HISTORIQUE DE LA COOPERATION MILITAIRE BELGE

1. LA COOPERATION AVEC
LE ZAIRE

A la veille de l'indépendance congolaise, une
coopération militaire entre la future République du Congo et la Belgique est ébauchée : la Loi fondamentale du 19 mai
1960 stipule que les cadres belges de l'ex-Force publique (FP) sont mis à la
disposition du Gouvernement du jeune Etat congolais. Celui-ci peut également
faire appel aux forces métropolitaines stationnées dans les bases de Kitona,
Kamina et Banana. Néanmoins, le jour de l'Indépendance, les statuts des cadres
FP restent encore à définir.

Le 30 juin 1960, le cadre FP passe au service de
la République
du Congo. Quelques jours plus tard, la
Force
publique se mutine, saccageant tout et détruisant les
nouvelles structures de l'Etat. Les forces métropolitaines et des compagnies de
marche, venues de Belgique, interviennent pour protéger les ressortissants
belges et étrangers.

Rapidement un conflit prend naissance entre
Lumumba, ministre de la
Défense
, et le général Janssens, commandant la Force publique, qui est
révoqué. Lumumba décide l'africanisation des cadres ; il ne reste comme
conseillers dans l'Armée nationale congolaise (ANC) que quelques officiers
belges qui ont été acceptés par les Congolais.

Considérant les interventions belges comme une
reconquête, le Congo rompt les relations diplomatiques avec la Belgique et fait appel à
l'ONU. A l'arrivée des troupes de l'ONU, les cadres belges sont priés de
quitter le pays. Beaucoup restent en place.

Dans tout le pays, c'est le chaos; dans l'ANC,
c'est l'anarchie. Le Congo fait appel à l'ONU pour réorganiser son armée avec
l'aide d'une coopération multilatérale. Ce ne sera jamais réalisé.

Le colonel Mobutu arrivé au pouvoir se tourne
vers la Belgique
pour obtenir son aide. A ce moment, vingt officiers belges, anciens de la FP, travaillent avec lui. De
nombreux stagiaires congolais se trouvent déjà en Belgique, d'autres y seront
envoyés par Mobutu. C'est le début d'une assistance sans nom, condamnée par le
Conseil de Sécurité.

En décembre 1961, suite à la fin de la sécession
katangaise, les relations diplomatiques sont reprises avec la Belgique. Devant
l'incapacité de l'ONU à réorganiser l'ANC, le Gouvernement Adoula décide, en
décembre 1962, de faire officiellement appel à la coopération militaire belge.

Une convention de coopération en personnel est
signée en août 1963 entre la
République
du Congo et la Belgique; l'assistance technique militaire en
fait partie. Le colonel Logiest en est le premier chef, il porte le titre de
commandant de l'Assistance militaire à l'Armée congolaise (CAMAC). Il rejoint
les 22 militaires belges restés sur place. Au départ cependant, la coopération
militaire dépend des Affaires étrangères et les statuts, mal définis, protègent
mal les militaires. De ce fait, il y a peu de candidats et fin 1963, il n'y a
que 39 officiers et sous-officiers belges sur place, sur un total prévu de 200.

Au début de 1964, le développement de la
rébellion muléliste et la perspective du départ des troupes de l'ONU en juin
1964 nécessitent un accroissement de l'aide belge sollicitée par les autorités
congolaises. A cette époque, un compromis sur le contentieux belgo-congolais
est signé et les trois bases belges sont remises à l'ANC, ce qui rend possible
une extension de l'assistance militaire belge ou Assistance technique militaire
(ATM). Cependant, pour augmenter le nombre de techniciens, il faut réorganiser
administrativement l'assistance militaire. Gérée jusque là par les Affaires
étrangères, elle passe définitivement à la Défense nationale. Un nouveau statut
administratif et pécuniaire rend le recrutement plus attractif.

A la mi-1964, l'ATM normale passée à 113 officiers et
sous-officiers aura mis en place des conseillers à l'Etat-major général (EMG)
et dans les quartiers généraux et organisé l'instruction, en créant les centres
de Kitona, de Kota-Koli et de Mbanza-Ngungu où nos cadres sont directement et
parfaitement intégrés dans l'ANC. A côté de l'assistance normale, se crée une
assistance temporaire composée de militaires venus pour un terme de 3 mois afin
d'appuyer l'ANC dans sa lutte contre la rébellion. Une assistance aérienne (123
personnes) assure l'appui aérien des opérations et une assistance logistique
(30 hommes) appuie les opérations "Sud" et de la 5e brigade mécanisée
(Ommegang) chargée de libérer Stanleyville en liaison avec les parachutistes
belges. Fin 1964, il y a 349 militaires belges au Congo.

En 1965, l'accent est mis sur l'instruction des
cadres et de la troupe de l'ANC, sur le développement de la justice militaire
pour lutter contre l'indiscipline, et sur la logistique (constitution à cet
effet d'un fonds tripartite Congo-USA-Belgique géré collégialement). A cette
époque, le général Mobutu se félicite du rôle joué par les ATM belges en ces
termes : "Je suis certain que beaucoup de Belges ignorent même l'aide
considérable que leur propre Armée nous a fournie depuis 1960… Les
techniciens de l'Armée belge se sont attachés courageusement à la besogne, dans
des conditions matérielles et psychologiques pénibles. J'espère qu'ils
continueront, qu'ils achèveront la tâche entreprise au Congo par leurs
prédécesseurs. Le Congo leur en sera reconnaissant et la Belgique pourra être
fière d'eux".

En 1966 éclate à Stanleyville une mutinerie des
ex-gendarmes katangais incorporés dans l'ANC. Il s'ensuit une dissension entre
le Congo et la Belgique,
certains techniciens sont priés de quitter le pays; fin de l'année, il en reste
192.

L'année 1967 connaît la première grande crise
belgo-congolaise. Une nouvelle mutinerie éclate à Kisangani, cette fois, ce
sont les mercenaires au service de l'ANC sous la direction du Belge Schramme
qui entrent en rébellion puis se réfugient au Rwanda.

Le Congo connaît à cette époque une crise
économique et financière due à l'instauration du zaïre-monnaie. Le climat
politique se détériore, une campagne de presse orientée contre la Belgique (peur du
néocolonialisme) provoque une grande manifestation devant l'ambassade belge,
partiellement saccagée. Le ministre Harmel annonce la fin de la coopération; on
n'ira pas jusque-là, mais le nombre de techniciens est réduit à 120.

Les tensions s'apaisent en 1968, une nouvelle
convention de coopération est signée. Le terme "coopération" succède
au terme "assistance". La coopération jouit de l'extra-territorialité
et les techniciens sont regroupés au sein d'un Corps belge de coopération
technique militaire. Une concertation bilatérale annuelle est instaurée, elle
fixe les objectifs pour l'année suivante. En outre, il y est décidé que la
moitié de la coopération sera à charge de la Belgique, l'autre à
charge du Congo.

L'année 1969 voit un nouveau développement de la CTM à qui est confiée la
formation de tous les officiers. Le Groupement des Ecoles supérieures
militaires est créé, composé du Centre supérieur militaire (CSM) et de l'Ecole
de formation des officiers (EFO), laquelle accueillera les premiers
élèves-officiers en décembre.

En 1970, les effectifs de la CTM sont portés à 200
militaires et 26 gendarmes. Ces effectifs varient peu en 1971 et en 1972.

En 1973, les relations entre le Zaïre et la Belgique vont à nouveau
connaître une sérieuse crise. Le président Mobutu essaie de s'affirmer sur le
plan mondial et africain. C'est l'époque du non-alignement. Il cherche en même
temps un dérivatif à ses problèmes intérieurs et veut lutter contre
l'exploitation des richesses du pays par des entreprises étrangères. Ce sera
l'année de « l'authenticité » et de la « zaïrianisation » des entreprises. De
plus, il est offusqué par la sortie en Belgique du livre de Jules Chomé "L'ascension
de Mobutu", où il est vivement pris à partie, alors que la publication de
l'ouvrage est interdite en France. Mobutu, jusque-là l'ami des Belges, va
vouloir extirper l'influence belge au Zaïre. Il dénonce le traité d'amitié
belgo-congolais de 1970. Désormais, la Belgique ne sera plus une nation privilégiée. La
coopération belge est réduite, les postes au département de la Défense nationale (DDN) et
à l'EMG sont supprimés, les instructeurs belges quittent Kitona, Kota-Koli et
Mbanza-Ngungu en 1974, les cours au CSM sont suspendus en 1975. Les effectifs
de la CTM sont
réduits à 92 unités. Pour réaliser sa politique de non-alignement, Mobutu
décide de diversifier la coopération au sein des Forces armées zaïroises (FAZ)
. Il fait appel aux Chinois et aux Nord-coréens, lesquels assurent la formation
de la division Kamanyola dont l'opérationnalité ne fut pas toujours des plus
évidentes. La coopération nord-coréenne n'est pas un succès, elle prend fin en
1975 en ne laissant en héritage que le "drill coréen". Cette époque
voit aussi le début encore timide de la coopération française avec la Force aérienne zaïroise
(FAZA).

Une commission mixte se réunit à Kinshasa fin
1975 et redéfinit la formation à donner aux FAZ. Le nombre total de coopérants
belges ne doit plus dépasser les 50 unités. Le "Corps belge de coopération
technique militaire" est rebaptisé "Mission belge de coopération
technique militaire", terme ménageant mieux les susceptibilités zaïroises.
Début 1976, les cours reprennent au CSM.

Les deux guerres du Shaba (1977 et 1978), suite
à l'indécision des autorités politiques belges, amènent la France à l'avant-plan de la
scène zaïroise et refroidissent encore davantage les relations belgo-zaïroises.
Néanmoins, elles mettent en évidence certaines carences des FAZ et incitent les
autorités zaïroises à demander une augmentation de la CTM pour former de nouvelles
unités d'infanterie. Une nouvelle équipe est mise en place à Kitona pour former
trois brigades d'infanterie. Seule la 21e brigade sera effectivement créée;
elle partira au Shaba encadrée par la moitié de l'équipe CTM de Kitona comme
conseillers. L'effectif CTM total remonte à 110 techniciens en 1979.

En 1980, la Belgique accepte une nouvelle mission:
l'encadrement de la logistique avec 15 coopérants. Elle retrouve également ses
missions au DDN, à l'EMG et à l'Etat-major de la Force terrestre (EMFT). Elle
créera une Ecole logistique. Les cours de spécialisation pour officiers (cours
de perfectionnement pour sous-lieutenants ou CPSL) sont également mis sur pied,
des parrainages entre écoles d'armes belges et leurs homologues zaïroises sont
établis. C'est une époque où l'instruction, la logistique et le travail
d'état-major fonctionnent bien. La coopération est relancée, les relations sont
à nouveau excellentes, l'effectif repasse à 124 unités.

Fin 1984, une nouvelle réorientation des efforts
est décidée. Pour mieux cibler la formation des officiers, on sacrifie Kitona
et une grande partie de l'équipe logistique. Le personnel ainsi récupéré étoffe
les écoles de formation d'officiers. D'autre part, le tableau organique de la CTM n'est sciemment honoré
qu'à 80 % afin de pouvoir dégager des fonds qui serviront à améliorer le
fonctionnement des écoles. En 1987,
l
'EFO se transforme en une académie militaire (études en
3 ans), les projets foisonnent : Ecole de guerre, Ecole d'administration
militaire, Académie militaire en 4 ans avec diplôme de licencié. Ces projets
resteront dans les cartons par manque de moyens financiers. L'effectif à cette
époque est de 86 unités.

En 1987 survient une nouvelle crise
belgo-zaïroise, cette fois militaire, déclenchée à l'occasion d'un cadeau
d'armes (des fusils semi-automatiques datant de la guerre de Corée) effectué
par la Force
terrestre belge à son homologue, la
Force
terrestre zaïroise. Dénoncé comme une tentative de
fournir des armes à des opposants au régime cet incident, en réalité l'occasion
d'un règlement de compte entre généraux zaïrois, va une fois de plus refroidir
les relations et entraîner le renvoi en Belgique de quelques techniciens. En
1990, après les incidents de Lubumbashi, ce sera la grande crise politique
entre le Zaïre et la Belgique
qui sera fatale à la coopération civile; la CTM suivra malgré une ultime tentative officieuse
de la part des Zaïrois.

Links:

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.