08 mars : parité et solidarité ne font pas bon ménage chez la femme du Congo-Kinshasa (Clovis Kadda)
Les thèmes retenus
pour 2010 sont les suivants :
Au plan
international : «Droits égaux,
Opportunités égales:Progrès
pour tous »
Au niveau
national : «Le Progrès pour tous, Parité
Homme-Femme dans un
Congo
Cinquantenaire"
Le slogan 2009 de
« Je dénonce » a cédé la place aux « Droits égaux ». Mais, en
réalité, la ritournelle et la méthode demeurent les
mêmes :
ü limpression de pagne est
une sacrée occasion pour certaines femmes de se faire de largent. Cest ainsi
quelles nont pas hésité de préfinancer en 2009 ;
ü le pagne du 08 mars permet à
Madame Marie-Ange LUKIANA – Ministre de Genre, Famille et Enfant – dhabiller et
dentretenir sa base de lUNAF (Union Nationale des Femmes) et celle du PPRD
(Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie)… aux frais de
lEtat ;
ü les mandataires des
entreprises publiques et, dans une certaine mesure, les délégations syndicales
trouvent le prétexte de justifier certaines dépenses, notamment lachat de pagne
(à quel prix ?), le rafraichissement offert aux agents, à lissue du défilé,
etc.
Or, la femme de
Mwenga (Sud-Kivu), de Bagata (Bandundu) ou de Bosobolo (Equateur) ne se sentent
pas du tout concernées par ce « tralala ». Pourtant, il sagit bel et bien de la
journée de la femme, avec comme thème national basé sur légalité des
droits.
Un manque criant de
solidarité !
Manque de solidarité avec
les victimes (les vraies) de toutes formes de violences faites à la
femme, disséminées à travers le pays. Manque de solidarité également aux femmes
de la « Communauté Pygmée », longtemps marginalisées et – surtout – considérées
comme des « sous-hommes »…
Si, par bonheur, ces
femmes accédaient un jour au pagne du 08 mars 2010, ce serait probablement à une
phase très dépassée, très délavéé et presquen lambeaux!
Ecarts
considérables
A voir de près, des
écarts considérables sont enregistrés entre la vision initiale et ce que lon
fait de la date du 08 mars en République démocratique du
Congo.
Dans la plupart des
pays industrialisé
internationale de la Femme. Dautres encore (y compris des pays africains)
observent la Semaine de la Femme.
Pourtant, les femmes
de ces pays sont restées dans les revendications de leurs
droits.
Au Congo-Kinshasa,
cest un peu le contraire qui se produit. Le travail combien appréciable des
associations et autres regroupements féminins semble noyé dans les festivités
marquant cette journée !
De tout ce qui
précède, il y a lieu de se demander si la femme congolaise sait réellement ce
quelle veut !
Le 12 février
dernier, les enfants nont pas fêté la « Journée internationale de lEnfant
soldat ». Bien au contraire, ils en ont profité pour revendiquer leurs droits en
adressant un mémorandum « musclé » aux autorités de la République (les
Présidents des deux Chambres du Parlement et le Premier ministre). Ils ont
également visé le Commissaire Général au Cinquantenaire en vue de solliciter une
place de choix dans les préparatifs du 50ème anniversaire de
lindépendance de la RDC.
Avisés et quelque peu
visionnaires, ils reviendront certainement à la charge le 16 juin (Journée de
lEnfant africain).
La question ici cest
de savoir sil faut nécessairement « fêter » le 08 mars avec des pagnes ou
plutôt conjuguer des efforts pour un changement significatif du statut de la
femme congolaise ?
En RDC, tout le mois
de mars est consacré à la femme ; ce qui est une très bonne
chose.
Mais, tout un mois
pour quelles actions, quels résultats ? Le suivi et lévaluation se feront à
quel niveau et par qui ?
Quid de la
Loi de mise en oeuvre de la parité ?
Selon le
législateur : « La femme a droit à une représentation équitable au sein des
institutions nationales, provinciales et locales. LEtat garantit la mise en
oeuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions. La loi fixe les
modalités dapplication de ces droits ».
(Article 14 de la
Constitution de la RDC)
Existe-t-il une loi
de mise en oeuvre de la parité en RDC ? Si oui, quel est son degré
dapplication ?
Si oui, comment
expliquer que sur un effectif de 43 membres, le Gouvernement MUZITO II ne
comprend que 5 femmes (11,6%) ?
· Aucune femme parmi les 3 Vice
Premier-ministres (0%) ;
· 4 femmes ministres sur les
33, soit 12,1% (la première dentre elles – Jeannine MABUNDA du Portefeuille –
occupe la 14ème place, par ordre de
préséance ;
· Une seule femme sur sept
Vice-ministres (14,2%).
Les politiques
congolais ont vraisemblablement une autre définition/interpré
quon entend par
« représentation
significative de la femme ».
Curieusement, ils
sont applaudis voire « déifiés » par la
même
femme !
La même préoccupation peut
être transposée au niveau des gouvernements provinciaux où
les 11 Gouverneurs sont tous des hommes (0% de femmes).
Les exemples sont
légion : les Présidents de lAssemblée Nationale, du Sénat ainsi que des
Assemblées Provinciales sont tous des hommes (0%).
Le « carré magique »
à la tête de lArmée et de la Police Nationale est totalement masculin (0% de
femmes). Il en est de même pour les universités et instituts supérieurs du pays,
publics comme privés, etc.
Un récent rapport du
PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) sur le Kasaï Oriental
révèle que de 50% des filles qui commencent lenseignement primaire, 27,8%
arrivent au secondaire et que seul 0,2% atteint les études supérieures. Les
principales raisons évoquées sont les mariages et grossesses précoces, en vogue
aussi dans dautres provinces du pays.
Des chiffres qui
démontrent que rien nest encore acquis. Du moins, pas grand
chose!
Le tableau est
sombre. Mais, tout se passe comme si de rien nétait. Les revendications
formulées par les femmes sont englouties par des cris de joie de la fête du 08
mars. Paradoxe !
Pour preuve, la
quasi-totalité de banderoles déployées au défilé du 08 mars, à Kinshasa et en
provinces, exprimaient plutôt la gratitude et le soutien des femmes au Président
de la République, au Gouvernement.
cela.
Revaloriser
la femme et combattre les antivaleurs
Il est temps que les choses
changent. Le premier pas à franchir dans ce sens serait
de trouver une nouvelle stratégie/méthode de
célébrer la Journée internationale de la Femme en
RDC.
Le ministre de Genre,
Famille et Enfant ferait oeuvre utile et montre de solidarité en supprimant par
exemple limpression de pagne. Le montant dû serait alors affecté à des actions
à impact visible et au bénéfice dun plus grand
nombre.
Des actions visant à
la fois à redorer limage quelque peu ternie de la femme dans certains secteurs
de la vie et à lutter contre les antivaleurs.
Khalil GIBRAN disait
que « …Cest de la femme que découle toute grandeur » : celle du roi,
du baron, de notables et tutti quanti. Comment alors comprendre que des femmes
soient aujourdhui exposées à la risée du public, à cause de métiers quelles
exercent ?
Le ministre de Genre,
Famille et Enfant a, dans son discours du 08 mars courant, insisté sur la
nécessité de reconduire le slogan « Je dénonce ». Cette fois-ci pour lutter
contre «…les danses, les publicités et les théâtres obscènes… ».
Magnifique idée !
A propos des danses
obscènes, il sied de noter que les danseuses évoluant au sein des orchestres de
Kinshasa et de larrière-pays sont classées parmi les catégories sociales qui
attentent les plus à la pudeur et aux bonnes moeurs.
Une véritable
gangrène qui ronge irrémédiablement la société congolaise. Un sérieux problème
pour lequel on doit mener des actions à impact rapide et
visible.
En supprimant le pagne,
Madame Marie-Ange LUKIANA dégagerait suffisamment de moyens pour
remettre de lordre dans la boutique. Un travail à
réaliser en synergie avec les ONG et autres
partenaires.
En sa qualité
dautorité de tutelle, Madame le Ministre pourrait collaborer avec ses collègues
de la Culture, de la Communication et de lIntérieur afin dinitier une lettre
officielle, adressée aux têtes daffiches de ces orchestres et sollicitant une
participation active de leurs danseuses à un atelier de travail, autour de la
morale et du savoir-vivre en société.
Une telle activité
provoquerait certainement un changement positif de comportement/
pour le grand bonheur de la communauté!
Et puis, le fait de
voir les petites filles et les femmes, toutes en pagne le 08 mars, sous-entend
que la femme elle-même comprend quil y a des reproches à faire sur son
habillement/
La femme est aussi
auteur des violences faites à la femme !
La journée/mois de la
femme doit être un moment de
conscientisation, de
sensibilisation et de mobilisation.
Plutôt que de focaliser
lattention sur lhomme,
violateurs attitrés de leurs droits, les
femmes devraient se fixer dans les yeux et se dire certaines vérités.
Car, sil est vrai
que cest lhomme qui est souvent indexé pour les violences domestiques,
sexuelles et autres
à légard des
femmes ; il est aussi vrai que la femme est à la base de plusieurs cas de
violences faites à la femme. Il sagit notamment de violences culturelles,
psychologiques.
feu.
Une femme qui connait
un problème de maternité est déstabilisée dans son foyer plus par les
belles-soeurs que par les beaux-frères.
En cas de veuvage,
généralement les hommes se limitent à récupérer les biens laissés par le défunt
et à jeter les enfants et leur mère dans la rue!
Par contre, les
interdits, les coutumes rétrogrades et avilissantes, les injures et autres
traitements inhumains et dégradants sont souvent loeuvre des belles-soeurs.
Donc de la femme !
Comme quoi, la femme
a encore du pain sur la planche. Et, logiquement, lheure ne doit pas être à la
fête !
Clovis
KADDA
Enseignant en Droits
de lHomme
Expert en DDR
(Désarmement, Démobilisation et Réinsertion)
Kinshasa – République
démocratique du Congo
Tél:(243)099 99 310
30 – 081 685 49 67
E-mail:pidenequateu