28.05.10 Le Potentiel: Cinq questions à Amigo Ngonde Funsu (*)

1. Vous venez de participer à une
session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples à
Banjul en Gambie. Que s’est-il passé lors de ces assises ?

Nous étions partis à Banjul pour prendre part à la 47ième session
ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des
peuples. Mais, la délégation des acteurs des droits de l’homme a
constaté l’absence pour la troisième fois consécutive de la délégation
du gouvernement, aux sessions de la Commission. Nous avons déploré les
conséquences désastreuses découlant de cette situation, notamment le
report de la présentation et de l’examen du rapport périodique sur
l’état de mise en œuvre de la Charte africaine de droits de l’homme et
du peuple en RDC, rapport soumis à la Commission depuis 2007. Cette
défaillance a préjudicié notre pays. C’est pourquoi, la délégation des
acteurs des droits de l’homme qui ont pris part à la 47ième session de
la Commission africaine des Droits de l’homme et des peuples de Banjul a
fait une déclaration commune dans laquelle elle rappelle, pour une
dernière fois, à la RDC son obligation de présenter son rapport
périodique à la prochaine session de la Commission faute de quoi elle
prendre ses responsabilités pour procéder à l’examen dudit rapport en sa
présence ou en son absence.

2. Est-ce une mise en garde, une menace ou un ultimatum ?

Ce n’est pas une intimidation. Mais nous attirons l’attention de la
Commission africaine de Droits de l’homme et des peuples pour qu’elle
tienne informé les autorités de la RDC sur sa détermination à se
prononcer sur les communications concernant notre pays, avec ou sans
ses observations. Au terme de ces assises, les activistes des droits de
l’homme invitent la RDC à reconsidérer à l’égard de la Commission en
apportant à celle-ci la coopération qui lui est due en vertu de ses
obligations découlant de la Carte africaine des Droits de l’homme et
des peuples et d’actualiser son rapport en associant les associations
de la société civile avant de le présenter à la prochaine session de la
Commission.

3. Mais, il y a tout de même une avancée en RDC sur la
question des droits de l’homme par la mise en place de l’entité de
liaison des droits de l’homme qui est une initiative du gouvernement.
Qu’en dites-vous ?

Les défenseurs des droits de l’homme de RDC ont toujours souhaité
une concertation et une collaboration franche avec le gouvernement,
raison pour laquelle ils ont salué la mise en place de l’entité de
liaison des droits de l’homme qui est, en fait, une initiative du
gouvernement. Mais, les défenseurs des droits de l’homme ont été
frustrés lors du lancement de cette structure par les propos du
Ministre de la Justice et des Droits de l’homme qui a déclaré « fini
les rapports personnels et sensationnels ». Les défenseurs des droits
de l’homme qui tiennent à leur liberté et à leur indépendance ont
dénoncé cette façon de voir qui constitue une tentative de leur
musellement et s’interrogent sur le fonctionnement de la structure
surtout que les membres qui la compose viennent à 90 % du gouvernement
tandis que ceux de la société civile ont été choisi par lui-même.

4. De quoi se plaignent les défenseurs des droits de l’homme,
mise à part cette nouvelle structure ?

Je rappelle que la démocratie congolaise est naissante et vit ses
premières années d’expérience. Elle est encore fragile et confrontée à
des défis auxquels elle fait quotidiennement face. Pourtant, les
différents conflits armés qui continuent à endeuiller la population
congolaise, la corruption et la mauvaise gouvernance la placent en coma.
Il est constaté que le défi démocratique se singularise par quelques
faits saillants qui menacent son existence. Le constat est amer dans le
fonctionnement des institutions publiques. Il y a notamment la mauvaise
gouvernance avec l’existence des centres parallèles de prise de
décisions, l’impunité et l’inefficacité pour ne pas dire l’absence de
contrôle parlementaire. Toute personne qui essaie de dénoncer cette
situation fait l’objet de harcèlement et d’intimidation de toute sorte.
C’est le cas du député Jean- Bussa qui, après avoir dénoncé
l’enrichissement illicite et rapide du Premier ministre qui a acquis en
peu de temps une forte considérable, le pouvoir en place, au lieu de
constituer une commission d’enquête chargée de vérifier et de clarifier
les allégations du député Bussa, l’oblige par le biais du président de
l’Assemblée nationale, à lui présenter des excuses. Golden Misabiko,
président de l’Asadho/Katanga a été contraint de s’exiler après
plusieurs jours de détention pour avoir dénoncé à travers un rapport
l’exploitation illégale de l’uranium du site de Shikonlobwe censé être
fermé. Nous enregistrons des cas d’assassinats, surtout à l’est du
pays, où la situation sécuritaire reste encore instable.

5. Que préconisez-vous ?

On demande à la communauté internationale de poursuivre l’aide au
gouvernement pour la mise en place d’une armée républicaine, d’une
police et ses services de sécurité capables de garantir l’intégrité du
territoire national et d’assurer la protection des personnes et de leurs
biens. Il y a lieu de maintenir la présence de la Monuc parce qu’elle
contribue au maintient de la paix en RDC. Le gouvernement doit
continuer à faire confiance à la communauté internationale à travers la
Monuc, afin d’éradiquer toutes les poches de résistance des groupes
armés et de poursuivre la lutte contre la corruption et la mauvaise
gouvernance en utilisant l’appareil judiciaire pour combattre
l’impunité. Nous souhaitons que le gouvernement puisse revoir la
composition des membres de l’entité de liaison des droits de l’homme.

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