12.04.10 Le Potentiel: CINQ QUESTIONS à Achille Mutombo Cyaji, par Albert tshiambi

1. Quelle est votre réaction sur la
problématique de la révision constitutionnelle?

La révision constitutionnelle n’est pas un «tabou». Même le tabou
peut être levé dans certaines circonstances socio-psycho-culturelles.
Juridiquement, c’est admissible. Car, la loi fondamentale est le reflet
de la volonté de tout un peuple. Il y a des moments où, certaines
dispositions constitutionnelles tombent de facto caduques. C’est-à-dire
qu’elles ne se connectent pas aux réalités temporelles. D’où,
l’éventualité de la révisitation adaptative, sans s’attaquer aux
principes immuables, fondateurs de la démocratie. La préoccupation de
tout homme éclairé est de savoir, si, la révision constitutionnelle en
gestation respectera les préalables juridico-politico-philosophiques. Si
tel est le cas, elle ne devra s’intéresser qu’à la disposition relative
au découpage territorial. Car, il est impossible de créer dans les
conditions actuelles, les 26 provinces conflictogènes. Toutefois, nous
avons fait un constat amer. Depuis le début de cette législature,
certains qui y prennent part, ont dénoncé maintes fois la violation
constante de quelques dispositions constitutionnelles.

2. Votre commentaire sur la tentative de déstabilisation de la
province de l’Equateur par les Enyele ?

La tentative de déstabilisation de la province de l’Equateur
est la conséquence de la fragilité de nos institutions politiques. Dans
le cas d’espèce, il y a eu indifférence ou la banalisation des faits
dans le camp de ceux qui assurent la sécurité de cette province. C’est
pour ainsi dire que les services spécialisés doivent savoir anticiper
les événements, au lieu de les subir. En lieu et place de l’agitation
doublée des accusations souvent gratuites, sur les prétendus tireurs de
ficelles, auteurs, co-auteurs et complices de ces événements malheureux,
le gouvernement congolais devra s’assumer en épinglant la cause
profonde de la déstabilisation politique et militaire de la province de
I’Equateur tout en y apportant des solutions durables.

3. Les préparatifs du 50ème anniversaire de l’indépendance de
la RDC vont bon train. Quel est votre avis à ce sujet?

En ce qui nous concerne, la véritable indépendance ou souveraineté se
constatera, quand le Congolais créera un partenariat digne, avec le
monde extérieur, où il n’y a ni dominé, ni dominant. Pour y arriver, il
nous faut, paraphrasant les évêques catholiques de la RDC, un leadership
responsable, visionnaire et dynamique. Le 30 juin 1960, il n’y a eu
qu’une simple tentative d’auto-affirmation de quelques Congolais,
parfois incités, en coulisses par les mêmes colonisateurs, en vue de
déstabiliser le Congo. Le 30 juin 2010, on fêtera le cinquantenaire de
la destruction, de la misère, et de deuil, sous le regard indifférent
des colonisateurs.

4. Que répondriez-vous à ceux qui s’acharnent sur la CEI et
son président ?

Il suffit d’adopter la loi sur la CENI, la promulguer et la mettre en
pratique pour que la situation se normalise au sein de cette
institution d’appui à la démocratie. L’on parle de la pression exercée
par l’opposition politique parlementaire. A ce sujet, la question qui se
pose est celle de savoir, quelle pression a-t-elle exercée pour
accélérer l’adoption et la promulgation de la loi sur la CENI? A-t-elle,
par exemple, séché ou boycotté les séances du Parlement? Même si, cette
loi est promulguée aujourd’hui, qu’est-ce qui prouve que cette
opposition s’organisera rapidement pour désigner ses membres à la CENI?
Le président national de l’UDPS, Etienne Tshisekedi a dit que ce qui
compte en politique et par ricochet dans toute la vie humaine, c’est le
rapport des forces. On ne résoudra aucun problème crucial avec des
communiqués sensationnels teintés de jérémiades.

5. Comment appréciez-vous le projet de loi concernant la
magistrature, notamment sur le principe de prise à partie.

En tant que philosophe de formation, justifiant d’une certaine
expérience, et chercheur, mon analyse s’articule objectivement de cette
manière : notre pays n’arrive pas à se développer, à cause
essentiellement de la crise morale qui sévit dans tous les secteurs de
la vie nationale. Beaucoup de Congolais, toutes catégories sociales
confondues sont victimes et se plaignent constamment des décisions ou
jugements iniques prononcés par certains magistrats. Ces derniers sont
accusés de prise à partie, en cas, soit de dol, lorsqu’un juge rend un
mauvais jugement avec l’intention de nuire au justiciable, soit en cas
de concussion, lorsque le magistrat se fait corrompre, ou en cas de déni
de justice, quand le jugement n’est pas rendu conformément à la loi.
Sous cet angle, il faut nécessairement des sanctions disciplinaires pour
l’assainissement progressif de la magistrature. Si le gouvernement a
élaboré son projet de loi pour subordonner la magistrature, il sera
utile que le Parlement ne le suive pas sur cette voie. Le gouvernement
congolais présent ou futur, devra s’attaquer primordialement à la cause
profonde du comportement immoral affiché par certains magistrats. Ce
sont, notamment, les conditions inhumaines dans lesquelles vivent tous
ces régulateurs de la société. Ne dit-on pas que la « bonne cuisine fait
la bonne discipline ».

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