Lumumba et les nègres de service (JP Mbelu)

Je reviens sur cette soirée pour
une raison toute simple : l’une de nos filles présentes dans la salle et
n’ayant pas vécu les événements des années 60-61 a trouvé une
convergence terrible entre ce qui s’est passé à cette période de notre
histoire et ce qui se passe chez nous depuis la guerre dite « de
libération ». Après son constat, elle s’est exclamée : « Nous n’avons
pas de chance ! » La réaction de Tony Busselen à cette exclamation a été
intéressante.

 

De la
convergence

 

Le Congo des années 60 était
entre les mains des impérialistes et des esclavagistes. Il était la
chasse-gardée de quelques familles bourgeoises occidentales ; il était
leur poule aux œufs d’or. Ces familles auraient voulu que le pays de
Patrice Emery Lumumba ne puisse pas changer de statut et
surtout pas avoir à sa tête un nationaliste, chantre de la liberté et de
l’égalité et serviteur décomplexé des intérêts de ses compatriotes.
Quand les colons acceptent à contre cœur  que les élections
soient organisées quelques temps après la proclamation de
l’indépendance officielle, ils s’arrangent pour qu’une campagne soit
menée contre Patrice Emery Lumumba et sa formation
politique (fragile). Ils n’avaient aucune idée du niveau de la
politisation des masses populaires congolaises de l’époque. Lumumba et
son parti gagneront brillamment ces élections et formeront le premier
gouvernement issu des élections démocratiques. Hélas ! Ce gouvernement
sera infiltré par quatre nègres de service, membres désignés de la
sûreté belge. L’infiltration des agents des impérialistes dans la
gestion de la chose publique chez nous n’est pas un nouveau phénomène.
Après plus de trois décennie de la dictature de Mobutu soutenue par les
impérialistes, l’AFDL (PPRD) et le RCD et le CNDP, agents des
anglo-saxons par Kagame interposé, sont aujourd’hui dans les
institutions congolaises de la Troisième république. Ils ont tué Lumumba
et ses amis en 1961 ; de 1997 à 2009, ils ont tué plus de 6000.000 de
Congolais par leurs nègres de service interposés.

Ils pillaient nos ressources du
sous-sol depuis la traite négrière pour l’enrichissement de quelques
familles bourgeoises, aujourd’hui, ils pillent nos matières premières
stratégiques pour l’enrichissement illicite de 200 sociétés multi et
transnationales ou gérées par les descendants de ces mêmes familles
(avec certains hommes politiques à la retraite dans les conseils
d’administration).

En 60, Lumumba, cet homme debout
et digne était traité de communiste pour justifier la nécessité de son
élimination physique ; aujourd’hui, tous les hommes et femmes qui
résistent au pillage des richesses de notre pays (et les autres
innocents) sont qualifiés d’aigris, de haineux, de méchants loups et
sont régulièrement tués ou empoisonnés par les nègres de service, les
impérialistes ayant peur d’opérer au grand jour pour éviter que leur
opinion publique ne leur exige des comptes au moment opportun.

Le récit de la mort de Lumumba a
été édulcoré pendant au moins dix ans et les médias dominants ont
colporté tous les mensonges cousus de toute pièce par les impérialistes.
Pendant longtemps, chez nous, la guerre d’agression des Anglo-saxons
par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi interposés a d’abord été
qualifiée de guerre ethnique avant que la Suède, la Norvège et la
Hollande avouent officiellement que le Rwanda soutenait les rébellions
au Congo pour des motifs de pillage des ressources naturelles.

Lumumba mort a été coupé en
morceaux et sa chair aspergée d’acide sulfurique. Les résistants
Congolais dans la guerre d’agression et d’autres victimes
innocentes sont coupés en morceaux, enterrés vivants ou jetés dans
l’eau.

Au vu de toutes ces convergences
entre la période de la colonisation, des premiers jours de notre
indépendance et la situation actuelle de notre pays, l’une de nos filles
présentes au Studio 11 à Louvain-la-Neuve s’est écrié : « Nous n’avons
pas de chance ». Cela d’autant plus que la course vers les matières
premières et la compétitivité qu’elle crée risque de faire oublier (et
davantage) un traitement efficace des questions liées au respect de la
dignité humaine.

 

 

« Nous n’avons
pas de chance ! »

 

La réponse de Tony Busselen à
cette exclamation interpelle. Pour lui, le Congo d’aujourd’hui diffère
de cette d’hier parce qu’il y a des Congolais debout, décidés à lutter
pour renverser la vapeur. J’ajouterai que Lumumba devenu « une idée »
s’est incarné dans plusieurs de nos compatriotes. Ce sont eux qui vont
provoquer la chance. La chance peut être donnée. Rarement.

Souvent, elle est provoquée. Elle
est créée dans un environnement propice aux actions convergentes. Le
fait que les étudiants Congolais de Louvain-la-Neuve ait mis la main sur
des critiques occidentaux de l’impérialisme, usant à bon escient de la
liberté d’expression, est un signal très fort. Il y a là comme une
invitation à faire la distinction entre « le petit reste » d’Occidentaux
attachés aux valeurs, les masses sous-informées par les médias
dominants et les familles bourgeoises prêtes à tous les coups pour créer
la richesse et faire le profit à moindre coût.

C’est avec ce « petit reste »
qu’il faut procéder au métissage des intelligences.. Pour
provoquer la chance, nous devons poursuivre le travail de politisation
de nos populations en décriant les nègres de service et les médias à
leur solde. D’où, nous ne le dirons jamais assez, la nécessité des
médias alternatifs. Ce travail est indispensable. Il doit être abattu à
temps et à contretemps par les « Bantu ba tshitelu »,
« les ascètes du provisoire ». Il est pénible et il peut induire le
sacrifice suprême. Sans souhaiter ce dernier, nous devrions savoir que
remettre en question les privilèges des impérialistes
peut coûter la mort. Et « les Bantu ba tshitelu » en sont
avertis.

Travailler en synergie en
métissant les intelligences et les pratiques, en nous quittant petit à
petit l’axe occidental de la mort programmée des résistants pour nous
inscrire prioritairement dans le Sud-Sud  serait rentable. A terme. Tout
grand changement est d’abord imperceptible, moléculaire.

Pour avoir eu la chance de
côtoyer régulièrement mes compatriotes de la diaspora et du pays, une
grande conviction a grandi en moi : le Congo sera grand, riche et
prospère. Il nous reste de trop petites choses à régler : avoir, à
plusieurs, le Congo à libérer des nègres de service comme dénominateur
commun, politiser davantage nos masses et mettre une sourdine sur nos
petites divisions pendant au moins quelques dix ans. Pourquoi ? « Samba
udi wibaka padi tshitata, mwena mupongo udi wibaka padi diyoyi
 ».
Le pouvoir ensorceleur de la bourgeoisie capitaliste mange les cœurs et
les esprits là où les partisans du diable (c’est-à-dire le plus grand
commun diviseur) opèrent.

Mais comment expliquer qu’un pays
à 80% chrétien soit sous le joug de la division, du diable ? Que les
prêtres et les pasteurs s’interrogent et se convertissent. Que nos
masses populaires se demandent si la religion n’est pas devenue l’opium
du peuple
et qu’elles se laissent politiser tout en se
convertissant aux valeurs de la vie défendues par nos ancêtres et que
l’on retrouve dans l’évangile. Qu’elles deviennent capables de discerner
le bon grain de l’ivraie, le discours patriotique du discours
électoraliste des nègres de service, escadrons de la mort de
l’impérialisme renaissant. Le reste suivra…

 

J.-P. Mbelu

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