19.01.10 Le Potentiel: Cinq questions à Paulin Katshongo, par Faustin Kuediasala

 

1. Vous venez de vous entretenir avec l’élite de Kolwezi. Peut-on connaître les motivations d’une telle démarche ?

De prime abord, je dois vous dire qu’il s’agit d’un exercice
démocratique auquel nous devons déjà nous habituer. C’est vrai que le
début a toujours été difficile. Mais, nous nous sommes dits qu’il
fallait faire un pas. En plus, il était important pour nous de nous
entretenir avec notre base, car nous ne sommes que des mandataires et
avons en même temps le devoir de rendre compte à ceux qui nous ont
délégué dans les institutions au niveau national. Ce genre de
rencontres nous permet de saisir les problèmes qui se posent à la base
afin de les porter à la connaissance des instances de décision du pays.
Ainsi, à Kolwezi, nous avons été saisi de divers problèmes tels que
l’opération « Départs volontaires » initiée il y a quelques mois à la
Gecamines, les cinq chantiers qui, selon la population, ne sont pas
visibles dans la ville de Kolwezi. Dans la ville par exemple, l’état de
la voirie est déplorable, les infrastructures sanitaires et scolaires
ont atteint un niveau de détérioration très avancée. Dans les questions
qui nous ont été transmises par écrit, quelqu’un a évoqué l’état de
délabrement de l’Institut Lufuba, où la pluie a emporté une partie de
la toiture. Donc, il y a un certain nombre de questions que la
population a soulevée pendant notre rencontre dans la salle Manika.
Au-delà de tous ces problèmes, il a été aussi question de la
décentralisation, du découpage. La population s’est particulièrement
attardée sur l’état d’avancement de ce projet.

2. Des problèmes ont été posés par la population. Qu’avez-vous promis ?

Vous avez raison de vous poser cette question. Car, les problèmes
sont posés, mais c’est plus dans l’action que la population voudrait
nous voir agir. Il y a, par exemple, le dossier de la fermeture de KMT
(Kingamyambo Musonoi Tailings) qui est un problème réel dans la ville.
Il y a près de 2.500 personnes qui ont perdu leur emploi du fait de
cette décision gouvernementale. Et, la population de Kolwezi continue à
s’interroger sur ce dossier. Car, il y a des choses qu’elle ne comprend
pas. Et, quand elle se trouve en face de ses élus, comme c’était le cas
dans la salle Manika, elle nous exige des explications pour d’abord
comprendre les raisons de la résiliation de ce contrat et ensuite les
conditions dans lesquelles cette décision a été prise. Nous leur avons
donné le condensé des démarches qui ont été effectuées. Nous avons en
même présenté l’espoir d’un rapprochement entre différentes parties
impliquées pour relancer les négociations en vue d’une issue favorable
à ce dossier. C’est une façon de dire que la population a compris que
leurs élus font quelque chose, ont entendu leur cri et mènent
parallèlement des démarches pour vider les divergences entre les
parties. Il y a les cris des habitants de Kolwezi qui doivent être
portés à la connaissance du reste de la population de la RDC. Kolwezi
qui est la mère poule, le poumon économique de la RDC par l’importance
de ses gisements est dans la détresse. La population en a fait part à
ses élus que nous sommes. C’est le moment d’amener le gouvernement à
prendre en compte les pleurs de cette population qui ne demande qu’une
chose : le développement et une meilleure redistribution des revenus de
ses ressources naturelles.

3. On a senti une certaine frustration dans les
problèmes soulevés par la population. C’est comme si elle se sentait
abandonnée. Qu’en dites-vous?

Ici à Kolwezi, la population se sent totalement abandonnée, comme du
temps de Mobutu où la ville donnait tout à la Nation, mais n’en
recevait rien en retour. Kolwezi a donné des gisements dans les
contrats chinois. Mais, qu’est-ce qu’elle a reçu au retour ? Pas
grand-chose. Il n’y a qu’à faire le tour de la ville pour s’en
convaincre. Et, quand la ville perçoit un brin d’espoir avec les
entreprises minières qui s’installent sur son sol, il y a eu
révisitation des contrats puis résiliation d’un projet qui promettait.
Aujourd’hui, les gens qui étaient employés dans ces entreprises fermées
ou en difficultés sont retournés dans l’informel. C’est le cas avec le
dernier éboulement qui a fait près de six morts. Selon les informations
reçues sur place, il nous a été rapporté que certaines victimes sont
des anciens travailleurs de KMT. Ce qui ne peut que raviver les
tensions et alimenter les inquiétudes de cette population qui ne
comprend pas que le gouvernement la sacrifie pour des raisons obscures.

4. A Kolwezi, certains croient que ses élus sont de mèche
avec le gouvernement. Le Premier ministre a annoncé dernièrement la
réhabilitation de 180 Km des routes à Kolwezi. Ce qui n’est pas le cas.
Mais, on n’a enregistré aucune réaction de la part des élus.

En tout cas si le gouvernement a parlé de la réhabilitation de 180
Km de routes à Kolwezi, c’est certainement en projet. Car sur terrain,
rien de tel n’est encore fait. Faisait-il allusion à la route
Kolwezi-Likasi, c’est à vous de me dire si la réhabilitation – encore
partielle – de cette route est faite sur financement des fonds
débloqués par le gouvernement central.

5. Etes-vous convaincu que le gouvernement pourra
répondre à vos attentes, notamment en rapport avec les faits soulevés
par la population ?

Quant à notre complaisance à certaines décisions du gouvernement,
comme vous semblez le dire, je ne pense pas que ça soit ainsi. Et,
c’est ce que nous avons tenté d’expliquer à la population pendant la
rencontre d’échanges que nous avons organisé dans la salle Manika, sur
place à Kolwezi. Nous sommes juste des élus, membres du Sénat ou de
l’Assemblée nationale, mais nous n’avons pas le pouvoir de décision qui
relève de l’exécutif, c’est-à-dire du gouvernement. Notre pouvoir se
limite donc à porter à la connaissance de ceux qui ont la décision les
doléances de la population, ses problèmes et éventuellement proposer
des pistes, ou à la limite, faire pression quand il y a blocage dans la
chaîne de décision. La rencontre de Kolwezi nous a permis d’enregistrer
les problèmes, de comprendre les frustrations de cette population qui
nous a élus et qui a manifesté l’envie d’être réellement pris en charge
en apportant la solution à ces problèmes. Nous allons bientôt rentrer à
Kinshasa. Nous promettons d’agir en conséquence pour que les problèmes
qui nous ont présenté trouvent une solution ou tout simplement un début
de solution.

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