08.04.10 Le Potentiel: Cinq questions à Mabala Robert, par Angelo Mobateli
1. Que répondez-vous à ceux qui
estiment, évoquant la crise généralisée prévalant en RDC, que le peuple
congolais devrait plutôt réfléchir sur son avenir au lieu de fêter les
50 ans de lindépendance avec pompe ?
Nous disons que tout anniversaire se fête. Mais, nous ajoutons ceci :
il y a plusieurs façons de fêter un événement. Cinquante ans, selon la
loi congolaise, cest presque lâge de retraite si lon ajoute dix ans.
Une personne qui totalise cinquante ans ne va pas passer son temps à
boire ou à danser pour avoir atteint un demi-siècle. Elle va plutôt
prendre le temps de méditer pour faire le bilan de ce quelle a fait
cinquante ans après et se demander comment elle va vivre après sa
retraite. Les autorités congolaises doivent choisir entre manger, couler
la bière à flots… et réfléchir sur la situation précaire dans laquelle
vit la population de notre pays. Nous devons fêter ou célébrer cet
anniversaire, mais de quelle manière ? Cest la question que devraient
se poser les dirigeants congolais.
Des forums de réflexion devraient être organisés au niveau de
chaque province pour faire une auto-évaluation. Il ne faut pas attendre
que des étrangers viennent faire le bilan des cinquante ans de notre
propre indépendance à notre place. Il faut éviter des inégalités.
2. Au niveau du Conseil national des ONGD, quelle lecture
faites-vous des cinquante ans dindépendance de la RDC ?
Faire le bilan du chemin parcouru par notre pays après le départ du
colonisateur, est un exercice qui nécessite la participation et la
contribution de tout le monde. Au niveau de toutes les provinces de
notre pays, notre organisation a demandé à ses membres danalyser le
chemin parcouru par la RDC pendant cinquante ans. Leurs réflexions
portent surtout sur le plan du développement humain, économique, social,
etc. Nous attendons les conclusions de leurs analyses pour savoir si
nous sommes sur la bonne voie ou pas. Nous soumettrons leurs
recommandations à toute la nation pour quensemble, nous puissions
tracer la nouvelle voie à suivre.
3. Aux dires de certains, le pays a été plongé dans un
chaos durant ces 50 ans. En avez-vous identifié les causes et les
responsables ?
Je crois que la question que lon peut se poser est la
suivante : « Les leaders congolais, tous secteurs confondus, ont conduit
le pays où cinquante ans après laccession de la RDC à lindépendance
en 1960 ? Combien de secteurs, territoires, villes, universités,
hôpitaux… ont-ils construit après le départ des Belges ? ».
Certains historiens renseignent que cest avec largent pris au Congo
que la Belgique a également été construite. La population congolaise
doit, en principe, demander des comptes aux leaders qui avaient pris le
pouvoir après le départ du colonisateur. Quils nous disent, par
exemple, comment ils ont géré les entreprises publiques, les entités
administratives et les institutions politiques depuis 1960 ? Une
Commission «vérité» peut être constituée pour que chaque Congolais, qui a
eu à gérer depuis 1960, vienne dire sa version à la nation. Je crois
que la population a aussi sa part de responsabilité, en nintervenant
pas, ne participant pas, ne réagissant pas et en ne dénonçant pas ceux
des dirigeants qui se méconduisent.
4. Comment évaluez-vous le rôle joué par les organisations
de la Société civile depuis 1960 ?
Au lendemain de lindépendance de notre pays, la Société civile se
limitait au niveau des églises qui, il faut le dire, ont joué un rôle
non négligeable, notamment dans la lutte pour lindépendance ou pour que
la population congolaise vive dans une certaine liberté. Les noms du
prophète Simon Kimbangu ou du cardinal Joseph Malula peuvent être cités
sur cette liste. Les ONG, devenues actives en RDC à partir de 1990,
jouent un rôle très important dans le développement de notre pays.
Toutefois, beaucoup de choses restent à faire dans ce secteur. Acteur de
la Société civile, jai constaté que certains de nos collègues se
comportent comme des acteurs politiques, en cherchant dabord leur
bonheur personnel. Comme les politiciens, les ONG nont pas aidé la
population au nom de laquelle elles obtiennent souvent des financements
extérieurs.
5. Que suggère le CNONGD pour que la situation de la RDC
saméliore ?
Nos suggestions doivent être faites sur base dun nombre de défis à
relever. Les études que nos membres mènent en provinces, nous aideront à
nous faire une idée sur la situation que notre pays a vécue pendant
cinquante ans, avant de faire des projections pour lavenir. Certes, le
CNONGD a son idée sur le développement de la RDC, mais les autorités
politiques doivent avoir une vision pour notre pays. De manière claire,
elles doivent définir les objectifs assignés tel ou tel ministère ou
telle ou telle autre entreprise. Concrètement, notre pays ne doit plus
compter sur les autres pour marcher et prendre ses responsabilités en
mains. Les Congolais ne doivent plus attendre que les Occidentaux leur
disent ce quils doivent faire, même sils restent nos partenaires
privilégiés. A ce sujet, nous pensons au CNONGD que les «Cinq chantiers
de la République» sont une vision claire fondée sur les Objectifs du
Millénaire pour le Développement (OMD) et sur les besoins urgents de la
population.
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