19.04.10 Afrique Rédaction – Gaspard-Hubert Lonsi Koko : À propos de la reconnaissance la double nationalité aux Congolais d’origine

Afrique Rédaction : Dans
l'éventualité de la révision constitutionnelle en République Démocratique du
Congo, la problématique de la double nationalité sera certainement soulevée.
Qu'en pensez-vous ?

 

Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Rappelons que, en
République Démocratique du Congo, la nationalité est régie par l’article 10 qui
stipule :

« La
nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue
concurremment avec aucune autre.

» La
nationalité congolaise est soit d’origine, soit d’acquisition
individuelle.

» Est
Congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les
personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo
(présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance.

» Une loi
organique détermine les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et
de recouvrement de la nationalité congolaise. »

 

Afrique Rédaction : Nous aimerions en effet connaître votre
point de vue sur ces trois alinéas de l'article 10.

 

Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Je m'en doute bien.
Disons qu'on peut d’emblée faire trois constats. Primo, l’alinéa 1er de
cet article préconise l’unicité et l’exclusivité de la nationalité congolaise.
Secundo, l’alinéa 3 définit clairement le Congolais d’origine.
Tertio, une loi organique détermine, entre autres, les conditions de
perte et de recouvrement de la nationalité congolaise.


D’aucuns savent
que la nationalité, c’est l’appartenance juridique et politique d’une personne à
la population d’un État. Effectivement, en droit international, chaque pays
délivre sa propre nationalité, mais ne peut contester la nationalité octroyée
par un autre pays. 
On peut donc détenir plusieurs nationalités, et plusieurs
passeports.


D’ailleurs, à
travers sa Constitution, la République Démocratique du Congo tient à juste titre
à son attachement aux droits humains et aux libertés fondamentales tels que
proclamés par les instruments juridiques internationaux auxquels elle a adhéré.
C’est ainsi que l’article 45-5 reconnaît aux « pouvoirs publics le
devoir d’assurer la diffusion et l’enseignement de la Constitution, de la
Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples, ainsi que de toutes les conventions régionales et
internationales relatives aux droits de l’homme et au droit international
humanitaire dûment ratifiées »
. Or, personne n’ignore que 
le droit à la
nationalité est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme
(art. 15) ainsi que dans la déclaration universelle des droits de l’enfant (art
3).

 

Afrique Rédaction : Est-ce que les traités internationaux
ratifiés par un pays ont-ils une valeur constitutionnelle ?

 

Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Dès lors que le
législateur congolais a réaffirmé dans l'article 45-5 son adhésion et son
attachement à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples, aux Conventions des Nations
Unies sur les droits de l’enfant et sur les droits de la femme, les dispositifs
constitutionnels ayant trait au choix entre la nationalité congolaise d’origine
et la citoyenneté étrangère détenue par ses nationaux doivent être conformes à
ces textes internationaux. Rappelons que l’article 15 la Déclaration universelle
des droits de l’homme stipule : « Tout individu a droit à une nationalité.
Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer
de nationalité »
. Quant aux enfants nés des parents congolais dans un pays
régi par le droit du sol, ou dont l’un des parents n’est pas Congolais,
l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’enfant est sans aucune
ambiguïté : à savoir « dans toutes les décisions qui concernent les enfants,
qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection
sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes
législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération
primordiale »
.


Par ailleurs,
l’alinéa 4 de l’article 10 stipule qu’« une loi organique détermine
les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de
la nationalité congolaise »
. Or, nul n’ignore le caractère non rétroactif
d’une loi. De ce fait, cette loi organique ne peut pas s’appliquer aux Congolais
d’origine détenant une citoyenneté étrangère avant sa promulgation.

Enfin, dès lors
que des Congolais d’origine détenant la double nationalité se sont fait élire au
parlement et sont naturellement intégrés dans la haute fonction publique, il
serait injuste de refuser cette prérogative à d’autres personnes qui se trouvent
dans la même situation. De plus, selon un principe juridique, les faits
précèdent la loi.

 

Afrique Rédaction rédaction : Et alors ?

 

Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Compte tenu des
éléments et des textes évoqués ci-dessus, on peut aisément conclure que
l’unicité et l'exclusivité de la nationalité congolaise donne le droit à la
République Démocratique du Congo de ne pas reconnaître, conformément à l’article
10-1, la citoyenneté étrangère détenue par ses nationaux. En revanche, au regard
du droit international, ce dispositif constitutionnel ne peut en aucun cas
priver quelqu’un de sa nationalité congolaise d’origine, ni l’obliger à renier
sa citoyenneté étrangère. De ce fait, l’alinéa 1er de l’article 10 doit être
révisé afin de permettre la double nationalité aux Congolais
d’origine.


 


Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.