02.07.10 Le Potentiel: Cinq questions à Kcreascence Paulusi
1. 50 ans après laccession de la
République démocratique du Congo à la souveraineté internationale, force
est de reconnaître que le bilan socio-politico-économique de ce pays
est catastrophique. Lindépendance, un espoir déçu ?
Un rendez-vous manqué, lequel est à lorigine du désespoir pour la
jeunesse qui ne retiendra de cette période que la souffrance, la
paupérisation, la dictature et les conflits en tous genres. Il y a eu
une espèce de compromis préjudiciable de lélite congolaise qui a raté
sa mission par labsence dun consensus national autour dun cahier de
charge congolais pour la pratique de cette souveraineté. La suite est
connue de tout le monde : les intérêts personnels au détriment de
lintérêt général, le népotisme ayant installé une sorte dimperium
dominion aux dépens de la chose publique.
2. Lélite congolaise na-t-elle pas failli à sa mission ?
Force est de constater que la plupart des personnes qui se sont
battues pour lindépendance nont pas pris part à la reconstruction du
pays. Elles ont été combattues et remplacées par une élite non seulement
vassalisée, mais aussi moins soucieuse dune certaine vision
démocratique. Ceux qui ont permis la reconnaissance internationale du
Congo nont pas initié la population aux valeurs de la liberté, de
tolérance et de patriotisme, car certains ont été assassinés ou empêchés
dans lexercice de leurs fonctions, tandis que dautres ont été soit
corrompus, soit contraints à lexil. Rappelons aussi le fait que la RD
Congo na jamais pu imprimer librement sa propre politique économique, à
cause des pressions de puissances étrangères dont le premier objectif
consistait à contrôler nos ressources naturelles.
3. Comprenez-vous la réaction de certains Congolais qui
semblent regretter lépoque coloniale, en affirmant quils vivaient
mieux avant ?
Absolument, dautant plus que, aujourdhui, cette ambition louable
qui consiste à bâtir un pays plus beau quavant est devenue un vœu
pieux. On peut comprendre cette nostalgie de lépoque coloniale quand on
est confronté à la spoliation des infrastructures héritées de la
colonisation, à la faillite de lÉtat congolais, à limprovisation
systématique de la classe politique, aux arrangements ponctuels et
informels, aux compromissions qui ont plongé le Congo dans une misère
caractérisée par une insécurité récurrente, au nouveau rôle de lÉtat
qui ne sert plus que dinstrument pour lenrichissement personnel au
détriment de la population. Ces 50 ans dindépendance nont pas abouti à
lautonomie du pays ; elles nont pas non plus permis aux Congolais
daccéder à une vie meilleure. Personne nignore que la RDCongo, qui
pourtant regorge dimmenses ressources, est classée parmi les « Pays
Pauvres les Plus Endettés ».
4. Quest-ce qui a manqué aux dirigeants Congolais de
lépoque ou aux actuels acteurs politiques à pouvoir transformer les
acquis de lindépendance aux biens pouvant servir aux intérêts du peuple
Congolais ?
Dune part, cela est dû à labsence dune réelle vision démocratique
et dune identité fédératrice qui auraient préparé la jeunesse à une
alternative au modèle prédateur. Dautre part, cela est la cause du
manque dun leadership capable de doter le Congo dun appareil exécutif
efficace et conscient de lintérêt public.
5. Le 50ème anniversaire de lindépendance a été célébré
avec faste au Congo. Eu égard à ce que vous décrivez, pensez-vous que
cela ait été justifié ?
Je comprends le sentiment très mitigé de nos compatriotes sur le
sens et la justification de cette célébration, mercredi dernier. Certes,
le 30 juin est la journée commémorative de notre autonomie. Si
celle-ci a été conquise le 30juin 1960, elle na jamais été totalement
acquise. Cette journée a marqué le début dun long combat pour la
liberté totale dont le bilan doit être fait chaque année. Cette année du
cinquantenaire devrait être un défi pour la paix totale, la justice et
la lutte contre les violences en tous genres – notamment les violences
sexuelles faites aux femmes. Le défi du désendettement, du développement
et de la sécurité. Malheureusement, cest dans un contexte
dinsécurité, avec lassassinat de lactiviste de droit de lHomme
Floribert Chebeya, que nous nous préparons à ces festivités. Dans un
pays où linsécurité et la pauvreté sont devenues la norme, la question
fondamentale est de savoir à qui profite cette grande messe folklorique.
PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT KONGO, CORRESPONDANT EN FRANCE.
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