12.03.10 Le Potentiel: Cinq questions à Paul Noumba, par Faustin Kuediasala

1. Vous venez d’animer à Kinshasa un
atelier sur les partenariats publics- privés (PPP). Au regard des
échanges qu’il y a eu au cours de ces assises, qu’est-ce que la RDC peut
gagner de cette forme de partenariat?

Tout d’abord permettez-moi de vous remercier pour cette opportunité
que votre journal a bien voulu m’accorder pour d’une part, démystifier
le concept de partenariat public-privé (PPP), et d’autre part,
d’indiquer de manière précise ce qu’un pays tel que la République
démocratique du Congo peut gagner en développant et en mettant en œuvre
une approche endogène en matière de partenariat public-privé pour le
développement de ses infrastructures économiques et sociales. Les
besoins de financement de la RDC pour mettre en place une plate-forme
minimale d’infrastructures nécessaires pour une croissance forte, créer
les emplois et réduire la pauvreté sont estimés à 5 milliards de dollars
américains par an pendant les dix prochaines années. Au cours de
récentes années, la RDC a, bon an mal an, mobilisé environ un milliard
de dollars pour les infrastructures. Le pays fait donc face à un déficit
de financements. Les ressources de l’Etat étant limitées, il importe
que l’Etat accélère la mobilisation des financements privés. Pour cela,
il a besoin de mettre en place un cadre et un ensemble de règles et de
procédures pour canaliser les interventions du secteur prive. Des
projets PPP bien préparés et bien mis en œuvre peuvent donc permettre à
la RDC de réaliser de nouvelles infrastructures dont elle a besoin et
qui font grandement défaut à son développement économique et social. Il
s’agit par conséquent d’adopter une approche sélective, associant des
projets viables et relativement facile à concrétiser ainsi que des
projets stratégiques structurants.

2. L’atelier s’est terminé sur un goût d’inachevé, le
gouvernement ayant promis d’approfondir les discussions pour présenter
finalement une feuille de route. Est-ce une façon de dire que la RDC
n’est pas prête à s’engager sur cette voie?

Je ne tirerai pas la même conclusion sur ce point. Tel que
je l’ai indique tantôt, l’objectif de cet atelier était surtout
d’amorcer une réflexion approfondie sur les PPPs et les opportunités à
valoriser en RDC. L’objectif de l’atelier n’était pas en soi de fournir
une feuille de route. Vous savez, avant d’élaborer une feuille de route,
il faut déjà savoir d’où l’on vient (diagnostic) et préciser où l’on
souhaite aller (vision) et comment on compte y arriver (stratégie et
feuille de route). L’atelier sur les PPP a permis à mon avais de
préciser une approche de travail devant à présent permettre aux
différents acteurs d’approfondir la réflexion sur les PPP. La feuille de
route définitive sur les PPP sera finalisée une fois le diagnostic
bouclé et la vision et la stratégie arrêtée. Vous connaissez la fable de
la tortue et le lièvre. Il ne faut pas brûler les étapes. Il faut
d’abord répondre à la question – PPP, pourquoi ? Puis PPP, comment ? –
avant de préciser les étapes de mise en œuvre du programme. Je suis
plutôt satisfait des conclusions auxquelles nous sommes arrivés et je
pense honnêtement qu’il y a des perspectives réelles de PPP en RDC. Par
exemple, la réalisation d’un nouveau terminal aéroportuaire à N’Djili
peut être un excellent projet; la réhabilitation de l’éclairage public
de la ville de Kinshasa est également un excellent projet avec un réel
potentiel d’intérêt pour le secteur prive national; un PPP est également
possible pour l’activation et l’exploitation d’un réseau fédérateur à
fibres optiques pour lequel des investissements sont déjà consentis par
le secteur public…

3. Si préalables il y a, quelle orientation le gouvernement
congolais doit privilégier pour tirer profit de PPP?

Les principaux préalables en matière de PPP sont au nombre de quatre :
Paix sociale et stabilité politique ; stabilité macro-économique et
crédibilité de l’Etat qui doit démontrer sa capacité à honorer ses
engagements (payer ses factures, par exemple) ; une vision claire et un
cadre d’intervention sur les PPPs ; et des projets viables et surtout
commencer par des projets faciles à concrétiser. Comme vous le
constatez, réussir dans ce domaine ne commence pas forcement pas par
l’adoption d’une nouvelle loi. Les PPP impliquent un processus complexe,
coûteux en temps et en argent. Il importe avant tout que le secteur
public se dote d’une véritable capacité pour préparer ces projets,
négocier des contrats équilibrés avec le privé, et être en mesure
d’assurer efficacement le suivi et le contrôle des engagements souscrits
par le privé. En résumé, le gouvernement doit préciser sa vision de
développement des PPP (PPP, pourquoi ?), identifier quelques projets
qu’il peut rapidement mettre en œuvre pour redonner un espoir en
l’avenir aux populations…

4. En quoi se résume alors l’apport de la Banque mondiale ?

Le groupe de la Banque mondiale se tient à la disposition de ses pays
membres pour appuyer leurs efforts pour développer les PPP. Ceci passe
par la mobilisation de plusieurs de ses instruments financiers et non
financiers. Il me semble qu’en RDC, la BM collabore déjà étroitement
avec le gouvernement sur un certain nombre de partenariats – et envisage
d’amplifier son intervention dans son domaine en commençant par un
accompagnement appuyé pour l’élaboration d’une feuille de route adaptée
au contexte national et conforme aux bonnes pratiques internationales.

5. Au cour de l’atelier de Kinshasa, les participants ont
souhaité que dans les prochaines discussions, l’Etat s’entoure aussi
d’autres partenaires comme les opérateurs économiques ou la Société
civile. C’est dire qu’il y a déjà des frustrations qui risquent de
fragiliser le processus. Qu’en dites-vous?

Il faut être prudent à ce niveau. L’Etat doit consulter avec les
partenaires sociaux pour la préparation de ses politiques
d’intervention, cela ne veut pas dire qu’on rentre dans un régime de
co-gestion. Le secteur privé, les syndicats, les forces vives doivent
être consultés une fois qu’un avant projet a été ficelé par une équipe
de professionnels expérimentés comprenant des personnes de qualité. Cela
permet d’enrichir le projet avant même que celui-ci soit discuté au
niveau du cabinet. Pour éviter les frustrations, il faut donc mettre en
place un cadre de consultation sur ce sujet, mais il doit revenir à une
équipe de professionnels d’élaborer un avant projet…

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