La guerre économique au Congo et les probables élections de 2011 (JP Mbelu)
La logique rivalitaire
joue à fond dans cette guerre. Ecraser les rivaux, rendre ingouvernable
notre pays en entretenant un climat de terreur et une violation
systématique des traités juridiques internationaux et nationaux, tout
cela contribue au pillage en règle de nos matières premières.
Laffaiblissement de lEtat ou sa non-existence, le marionnettisme
et la mise sur pied du travail de prédation en réseau font partie des
tactiques savamment orchestrées par « les maîtres du monde et ceux qui
leur obéissent » pour faire de notre espace vital un no mans land, une
jungle.
Si léveil de conscience sur le
rôle de la guerre chez nous semble être très avancé, nous narrivons pas
encore, dans notre immense majorité, à en tirer toutes les
conséquences.
Prenons quelques cas. Nous ne
pouvons pas, dune part, affirmer que nous faisons face à une guerre
économique et supporter, dautre part, quil y ait dans lun des
gouvernements de notre pays les marionnettes de Kigali, plaque tournante
de notre appauvrissement au profit de ses parrains occidentaux ; ou
revenir sur limportance des accords de Goma comme si la guerre qui nous
est imposée était une guerre ethnique.
Nous ne pouvons pas, dune part,
relever le rôle nocif des pays comme les USA et la Grande-Bretagne dans
cette guerre de pillage et dautre part, compter sur les négociations
économiques entreprises avec les IFI et notre pays pour le sortir du
pétrin ; ces dernières étant « les petites mains financières » du
capitalisme du désastre.
Nous ne pouvons pas, dune part,
décrier cette guerre économique, et dautre part, signer des « contrats
léonins » avec « les garçons de course » de certaines entreprises
multinationales comme AREVA.
Disons que décrier la guerre de
prédation qui nous est menée depuis plus de dix ans devrait nous
conduire à en approfondir les enjeux pour mieux entrevoir lavenir.
Lattrait de nos matières premières stratégiques et la fin du rôle de
Mobutu pendant plus de trois décennies chez nous ont conduit quelques
pays occidentaux, et pas les moindres, à blanchir un criminel de guerre,
Paul Kagame, afin quil les aide à faire main basse sur nos richesses.
Il y a, dans cette démarche, une
renonciation aux valeurs du droit et de la justice pour ce que les
faiseurs des mots dénomment le réalisme politique ;
cest-à-dire une renonciation à léthique et à la morale pour les
affaires. Et quand ceux qui ont consenti à cette renonciation osent se
dire démocrates, il faut être fou pour les croire. Là où le bât blesse,
cest quand la justice semble être embrigadée dans ce marché des dupes
aux dépens de simples citoyens.
Les voleurs en col blanc
instrumentaliseraient les cours et tribunaux à leur profit pour opérer
sans inquiétude !
Dans ce contexte, comment parler
de probables élections de 2011 ? Est-ce un enjeu majeur pour nous ? A
quoi pourrait servir, déjà aujourdhui, tous ces débats autour du
meilleur candidat aux élections présidentielles de 2011 ? Ny aurait-il
pas des questions de géostratégie beaucoup plus importantes à traiter ?
Même si laccès aux affaires des meilleurs candidats pourrait être un
préalable nécessaire à de meilleurs choix stratégiques ! Telle est là la
question de la poule et de lœuf !
A notre avis, léducation et la
formation de nos masses populaires aux enjeux réels de la guerre qui
sévit chez nous est prioritaire par rapport aux élections de 2011. Tant
que nos masses ne comprendront pas par exemple le fonctionnement du marionnettisme,
elles risquent de se faire flouer par les membres du réseau de
prédation actuellement au pouvoir. Elles sont appauvries à dessein pour
quelles servent de cobayes aux hommes et femmes liges du capitalisme du
désastre. Sétant enrichis sans cause dans moins de 15 ans, ils
risquent demain, dacheter les voix, de bourrer les urnes ou de semer le
chaos pour se rendre incontournables.
Education et formation des masses
populaires à temps et à contretemps. Mais aussi, une grande ouverture à
lAfrique, aux forces de résistance africaines à lentretien des
guerres économiques sur notre continent. Car ce dont il est
fondamentalement question, cest du changement des rapports de force. La
RD Congo, seule, face aux USA, à la Grande-Bretagne et à la France se
battant sur son sol contre la Chine par des suppôts interposés, est
fragile, faible. Il y a comme une nécessité de réinventer le
panafricanisme en restant ouvert au métissage des pratiques et des
intelligences avec les axes stratégiques qui pèsent dans la balance des
Occidentaux prédateurs.
Dans cette approche, les débats
opposant Kashala à Tshisekedi ou Kabeya à Mutombo, Serge Gontcho à
Thierry Nlandu pour les élections présidentielles de 2011 font le jeu de
lennemi. Ils nous paraissent biaisés dans la mesure où ils relèvent
dune analyse approximative des enjeux réels de la mort programmée de
notre espace vital. Ils pourraient être qualifiés de débats diaboliques ;
ils divisent pour permettre au réseau de prédation de mieux piller.
A notre avis (discutable), nous
devrions beaucoup partir du regroupement de toutes les forces vives
et procéder, peut-être, pour ceux et celles qui tiennent aux élections
de 2011, à des élections primaires pour choisir un seul candidat pouvant
affronter le candidat du pouvoir actuel. Cela constituerait un plan A
qui nexclurait pas les autres B, C et D raisonnables.
Saurons-nous rompre avec une
tradition appauvrissante en politique : celle qui accorde un privilège
exagéré aux débats (nécessaires) sur des individus sans tenir compte des
enjeux majeurs et des projets de société en présence ; sans tenir
compte de notre propre expérience historique dun pays sous tutelle en
permanence ? Lavenir nous le dira.
J.-P. Mbelu