11.06.10 Le Potentiel: Cinq questions à Valentin Zellwegger (*)

1. La Suisse est l'instigatrice, en partenariat avec la Banque
Mondiale, d'un forum, à Paris, sur le recouvrement des avoirs mal
acquis. Elle tente de se doter d'un dispositif légal qui va lui
permettre de restituer les avoirs mal acquis qui sont détenus dans ses
banques même si les Etats bénéficiaires sont défaillants ou ne coopèrent
pas. Comment cela va-t-il fonctionner ?

Les instruments légaux qui sont à notre disposition sont basés sur
l'idée que deux Etats coopèrent et s'entraident mutuellement.

Si cela n'est pas possible, soit parce que les institutions d'un
des Etats sont fragiles, soit ne fonctionnent plus, il faut trouver une
autre solution. C'est celle que l'on va mettre en place et pour
véritablement simplifier la procédure, nous avons prévu un renversement
de la charge de la preuve. Ainsi, c'est la personne qui détient les
fonds qui doit prouver qu'ils sont licites.

2. L'Etat suisse a-t-il réussi à convaincre facilement les
banquiers de coopérer à la mise en place du dispositif qui lui permet de
restituer les produits de la corruption?

Oui. Nous avons des lois qui sont plus strictes que dans les autres
pays et qui prévoient que les banques ont l'obligation de nous informer
quand il y a des flux financiers douteux.

Le cas Montesinos (les avoirs bloqués en Suisse appartenant à M.
Vladimiro Montesinos Torres, l'ancien chef des services secrets
péruviens et conseiller du président, ont été rendus en 2002), avait été
initié par une banque. Cet exemple prouve également que les deux cas
dont on parle souvent, Mobutu (renversé en 1997, RDC) et Duvalier
(renversé en 1986, Haïti), ont mis leur argent en Suisse avant que la
législation n'évolue. Nous sommes aujourd'hui en train de parfaire le
système. Il n'y a aucun autre Etat qui prévoit une telle loi.

3. Depuis quand la Suisse travaille-t-elle à la mise en place
de ce dispositif de recouvrement des avoirs mal acquis ? Quel est le
message que la Suisse envoie aux dirigeants et aux Etats africains
corrompus ? Que la Suisse ne sera plus un paradis pour personne ?

Nous avons une loi très sévère contre le blanchiment d'argent depuis
une quinzaine d'années. Nous disposons d'un cadre juridique qui nous
permet d'être extrêmement flexibles : nous pouvons quasiment tout faire
pour assister un autre Etat qui conduit une procédure contre une
personne réputée corrompue. Il y a aussi la volonté politique de mettre
en œuvre ces instruments.

Par ailleurs, on peut dire cela depuis un moment. La Suisse
n'est plus un paradis pour les fonds d'origine illicite, des fonds volés
aux populations concernées. L'autre message, qui s'adresse aux Etats
africains, c'est que nous devons travailler ensemble.

Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons combattre le fléau de la
corruption.

4. Avez-vous une estimation des fonds en provenance du
continent africain qui sont détenus dans les banques suisses ?

Aucune. Il ne faut pas oublier que la plus grande partie de ces fonds
sont légaux. Nous ne parlons ici que des fonds illicites qui sont
détenus par les banques suisses. Cependant, nous savons combien nous
avons remboursé : 1,7 milliard de dollars d'euros. Si vous prenez en
compte le fait que la Suisse soit la 7ème place financière au monde,
mais la première, en termes de restitution, cela vous donne une idée du
travail accompli par le gouvernement suisse ces dernières années. La
seule certitude que nous pouvons avoir concerne les fonds saisis.
L'expérience la plus riche sur cette question est celle de la Suisse
parce que nous sommes déterminés, depuis une quinzaine d'années, à les
bannir.

5. Dans ces 1,7 milliards de dollars, pour ce qui concerne
l'Afrique, on retrouve uniquement le Nigeria ? Vous avez clos le dossier
de la République Démocratique du Congo, avec les avoirs de Mobutu ?

Des fonds ont également rapatriés vers l'Angola. Nous avons dû
malheureusement renoncer parce que le gouvernement congolais n'a pas
souhaité récupérer les fonds. Vous ne pouvez pas rendre des fonds à
quelqu'un qui n'en veut pas. C'était un grand problème parce que nous
avions payé un avocat au gouvernement congolais. Ce dernier avait tenté
une procédure en Suisse. Mais le gouvernement congolais ne voulait pas
soumettre une demande d'entraide. Conséquence : la procédure a dû être
arrêtée.
Enfin, je pense qu'il y en a d'autres, mais je représente les Affaires
étrangères. Les cas sont traités par le ministère de la Justice. Nous en
avons connaissance qu'un fois que ces dossiers nécessitent
l'intervention de mon ministère.

Enfin, nous en avons et nous n'en avons pas peur parce que, pour
nous, c'est plus important de ne pas détenir des fonds illégaux en
Suisse.

TIREES DE L'AFRIK.COM

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