11.01.10 RAdio Okapi – Bernard Kouchner : «Il ne faut pas chasser la Monuc… »

B. Kouchner s'entretient avec le Président Kabila

Radiookapi.net : dans quel contexte placez-vous votre visite en RDC ?

Bernard Kouchner
: entre la France et la République démocratique du Congo, il y a des
contacts très fréquents. Et donc, (elle s’inscrit) dans le contexte
d’une visite en Afrique, qui comportait – vous le savez – le
rétablissement des relations diplomatiques avec le Rwanda. (Le
rétablissement de ces) relations diplomatiques a été décidé par les
présidents Sarkozy et Kagame. Et en parlant avec le président Kagame
hier(jeudi), nous avons évidemment parlé de la situation dans l’Est (de
la RDC), mais aussi dans tout le pays sur le plan humanitaire et du
développement économique. Nous avons parlé de l’attitude du FMI. Nous
avons parlé de la façon dont les relations bilatérales – en ce qui
concerne la population, le développement et les activités sociales –
pourraient, dans l’Est et partout (au Congo), prendre une autre
ampleur.

Radiookapi.net
: à propos de l’insécurité dans l’Est, la question des FDLR figure
parmi les questions qui refroidissent aujourd’hui les relations entre
les deux pays. Avez-vous abordé cette question avec les autorités
rwandaises ?

«BK : Bien sûr ! Nous avons abordé
cette question. Vous savez, nous avons salué, comme un geste politique
important, le rapprochement entre le Rwanda et la République
démocratique du Congo. La décision de présidents Kabila et Kagame de
joindre leurs efforts, pas seulement à propos des FDLR, mais à plus
long terme : que les deux armées, la formation, le respect des droits
de l’Homme soient assurés et surtout, permettez-moi de signaler que la
population elle-même à l’est –en particulier les femmes – soufre
terriblement. Ce n’est pas encore fini. Il faut que les efforts soient
faits pour que les efforts internationaux – la Monuc en réalité –
soient mieux adoptés à ce terrain très difficile et ces années de
souffrance qui demeurent la vie quotidienne et, je le répète, en
particulier des femmes.

Radiookapi.net
: lors de la dernière visite en RDC du Président de la République
française, Nicolas Sarkozy, le Congo avait signé un certain nombre
d’accords avec la France. D’après vos évaluations, où en est-on ?

«BK
: Non ! On a évalué à un niveau qui me semble insuffisant de
réalisation et d’investissement. Et je crois que la visite du Président
Sarkozy et celle de Madame Lagarde, en particulier, ont permis de
grands espoirs. Mais, vous devez comprendre : (NDLR : le Congo) est un
pays gigantesque et très important. Il est situé, évidemment, dans un
endroit déterminant ; mais aussi, il est différent, immense. Et donc,
il faut que les investissements soient situés dans une perspective
pacifique. S’il y a des troubles, ça ralentit les investissements ;
mais ça ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas. Nous n’avons pas fait
de bilan exact, arithmétique. Mais sentimentalement et politiquement,
nous sommes très proches.

Radiookapi.net
: vous avez eu aussi à rencontrer le ministre congolais de la
Coopération internationale. De quoi était-il question ?

«BK
: ces échanges ont été d’abord amicaux et respectueux du développement
de ce pays et des progrès accomplis par la République démocratique du
Congo. Ils ont été très engageants par rapport à l’avenir dans un
certain nombre de domaines (…), mais dans le domaine très particulier
de la coopération en matière d’investissements, en matière de
développement économique avec un certain nombre – pas assez grand –
d’entreprises qui ont pris contacts avec ce pays et qui sont encouragés
à poursuivre. Même si, parfois, il y a des obstacles. La visite du
Président Sarkozy, il y a quelques mois, celle de Madame Lagarde, le
ministre (français) des Finances en même temps et les perspectives
qu’ils ont évoquées nous encouragent dans ce sens, dans un certain
nombre de domaines où nous faisons avancer les projets communs. C’est
un grand pays, non seulement par sa taille, mais par son importance
politique, économique et humain qu’il développe. Et puis, vous le
savez, c’est peut être le premier pays en matière de la Francophonie :
il semblerait que la population de la République démocratique du Congo
ait dépassé celle de la France, donc, c’est le premier pays
francophone.

Radiookapi.net
: Votre dernier tête-à-tête, c’était avec le Président Kabila. Quels
sont les sujets que vous avez abordés avec ce dernier ?

«BK
: nous avons parlé de projets d’investissement, de la visite de Madame
Idrac avec un nombre important d’investisseurs français au mois de
février. Puisqu’on peut regretter qu’il n’y ait pas assez de
détermination des investisseurs français en RDC. Mais, il ne faut pas
exagérer, il y a aussi des succès. Nous avons aussi parlé de l’Est du
pays, de la présence de la Monuc, du désir de voir l’aide de la
communauté internationale se porter encore plus sur la population. Nous
avons ensuite parlé de la façon dont pourrait participer à cette
approche différente de population de l’Est, une aide française et même
une participation française. Il ne s’agit pas seulement d’une aide,
mais de projets communs.

Radiookapi.net : parlons de la Monuc, maintenant. Quelle lecture faites-vous, après votre entretien avec le chef de l’Etat?

«BK
: nous en avons parlé. Mais, c’est au Président Kabila de travailler
ensemble avec d’autres pays, peut-être, à une résolution dans l’avenir
et de préciser le rôle de la Monuc et le rôle respectif de l’esprit des
Nations unies et de la sécurité seulement par rapport à un
développement qui serait beaucoup plus proche de la population au fur
et en mesure que les choses s’arrangeront. Mois, j’ai noté, pour avoir
un peu l’habitude des missions de la paix, qu’entre ma dernière mission
à Goma – il y a un an exactement – la situation qui a été décrite par
les gens qu’on a rencontrés de la Monuc (Général Gay avec Alain Doss)
ça va mieux. Et donc, il faut étaler dans le temps. C’est ce que le
Président Kabila s’apprête à faire. Je ne veux pas prendre la parole à
sa place. Ce n’est pas du tout un rejet de la Monuc : ‘Nations unies
partez !’ Pas du tout ! Au contraire, il faut que l’évolution se fasse.
Et moi, je suis d’accord avec ça. Il ne faut pas chasser la Monuc. Il
faut que (son retrait) soit modulé dans le temps en fonction des
résultas et peut-être même de l’étendue du territoire. Et nous avons
parlé, par exemple du rôle de la Monuc dans la province de l’Equateur.
Il veut qu’elle soit en accord avec les succès obtenus : quelque chose
qui soit par exemple plus économique, plus humain que simplement
sécuritaire.

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