite au même niveau que ceux qui sont traqués. Finalement, cest tout ce qui bouge qui est traqué par ces opérations. C'est au profit, en faveur de qui ?
On peut conclure en disant : « cest en faveur de ceux qui traquent seulement et au détriment de tous les autres y compris la population.
Voilà la lecture que je fais ». Je demande aux militaires qui sont sur
le terrain et qui doivent traquer les FDLR de faire la part de choses
pendant quils traquent les uns, ils doivent sécuriser les autres. Ce
qui permet aux autres de rester chez eux pour quil constate
effectivement que les conditions sont améliorées.