09.02.10 Le Potentiel: Cinq question à Shenila Mwanza Kabamba, par Stephane Etinga

 

1. Que pensez-vous de la promotion et du leadership de la
femme musulmane de la République démocratique du Congo ?

J’ai abordé ce sujet lors du Forum organisé au début de ce mois à
Kinshasa, lequel avait regroupé les femmes musulmanes de l’UMC et qui
constituait une grande première pour les musulmanes d’Afrique et de la
RDC. La promotion de la femme musulmane dépend, pour moi, de deux
domaines non moins importants qui sont d’ailleurs indispensables au
développement d’un leadership responsable de cette femme dans notre
pays. Il s’agit de son éducation ainsi que de sa position de femme en
général, et de la femme musulmane en particulier, au sein de notre
société et dans tous les domaines de notre vie sociétale. L’émergence
sociale des femmes musulmanes trouve d’abord sa source dans leur
participation active à la lutte de l’indépendance de notre pays aux
côtés de nos premiers leaders politiques, comme Lumumba, héros national,
au péril de leur liberté personnelle. Elles ont aussi contribué à
ouvrir la voie aux grandes mutations qui ont affecté la condition
féminine dans notre pays. Il ne faut pas oublier le combat mené par ces
femmes au début et pendant la colonisation notamment dans l’Est du pays,
et également dans d’autres provinces.

2. Comment jugez-vous l’éducation de la femme congolaise en
général et celle de la femme musulmane en particulier ?

En moins d’un demi-siècle, l’éducation n’a pas encore transformé en
profondeur notre peuple tout entier, et encore plus sa partie féminine.
Les femmes musulmanes doivent encore fournir beaucoup d’efforts et
prouver leur mérite pour espérer atteindre, sinon dépasser la parité
entre homme et femme dans notre société. Les statistiques du ministère
de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP) indiquent
qu’il existe encore une énorme distorsion entre les filles et les
garçons qui fréquentent l’école. Lorsqu’on en a les possibilités, on
envoie plus facilement les garçons à l’école plutôt que les filles. Or,
pour permettre un véritable développement d’un leadership de la femme
musulmane en RDC, il est indispensable d’envoyer les filles musulmanes à
l’école et de les accompagner pour qu’elles fassent de grandes études
comme les garçons. Eduquer les jeunes filles, lutter contre leur
déscolarisation, notamment dans le monde rural et les zones
périurbaines, les orienter vers des filières professionnelles à fortes
potentialités technologique, financière et managériale, est un défi que
devons relever.

3. Est-il facile pour une femme musulmane d’accéder au
travail dans une entreprise à l’extérieur du domicile familial ?

Il est révolu, le temps où, pour un petit nombre de nos mères,
épouses et sœurs, le travail à l’extérieur du domicile familial
s’identifiait à celui de femme de ménage. Actuellement, plusieurs
centaines de milliers de femmes congolaises occupent des emplois dans
les secteurs de l’éducation, de la médecine, des affaires, des exécutifs
national et provincial, de la magistrature, de la police et de l’armée
dans notre pays. Certes, les femmes en général et les femmes musulmanes
en particulier, sont encore minoritaires dans le monde du travail et ne
représentent que moins de 5 % environ de la population active. Mais,
leur nombre ne cesse d’accroître à un rythme supérieur à celui des
hommes. Il appartient donc aux femmes musulmanes de la RDC de bousculer
les statistiques en prenant à bras le corps le formidable défi qui est
lancé à la société toute entière et de faire aussi avancer les cinq
chantiers du chef de l’Etat. La femme musulmane doit prendre aussi sa
part de responsabilité.

4. Que préconisez-vous pour promouvoir le leadership de la
femme musulmane de la RDC ?

Nous ne pouvons nous complaire de ce que la République fait pour les
femmes, nous devons aussi apporter notre contribution au pays, en
l’occurrence à la promotion du leadership de la femme musulmane. C’est
ainsi que moi, je propose que nous puissions élaborer un cadastre de
l’élite féminine musulmane, sur base de laquelle il sera possible
d’entreprendre des actions concrètes et organiser entre autres des
rencontres mensuelles sous forme de dîner-conférence. Pour l’élite
féminine musulmane dont je fais partie, ce sera l’occasion de catalyser
la participation de la femme musulmane à l’économie contemporaine, à
l’éducation, aux nouvelles technologies de l’information, à la formation
et l’orientation professionnelle des jeunes filles musulmanes.

5. Comment avez-vous réagi au discours prononcé en Egypte
par le président Barack Obama qui s’adressait au monde musulman sur
l’organisation d’un Sommet de l’entreprenariat ?

Le Sommet proposé par le président des Etats-Unis sur
l’entreprenariat sera co-organisé par le Département du Commerce, le
Département d’Etat et l’USAID. Il permettra de continuer les efforts
dans le cadre des programmes de partenariat économique déjà existants ou
de lancer de nouveaux projets à même de bénéficier aux Etats-Unis et à
l’ensemble des communautés musulmanes. Pour nous, femmes musulmanes de
la RDC, il est impératif que nous soyons représentées à cette rencontre.
Nous interpellons donc notre gouvernement pour qu’il facilite et
favorise notre participation à ce sommet. Je saisis cette occasion pour
lancer un vibrant appel à la conscience collective de toutes les femmes
musulmanes afin qu’elles s’engagent dans le combat du développement de
nos pays respectifs.

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