02.04.10 Cheik Fita – DOUBLE NATIONALITE, REVISION CONSTITUTIONNELLE, ELECTIONS… : REGARD DE JEAN KALAMA-ILUNGA
Artiste
de grand talent connu sous le nom de Kalama Soul, il a marqué
notre musique avec des chansons comme : « Hadisi ndjo », Naza
Ballado Te », « Mama Lopango ». Avec son groupe, il avait été un des
représentants de notre pays aux
jeux de la Francophonie du Maroc en 1989.
La
culture étant souvent la première victime quand la politique dun
pays périclite, Jean Kalama-Ilunga a été obligé malgré lui de
changer non pas de fusil dépaule, mais de fusil carrément. . Fin des
années nonante,il sest lancé dans la politique active avec
lAFDL. Il a ainsi été conseiller au Ministère de la Culture et des
arts.
Aujourdhui,
à partir de Paris, il anime une formation très engagée
politiquement : lUCDP. Sur qui na-t-il pas tiré ? Même sur ceux
avec qui il a milité à lépoque mais qui se sont fourvoyé.. Nous avons
tenté de cerner le sens de son combat.
Ci-dessous ses réponses à certaines de nos questions.
CDB : Quel regard portez-vous sur la polémique concernant la
double nationalité pour les congolais?
Jean Kalama-Ilunga : A
mon sens, double nationalité nest quune tautologie du terme
‘nationalité! Parce que la
nationalité est intimement liée à lidentité culturelle, en
conséquence et logiquement, elle ne peut être quune et inaliénable!
Parce que la Nation est définie comme étant la somme didentités
culturelles incluses dans lespace
géographique de la République Démocratique du Congo, tout congolais ou
congolaise dit dorigine est sensé disposer
dune identité culturelle c'est-à-dire dune appartenance ethnique
qui lui confère cette qualité dêtre congolais. En ce sens, aucune loi
nest susceptible dôter à tout congolais ou
congolaise dorigine son identité culturelle autrement dit sa
nationalité qui est inaliénable.
La
disposition constitutionnelle sur la nationalité en
larticle 10
est à la base de lamalgame et la confusion entretenue pour soutenir
lexclusion des congolais vivant à létranger.
CDB : Larticle 10 de la Constitution stipule que la
nationalité congolaise est une et exclusive. Cette disposition
provenant de la 2ème république est
reprise telle quelle dans la nouvelle
Constitution. Daprès vous, un congolais résidant à létranger et
naturalisé français par exemple, na pas perdu sa nationalité
congolaise ?
Jean Kalama-Ilunga :
Tout à fait, la nationalité congolaise étant liée à lidentité
culturelle ne peut pas disparaître pour cause de double nationalité
soit disant!
Lorsquun congolais vivant à létranger se naturalise comme citoyen
du pays de sa résidence, il sagit de la citoyenneté et non de la
nationalité parce quen fait, la citoyenneté qui
est liée à la résidence, ne peut pas être et nest pas la nationalité
qui, elle, est liée à lidentité culturelle. A cet égard, il est juste
et
logique de dire quon est, par exemple, citoyen belge, français ou
américain…de nationalité congolaise. Exclure les congolais de leur droit
fondamental, celui dêtre congolais, a toujours été et
est lobjet de larticle 10 de la Constitution! Cest inacceptable
parce quune loi fondamentale qui a pour vocation dorganiser notre
société, ne peut pas promouvoir lexclusion! En France, par
exemple, on parle de « naturalisation » pour les étrangers y
résidant depuis quelques années et qui souhaitent
en acquérir la citoyenneté!
Pourquoi parle-t-on de « naturalisation » au lieu de
« nationalité » ? Parce queffectivement, la « naturalisation » nest
pas synonyme de
« nationalité »! « Jeter leau de bain avec le bébé
dedans » est dune certaine façon lanalogie qui caractérise
larticle
10 de la Constitution qui nest quune loi scélérate imposée et entretenue pour effectivement
effacer
dautres congolais du tableau de notre société! Cest une violation
flagrante du droit de lhomme du fait de priver aux congolais leurs
identités culturelles! Les exceptions comme lexclusivité
de larticle 10 peuvent avoir leurs places dans les lois organiques
pour compléter la loi fondamentale et non pour en
tenir lieu! Il faut impérativement la changer!
Sinon, nous serons obligés de proposer aux nombreux congolais lésés dans
leur droit fondamental dêtre congolais,
c'est-à-dire ntandu, mongo, luba, lokele, rega, lunda,
sakata, lomotwa, kuba, tetela, mbala, yaka, ngbaka, teke-humbu,
yanzi, shi, ngbandi, kaonde…etc. de mener une action en justice
auprès de la cour internationale des droits de lhomme contre cette
disposition
constitutionnelle de la République Démocratique du Congo sur la
nationalité qui prive délibérément aux congolais et congolaises
dorigine leurs identités culturelles, leur
nationalité!
CDB : En tant que politique, que préconisez-vous à la place de
larticle 10? Et quel regard portez-vous sur la révision de la
Constitution par laquelle certains soupçonnent le pouvoir de tenter de
modifier la durée de la législature de 5 à 7ans et dautres,
comme Olivier Kamitatu, qui préconisent le renforcement du pouvoir
présidentiel ?
Jean Kalama-Ilunga :
Le projet politique de lUCDP préconise le « primat de la nationalité
congolaise » en lieu et place de « lexclusivité» inscrite par
larticle 10. C'est-à-dire que tout congolais
dorigine est dabord congolais et le reste quelles que soient les
citoyennetés des pays étrangers de résidence acquises.
Mzee Laurent
Désiré Kabila avait proposé lorganisation du
débat
national sur la nationalité afin dendiguer les exclusions! Mais les
manipulateurs avaient réussi à détourner et à occulter cette question
de nationalité pour imposer le controversé
dialogue inter-congolais!
Quant à la
révision constitutionnelle, elle est une nécessité absolue pour que
soient prises en compte les
amendements qui ne létaient pas avant sa promulgation en 2006 afin
de modifier les dispositions constitutionnelles qui ne cadrent pas avec
les fondamentaux de notre société.
Modifier la
durée de la législature de 5 à 7 ans, non seulement cest une mauvaise
idée, elle est absurde et
rocambolesque du fait de sa suggestion en fin
de mandat.
Pourquoi
vouloir renforcer les pouvoirs du président de la république dans un
système déjà structuré comme une
monarchie institutionnelle? Monsieur Olivier Kamitatu était
président du parlement au moment de lélaboration de cette Constitution
qui ressemble à sy méprendre à celle de la 5ème
république en France qui est dinspiration monarchique selon laquelle
le Président de la république est intouchable et
au dessus de la loi ! Cela veut dire quil jouit dune immunité
absolue quoiqu il fasse! Ce système a étalé ses insuffisances et son
inefficacité du fait de la dualité artificielle qui
alourdit le dispositif de prise des décisions au sommet de lEtat!
En sencombrant dun Premier Ministre nommé mais dont les prérogatives
sentremêlent avec celles du Président de la république
élu au suffrage universel direct, ce système quasi-monarchique
sacralise la fonction présidentielle et isole ce dernier du peuple qui
la élu en
léloignant du pilotage direct et de la réalisation du programme
pour lequel il était élu! Pour ces raisons et pour ma part, je préconise
linstauration du système présidentiel non pour
renforcer les pouvoirs du Président de la république, mais pour son
implication directe à la gestion
quotidienne des affaires de lEtat afin quen qualité de Chef de
lEtat et du gouvernement que ça soit lui qui réponde directement ou par
délégation directe au travers des vrais ministres aux
questions posées par les représentants du peuple élus au suffrage
universel direct, au lieu dêtre limité aux inaugurations de pose de
première pierre ou des discours oiseux lors des fêtes
somptuaires à loccasion de diverses commémorations! Ce système
permettra dévaluer et dapprécier à la juste valeur, laptitude de tout
Président à gouverner et qui devra répondre directement de
toute dérive relative à la mauvaise gestion! Ainsi, il ny aura plus
de fusible, de paravent pour porter le chapeau des insuffisances et
la totale responsabilité, en cas de piètre
gouvernance, sera assumée au plus haut sommet de lEtat!
CDB: Comment, en dehors du pouvoir, envisagez-vous faire
adopter
vos idées politiques dans cet environnement hostile au changement et
dans lequel les forces dinertie sont maîtres du terrain et ancrées
solidement ?
Jean Kalama-Ilunga :
Je tiens à souligner que la République Démocratique du Congo est un
patrimoine appartenant à tous les congolais sans exclusive! Je précise,
par
ailleurs, quelle nest pas une propriété privée de quelques
personnes qui y fixent les règles au gré de leurs intérêts! A ce titre,
notre devoir à tous est dapporter des
propositions constructives en vue contribuer à lamélioration de la
qualité de vie de nos concitoyens. Nous lavons toujours fait et nous ne
nous fatiguerons
pas de le faire! Si le conservatisme du
pouvoir, comme vous dites, confisque lespace dexpression en occultant
ou en rejetant délibérément nos
propositions, notre devoir sera de nous lancer avec force dans la
bataille pour la conquête du pouvoir politique face à ces forces
dinertie pour concrétiser nos idées afin de réaliser le
changement qui donnera les réponses appropriées pour satisfaire les
aspirations du peuple congolais !
De toute
manière, nous y sommes préparés ! Nous disposons dun projet de société qui tient compte de toutes les facettes de la vie
nationale et dun programme politique que nous adaptons
à toutes
les évolutions de politique nationale voire internationale bien
quon ne soit pas encore au pouvoir! En tout état de cause, un mandat politique pour
gouverner un Etat na pas pour vocation de servir de classe pour
apprentissage en politique, on y vient pour concrétiser des projets déjà
réfléchis et maîtrisés en vue dapporter des solutions
aux divers problèmes qui se posent dans notre
société.
Depuis
quelques années, nous assistons, chaque jour, à un spectacle
tragi-comique dambitions personnelles au
travers dune course effrénée pour attraper un poste de pouvoir. Cela est
devenu une occasion dascension sociale pour laquelle toutes sortes
dartifices sont utilisées.
Je ne suis
pas parmi ceux qui sadonnent à la professionnalisation de la fonction
politique à tout
prix!
CDB : les élections générales sont pour bientôt en 2011!
Avez-vous des idées pour une candidature, à la présidence par
exemple?
Jean Kalama-Ilunga :
Pour ma part, lélection ne constitue pas une fin! Ce qui mimporte,
cest le développement du pays et son avenir parce que ma conception du
pouvoir
politique nest pas celle qui se limite à la course au pouvoir pour
le pouvoir, le pouvoir pour dominer les autres comme marche pieds pour
servir ses intérêts égocentriques! De toute manière,
léchiquier politique de la RD Congo se présente comme un cas
typique de système fermé. Pour cette raison, je ne me permettrai pas de
pousser la naïveté jusquà annoncer une candidature juste
pour embellir mon CV voire pour me forger un statut, en désespoir de
cause, comme par exemple celui dancien candidat à la présidence
dont certains en ont fait un métier juste pour les
honneurs!
La
République Démocratique du Congo a besoin dexcellence et dune culture
politique forgée pour faire face à toute épreuve et à la médiocrité ambiante qui tirent notre société vers le bas! Toute
candidature pour nimporte quelle fonction politique doit nécessairement
avoir un sens qui ne peut être
possible quau travers une vision globale à court, moyen ou long
terme.
Mon
engagement politique ne peut se limiter à arborer des effets dannonce
au travers des candidatures pour
frimer! Pour répondre à votre dernière
question, je men remets à la Force créatrice de la nature pour me
guider dans la lutte que je mène depuis
plusieurs années afin de trouver des réponses en vue de
lamélioration de la qualité de vie de nos concitoyens!
Propos
recueillis par Cheik FITA et publiés le 2 mai 2010
Par Cheik FITA
–