Pourquoi le referendum sur l'indépendance du Sud-Soudan est une mauvaise idée? (L'Oeil Congolais)

Sur le court et moyen terme les conséquences sont régionales et seront
d’ordre sécuritaire et humanitaire. Les pays frontaliers du Sud-soudan, La
République démocratique du Congo, L’Ouganda, La République Centre-Afrique
subiront, les premiers, les conséquences de ce referendum.

Sur le long terme les conséquences seront géopolitiques, car si ce
referendum aboutit à une indépendance du sud-soudan, nous assisterons à la
première reconfiguration géopolitique majeure de l’Afrique, depuis les
indépendances. Et elle pourra être la première d’une longue série.

Mais sur le plan régional les conséquences sécuritaires peuvent
malheureusement aussi s’inscrire sur le long terme.

 

Sur le plan continental, l’indépendance du Sud-Soudan aura des
conséquences géopolitiques sur la configuration générale de l’Afrique. Au delà
de la division du Soudan et la création de l’Etat du Sud-Soudan, son
indépendance constituera un précédent, un cas de jurisprudence, pour tous les
mouvements indépendantistes africains. 

En effet, l’indépendance du Sud Soudan serait la preuve que la sécession
peut être une résolution à un conflit ethno-tribal. Les mouvements
indépendantistes du Cabinda, du delta du Niger (Nigeria), de la Casamance au
Sénégal, et de la Kabylie en Algérie, trouveraient en cela une légitimité de
leur combat. Le dernier mouvement cité, le Mouvement pour l’Autonomie de la
Kabylie, a déjà mis en place, depuis le 2 juin 2010 à Paris, un
gouvernement provisoire en exile. L’indépendance du Sud-soudan serait un pas en
avant vers la légitimation du combat de ces mouvements.

Sur plan sécuritaire et dans le contexte sous-régional,
les conséquences sécuritaires, dans une sous-région qui est considérée être le
ventre mou de l’Afrique, seront désastreuses. A ce niveau,
 l’organisation de ce referendum, qu’il aboutisse à l’indépendance
du Sud Soudan ou à son maintien dans le Soudan, constitue un déjà une menace
sécuritaire pour les pays de la sous-région. Les pays de la sous-région, La
République Démocratique du Congo, l’Ouganda, La République Centre-Afrique sont
exposés à une crise sécuritaire.  

 

Comme nous l’avons dit plus haut ce referendum aboutira à deux résultats
possibles: l’indépendance ou le maintien du Sud dans le Soudan.

Au cas où l’indépendance du sud est proclamée,  la réaction
du gouvernement de Khartoum sera déterminante. La question de la répartition des
revenues du pétrole, qui se trouve au Sud, sera le facteur principal qui
déterminera la réaction du gouvernement Soudanais. Si les négociations
n’aboutissent à la satisfaction des intérêts des protagonistes, le Soudan
pourrait se retrouver de nouveau à l’aube d’une nouvelle guerre civile. D’autres
facteurs extérieurs pourraient influencer la position de Khartoum. Ici la
position de la Chine et des Etats-Unis sera déterminante. La Chine, principale
alliée de Khartoum, et premier importateur du pétrole soudanais, est, pour des
raisons de politique intérieure, contre tous les mouvements sécessionnistes. En
effet La Chine, qui fait aussi face à différents problèmes ethniques internes,
est un farouche opposant à tout mouvement sécessionniste. Tout porte à croire
que l’idée d’une indépendance du Sud-Soudan ne l’enchante guère. Surtout si ce
processus est supervisé par Washington. Les Etats-Unis qui est l’autre acteur
externe sur lequel l’attention devra se porter. Nous constatons un changement de
ton vis-à-vis de Khartoum. La nouvelle administration Washington a démontré plus
de flexibilité face à Khartoum, privilégiant l’organisation de ce referendum.
Eviter de cabrer les autorités de Khartoum pour faciliter le referendum serait
la nouvelle stratégie OBAMA pour le Soudan. La réaction de Pékin et de
Washington influencera la position du président Béchir.

 

Mais en cas de maintien du Sud dans le Soudan, c’est la réaction des
mouvements indépendantistes du Sud-Soudan, le SPLM ex-mouvement rebelle, sera le
plus à craindre. En effet si des soupçons de fraudes pèsent ce referendum ou
même si Khartoum refuse de l’organiser, nous pouvons assister à une
radicalisation du SPLM, ce qui  pourrait conduire le Soudan sur le
chemin d’une nouvelle guerre civile.

 

Une guerre civile qui aurait des répercussions sur les pays de la
sous-région. Et de tous ces pays, la République Démocratique du Congo, à cause
de la fragilité de l’appareil de l’Etat, des faiblesses de son armée et de la
présence de la LRA dans sa région frontalière avec le Sud-Soudan, est la plus
exposée et la plus fragile.

 

La difficulté du gouvernement congolais à exercer sa pleine et entière
autorité dans sa région nord-orientale faciliterait, en cas de conflit,
l’infiltration des rebelles venus du Soudan. Cette région pourrait devenir la
base arrière des mouvements rebelles soudanais. La reprise de la guerre dans le
Sud Soudan ne viendrait qu’aggraver une situation humanitaire et sécuritaire
déjà désastreuse causée par la présence de la LRA dans cette région, qui
déstabilise le nord de l’Ouganda, la République Démocratique du Congo et la RCA,
et qui échappe au contrôle des ces trois pays. La République Démocratique du
Congo se trouve être le plus exposée à cette menace. En effet la reprise de la
guerre dans le sud-soudan compliquerait les efforts du gouvernement de Kinshasa
qui, en collaboration avec L’Ouganda, essaie de mettre fin à la présence de LRA
dans la région et ainsi reprendre le contrôle total de cette partie du Congo. Le
retrait des troupes de la MONUSCO (ex-MONUC), et la désorganisation de l’armée
congolaise sont autant de facteurs d’inquiétude.  

 

 

Mais bien au delà des conséquences géopolitiques et sécuritaires que ce
referendum fait peser sur l’Afrique, il serait aussi, un aveu d’impuissance des
gouvernements africains, incapables de régler des conflits ethno-tribales sur
fond de répartition équitables de richesses, sans avoir recours à la dislocation
des Etats concernés et ainsi procéder à la reconfiguration géopolitiques de
l’Afrique.

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