09.07.10 Le Potentiel: Cinq questions à Simon Mbatshi

Par  Marcel lutete

 

1. Jubilé d’or de l’indépendance, qu’est-ce que le
gouverneur du Bas-Congo en retient de particulier en 50 ans
d’indépendance du Congo ?

30 Juin 1960-30 Juin 2010, cela fait 50 ans que le Congo Belge
accédait à l’indépendance. Dans une indescriptible allégresse de ses
filles et fils, mettant ainsi fin à 75 ans de colonisation.
Pour marquer ce Jubilé d’or, le Président de la République, à qui nous
rendons nos hommages les plus déférents, a voulu lui donner un cachet et
un faste particulier. Cependant, le faste légitime et les flonflons de
joie ayant marqué l’événement historique du 30 Juin, ne doivent, en
aucun cas, faire oublier l’impérieux devoir que nous avons tous de nous
interroger sur le chemin parcouru et sur le bilan de ces cinquante
années d’indépendance afin de pouvoir repartir du bon pied.

2. Repartir du bon pied, c’est le leitmotiv. Mais
qu’avons-nous fait du Congo en 50 ans d’indépendance ?

Plus précisément, la question que nous devons nous poser aujourd’hui
est celle de savoir si nous avons respecté le serment que nous avons
fait il y a exactement cinquante ans, celui de « bâtir un pays plus beau
qu’avant ».
Sans crainte d’être démenti, nous pouvons affirmer que la réponse à
cette question est carrément négative, ainsi que le reconnaissent les
bilans faits par les autorités congolaises elles-mêmes et ainsi que
l’attestent aussi les rapports des institutions internationales et des
centres de recherche tant nationaux qu’étrangers.
En effet, la situation économique et, par conséquent, les conditions de
vie des Congolais n’ont fait que se détériorer depuis cinquante ans. A
titre illustratif, nous pouvons mentionner quelques faits ci-après :
Il y a 50 ans, l’état du réseau routier était tel que l’on pouvait aller
de la Pointe de Banana au Bas-Congo, à Kasumbalesa dans le Katanga, ou à
Zongo dans l’Equateur ou à Aru dans la province Orientale, en petite
voiture. Aujourd’hui, ces trajets sont difficilement envisageables même
avec les véhicules « tout terrain » les plus robustes.
Il y a 50 ans, les voyages sur le chemin de fer Léopoldville/
Kinshasa-Matadi et Port-Franqui/Ilebo-Elisabethville/Lubumbashii
faisaient partie du circuit recommandé aux touristes étrangers.
Aujourd’hui, le marcheur téméraire peut parfois arriver à destination
avant le train.

3. Les repères ne paraissent pas encourageants…

Il y a 50 ans, l’agriculture congolaise était la plus prospère
d’Afrique, le pays était le plus grand exportateur de certains produits
tropicaux comme le café, le cacao, l’huile de palme ou le caoutchouc,
avec une recherche agronomique en pointe et de réputation
internationale. Aujourd’hui, le Congo a été pratiquement rayé de la
liste des pays exportateurs des produits agricoles, malgré un potentiel
agricole qui le place en deuxième position comme réserve mondiale en
terres arables mécanisables après le Brésil, tandis que sa recherche
agronomique n’est plus que l’ombre d’elle-même.
L’industrie manufacturière congolaise était la première de l’Afrique
sub-saharienne. Aujourd’hui elle a perdu des pans entiers au profit des
produits similaires importés.
Il y a 50 ans, un courrier envoyé de n’importe quel coin de la
République était certain d’arriver à n’importe quel point de
destination. La couverture sanitaire arrivait jusque dans les villages
les plus reculés du pays et le système des soins de santé était l’un des
meilleurs du continent à tel point que les Sud-Africains venaient se
faire soigner à Elisabethville/Lubumbashi. Aujourd’hui, la plupart de
nos compatriotes, tant en milieu urbain qu’en milieu rural, n’ont pas
d’accès à des soins de santé appropriés faute d’infrastructures
adéquates et surtout faute de moyens, tandis que l’Afrique du Sud est
devenue une des destinations de prédilection pour tous les Congolais qui
souhaitent bénéficier de soins de santé répondant à des standards
internationaux.
Il y a 50 ans, n’importe quel parent pouvait assurer la scolarisation de
sa progéniture jusqu’au niveau secondaire avec le seul revenu de son
travail agricole, l’Etat prenant totalement le relais au niveau
universitaire avec des bourses d’études accessibles à tous. Aujourd’hui,
la scolarisation des enfants relève du chemin de la croix pour la
plupart des parents, y compris les enseignants eux-mêmes, tandis que la
bourse d’études fait partie de l’exception dont ne peuvent bénéficier
que quelques rares privilégiés.

4. Quelles sont les principales causes de cette
détérioration généralisée ?

Cette détérioration généralisée de la situation économique et
sociale de notre pays est imputable, en très grande partie, à l’incurie
de l’homme politique congolais, toutes générations confondues.
Cette incurie a pris la forme de nombreux maux dont nous pouvons citer
les cinq qui nous paraissent les plus significatifs. Primo, la
dictature, source de nombreuses frustrations politiques qui ont été à la
base de certaines guerres et rébellions, qui, à leur tour, ont détruit
les infrastructures économiques et sociales des zones concernées sans
compter les dégâts causés à l’environnement et surtout à l’homme, moteur
de tout développement. Secundo, la gabegie financière et le
détournement des deniers publics qui ont rendu l’Etat exsangue et donc
totalement incapable de faire face à ses obligations les plus
élémentaires. Tertio, les mauvais choix économiques, en particulier la «
zaïrianisation » de triste mémoire, qui ont totalement sapé les bases
de notre économie. Quarto, le clientélisme politique, le népotisme et le
tribalisme qui ont littéralement livré des postes de haute
responsabilité à des mains inexpertes, mettant ainsi les structures
politiques, économiques et sociales concernées dans l’incapacité totale
de réaliser les objectifs leur assignés. Quinto, l’hypercentralisation
du pays qui a fait que les décisions vitales pour les populations de
l’arrière-pays étaient prises par des personnes trop éloignées des
réalités du terrain.
Ainsi donc, si aucune action résolue ne vient éradiquer ces maux, les
mêmes causes produiront les même effets et, par conséquent, les
cinquante prochaines années seront à l’image de celles que nous venons
de vivre, à savoir : détérioration de la situation économique du pays et
aggravation des conditions de vie de nos populations.

5. Et pourtant, le pays est voué à un bel avenir…

Quelle que soit la longueur de la nuit, dit-on, le jour finit
toujours par poindre. Pour notre pays, le Congo, ce jour est arrivé avec
le processus démocratique voulu et soutenu, contre vents et marées, par
le Président de la République, Joseph Kabila Kabange. Sa ténacité et
son courage ont eu raison de tous les obstacles qui se sont dressés sur
le chemin de la démocratisation de notre pays.
Cette démocratisation a eu plusieurs temps forts dont deux nous
paraissent particulièrement importants au regard de notre réflexion de
ce jour. Premier temps fort, l’adoption de la Constitution de la
République démocratique du Congo en février 2006, Constitution qui,
notamment, d’une part, consacre la très large décentralisation du pays,
rapprochant ainsi les décideurs des administrés, et, d’autre part,
confie la gestion de toutes les entités décentralisées à des élus.
Deuxième temps fort, les élections générales de fin 2006-début 2007 qui
ont permis aux Congolais de se choisir librement leur président ainsi
que leurs représentants au niveau tant national que provincial.
Désormais donc, ne peut exercer le pouvoir à ces deux niveaux que celui
qui a reçu mandat directement du peuple, souverain primaire. Tout
détenteur du pouvoir est donc obligé aujourd’hui de travailler
conformément aux intérêts du souverain primaire de qui il détient son
mandat si, bien entendu, il veut avoir la chance d’être reconduit à ses
fonctions.
Voilà donc les deux avancées significatives du processus démocratique
qui nous permettent de penser et de croire que le jour s’est enfin levé
sur la longue nuit dans laquelle notre pays était plongé et que tout est
désormais en marche pour un avenir meilleur.
C’est dans ce cadre d’ailleurs que nous pouvons situer les « Cinq
Chantiers » du quinquennat du Président de la République ; Cinq
Chantiers dont le plus visible est celui de la reconstruction et de la
modernisation des infrastructures de communication, en vue de rattraper
le temps perdu et préparer les bases d’une relance à grande échelle.

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