02.02.10 Le Potentiel / CINQ QUESTIONS à Gilles Pison,
1. Faire beaucoup denfants, est-ce une
bonne ou une mauvaise chose pour lAfrique?
Il ny a pas si longtemps, les familles nombreuses étaient la règle
partout sur la planète. Cest assez récemment que lhomme sest mis à
limiter volontairement les naissances. Cela a débuté en Europe et en
Amérique du Nord, il y a plus dun siècle, suite à la baisse de la
mortalité infantile. Dès lors quil nest plus nécessaire de mettre au
monde beaucoup denfants pour quil en reste, la fécondité diminue.
Surtout lorsque les enfants deviennent une charge car il faut les
envoyer à lécole, leur assurer leur avenir et une bonne situation. Ces
deux mouvements appelés « transition démographique » se sont
progressivement diffusés partout, y compris sur le continent et
notamment en Afrique du Nord.
2. Mais pas en Afrique subsaharienne…
En fait, le processus est engagé. Même si les écarts demeurent avec
les autres régions du monde, la mortalité a baissé depuis cinquante ans
malgré le Sida. Pour ce qui est de la fécondité, elle est en moyenne de 5
enfants par femme. Cest beaucoup moins que les 7 enfants dil y a
trente ou quarante ans. Mais, il est vrai que lon ne retrouve pas les
baisses rapides constatées en Asie et en Amérique latine dans les années
1970-1980.
3. Les traditions ont-elles une part de responsabilité?
Faire beaucoup denfants obéit avant tout à ce vieux raisonnement
selon lequel ils constituent une force de travail et une assurance pour
les vieux jours. Mais cela évolue, cest très net dans les villes, les
milieux instruits et les classes supérieures. Dans les campagnes, cest
plus lent, même si les femmes sont prêtes à utiliser la contraception,
dans un premier temps pour espacer les naissances.
4. Les religions constituent-elles un frein à la baisse des
naissances?
Pas particulièrement. Lexpérience des autres parties du monde
démontre que cela nest pas déterminant. Prenez lIran, qui a connu une
forte baisse de la fécondité dans les années 1980-1990. Il en est de
même pour lAfrique du Nord, où la transition démographique a été
rapide. On exagère le rôle des religions. Les imams ne sont pas un
obstacle, pas plus, et même finalement plutôt moins que les autorités
catholiques, qui ont un problème avec la contraception moderne.
5. LAfrique est-elle en mesure dabsorber une population de 1
milliard dindividus, voire de 2 milliards en 2050?
La baisse de la fécondité nest-elle pas une condition indispensable
au développement économique?
En 1950, le continent comptait 220 millions dhabitants. Le
milliard daujourdhui vit globalement mieux que ces 220 millions
dhier. Et pour ce qui est des 2 milliards en 2050, je ne pense as que
la menace soit alimentaire. A léchelle de la planète, nous sommes 7
milliards et nous mangeons mieux quil y a deux siècles, lorsque nous
nétions que 1 milliard. Lamélioration est donc réelle. En Afrique, la
situation nest certes pas idyllique, mais la proportion de gens qui
souffrent de la faim a baissé depuis 1950. Ce défi peut être relevé. Il y
a suffisamment de terres pour nourrir tout le monde sur la planète.
Quant à lAfrique, elle devra sans doute continuer à importer une partie
de sa nourriture, même si le secteur agricole se développe. Cette
question suscite le débat à travers le monde. Ces deux phénomènes sont
liés et fonctionnent dans les deux sens. Lorsque la santé saméliore,
que la mortalité diminue, et que les femmes sont plus instruites, on
vient à souhaiter moins denfants… Dans lautre sens, la diminution de
la fécondité a des effets économiques bénéfiques. On la constaté en
Asie et en Amérique latine : la proportion de jeunes a baissé et celle
des personnes âgées na encore guère augmenté. Résultat, les actifs
nont jamais été aussi nombreux en proportion, et cela explique en
partie le boom économique de ces pays.