La Monuc partira ou partira pas : une fausse question ? (J.-P. Mbelu)
LONU ne dispose daucune
force contraignante vis-à-vis des grandes puissances dont les cinq
membres du Conseil de Sécurité. Elle semble fonctionner en avalisant le
principe selon lequel « un puissant ne saurait errer ! » Et « loin (…)
de restreindre lhégémonie des grande puissances, lorganisation la
consacre. » (T. TODOROV, Le nouveau désordre mondial. Réflexion
dun Européen, Paris, Robert Laffont, 2003, p.67) Dans cet ordre
didées, il est impérieux de comprendre que contrairement aux discours
mielleux sur un monde multipolaire, lempire US tient à son expansion, à
« sa puissance ». Il est en train de passer de
« limpérialisme agressif » à
« limpérialisme intelligent ». La guerre de basse intensité quil nous
mène avec ses alliés Britanniques participe de ce « nouvel
impérialisme ». De quoi sagit-il ?
Depuis plus dune décennie, la République (dite)
Démocratique du Congo est agressée par les USA et la Grande-Bretagne par
le Rwanda, lOuganda et le Burundi interposés. Ces pays y mènent une
guerre de basse intensité dont lun des stratèges est Zbigniew
Brzezinski, conseiller de Barack Obama.
« Trompeur, le terme ‘basse
intensité peut donner limpression que les dégâts sont moindres. En
réalité, ils ne sont moindres que pour les Etats-Unis. Ainsi, la guerre
de basse intensité que Washington a déclenché contre le Congo (à travers
les armées du Rwanda et de lOuganda voisins, et à
travers diverses milices), cette guerre a fait cinq millions de morts et
elle a paralysé le développement du Congo. »(M. COLLON, Les 7
péchés dHugo Chavez, Bruxelles, InvestifAction, 2009, p. 393)
Quelle différence y a-t-il entre lère Obama et
lère Bush ? « La différence avec lère Bush, cest que Brzezinski
entend privilégier- en tout cas, dans un premier temps- ces guerres de
basse intensité. Sa stratégie nest donc nullement morale, mais elle
correspond à ce que certains à Washington appellent ‘un impérialisme
intelligent. » (Ibidem, p.393) Comme nous voudrions que
les filles et les fils de notre peuple comprennent qu
« en recourant davantage à la CIA, des stratèges suivant la ligne
Brzezinski sefforceront de remplacer les guerres directes par des
guerres indirectes. Faire se battre des pays entre eux en soutenant ‘le
bon sous toutes
sortes de prétextes. Telle fut la stratégie employée avec succès par
Clinton contre la Yougoslavie et le Congo. » (Ibidem, p.
394).
Quels sont les avantages que présente cette
méthode ? « Cette méthode peut présenter deux avantages pour les
Etats-Unis. Dabord, leur rendre un aspect plus présentable, pour
essayer de rétablir leur autorité morale. Ensuite (mais ce nest pas
sûr), dépenser moins pour les armements, ce qui permettra daider
davantage léconomie US face à ses grands concurrents. » (Ibidem)
Il y aurait là une sorte de repli tactique.
Quest-ce que lONU peut faire contre toutes ces
stratégies ?
Pas grand-chose. Cela pour
deux ou trois raisons simples à comprendre. « Il faudrait dabord, pour
renoncer à cette illusion (dune ONU capable dimposer le droit à la
place de la force), se rappeler quà la base de lONU se trouve un choix
que ne fonde aucun droit, à savoir loctroi du « droit de veto » aux
cinq membres permanents du Conseil de sécurité. » (T. TODOROV, o.c.) Même quand ceux-ci
ne brandissent pas ce « droit », lONU dépend
matériellement et militairement des pays aux intérêts parfois
divergents. Perdre de vue que le service rendu à ces intérêts
divergents peut être fatal pour un pays tiers comme le nôtre peut
pousser à poser la fausse question de savoir si la Monuc doit partir de
chez nous ou pas.
Qui dirige la Monuc au
Congo ? Un Britannique, allié naturel de lempire US. Qui
fait la guerre au Congo par le Rwanda, lOuganda et le Burundi
interposé ? Ce sont les mêmes. La Monuc peut partir ou rester, le Rwanda
et ses alliés poursuivront leur guerre. Que Kabila
demande à la Monuc de partir ou pas, il sait quil jouit de lappui des
« pays voisins ». Tous servent les mêmes intérêts impérialistes.
Comment, dès lors, renverser les rapports de
force pour que les Congolais(es) deviennent les acteurs de premier plan
de lAN 1 de leur lutte pour une véritable indépendance ? Telle est, à
mon avis, lune des questions essentielles.
Réapprendre à chasser la peur de nos cœurs et de
nos esprits, cultiver lesprit solidaire dans la résistance contre les
forces de la mort, « se spiritualiser au sens du renoncement à tous
avantages et privilèges superflus » (J. PATOCKA, Liberté et
sacrifice. Ecrits politiques, 1990, p.149), tel est le champ de
la régénération morale sur lequel « les petits restes », « les minorités
organisées » et les autres ascètes du provisoire devraient davantage
travailler. Lingénierie technique des institutions politico-sociales manquant ces fondations demeure fragile. Compter sur les
organisations dites internationales pendant que les
rapports de force nous sont défavorables, cest oublier quelles sont
majoritairement entre les mains de ceux chez qui la cupidité a
triomphé aux dépens du sens de lhumain.
J.-P. Mbelu