Le calendrier électoral, les fanatiques des élections en RD Congo et le déni de la réalité (suite et fin) par JP Mbelu

Ces
propositions concrètes et bien d’autres devraient prendre en compte une
question importante liée à la gestion de la cité : la question de la
confiance. Cette institution invisible qui unifie les individus et
cimente la vie de la cité a déserté les cœurs et les esprits de
plusieurs de nos compatriotes. Ils n’ont confiance ni en eux-mêmes, ni
dans les institutions nationales et internationales gérant notre espace
vital depuis la guerre d’agression que les USA et la Grande-Bretagne
nous ont imposés par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi interposés.

 

En
sus, il y a des dimensions géopolitiques, géostratégiques et régionales
auxquelles les élections sont liées et que nous devrions   suffisamment
étudier et approfondir pour en tirer des leçons nécessaires à
l’organisation de notre espace vital. Est- ce de façon innocente que
l’envoyé spécial des USA à Kinshasa ait été l’une des
rares personnalités étrangères à affirmer que le pays de Barck Obama
soutient le calendrier électoral ?
 Mme
Susan D. Page a dit : « Nous voulons que le calendrier électoral
soit respecté et nous souhaitons également que ces élections se
déroulent dans la transparence et dans la légalité ». « Nous voulons »,
« nous les Américains » que le calendrier électoral rejeté par plusieurs
Congolais(es) pour inconstitutionnalité soit respecté ! « Notre volonté
a force de loi ! » (Et nos journalistes Congolais en parlent dans leurs
papiers sans commentaire critique !) Il y a là un problème. Qu’est-ce
que les USA ont à voir avec les élections au Congo ? Ont-ils cessé de
soutenir Paul Kagame et Museveni, « nos agresseurs » et les
déstabilisateurs permanents de l’est de notre pays ? Vont-ils accepter
que le prochain mandat de Kagame manque de soutien économique
congolais ? « En terme de croissance économique, confie M. Lanotte à un
journaliste de La Libre Belgique, il y a un
bilan très spectaculaire. Mais à quel prix ? Il y a de fortes inégalités
entre les villes et les campagnes. Kigali est la vitrine du régime. Mais cette croissance observée depuis dix ans a été fortement dopée par le pillage des ressources de la RDC, et par l’aide internationale qui représente la moitié du budget de l’Etat. » (V.BRAUM, Dans l’imaginaire rwandais, voter c’est signer de son nom. Entretien avec Olivier Lanotte, dans La Libre Belgique
du mardi 10 août 2010, p 11. Nous soulignons) Les USA savent que la
Chine est au Congo. Du point de vue géostratégique, ils ont peur que ce
pays ne les dépasse en puissance (militaire) demain en accédant aux
matières premières stratégiques. Ils savent que le Congo a vendu
l’uranium à l’Iran et que cet uranium leur a permis de gagner la
deuxième guerre mondiale. Vont-ils abandonner cette région aux bons
soins des Congolais(es) ? Et quand ils abordent la question de la
transparence des élections, il aurait fallu qu’ils disent dans combien
de pays ils ont déjà soutenu des élections
transparentes ? Un connaisseur de la politique électorale
des USA note ceci : « Depuis les années 1970, la part des institutions
financières dans les bénéfices des entreprises a fortement augmenté,
pour atteindre aujourd’hui environ un tiers aux Etats-Unis. Leur pouvoir
politique a évolué de concert, menant au démantèlement de l’appareil de
réglementation qui avait évité les crises financières depuis la Grande
Dépression. Ces institutions financières ont également fourni
l’essentiel du soutien à Barack Obama, l’aidant à le porter à la
victoire. Elles s’attendaient à être récompensées, et elles l’ont été,
avec un énorme plan de sauvetage, financé par les contribuables, visant à
les sauver des conséquences de l’effondrement destructeur de l’économie
dont elles portent la
plus grande part de responsabilité. » (Lire la Conférence de Noam
Chomsky à Paris le 31 mai 2010) Les USA travaillent à la financiarisation de la politique avec tout ce que cela implique comme ensauvagement.

 

Si
nous acceptons que c’est de bonne guerre et qu’entre les Etats il n’y a
pas d’amitié, il y a que des intérêts platement financiers et
économiques, nous devrions être conséquents avec nous-mêmes et nommer
« les élections » « cooptation ». A travers ce que les nègres de service
organisent sous forme d’élections, quelques candidats cooptés pour le
service des multi et transnationales sont légitimés politiquement. Chez
nous, nous en sommes encore là.

Ailleurs,
ceux qui ont réussi, en organisant les masses populaires pour que le
pouvoir politique soit au service du peuple ont vite intégré de grands
ensembles géostratégiques pour se protéger de « l’impérialisme
intelligent ». Citons trois exemples : l’Organisation de coopération de
Shanghai, les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) et l’Union des nations
sud-américaines (Unasur).

 

Chez
nous, nous avons encore beaucoup de difficultés à sortir des chemins
battus. Mais il n’y a pas de fatalité. Là où des humains comme nous ont
réussi, nous pouvons aussi réussir. En Amérique Latine par exemple,
« s’inspirant de Vatican II, les évêques (…) adoptèrent « l’option
préférentielle pour les pauvres », renouvelant avec le pacifisme radical
des Evangiles. Des prêtres, des religieuses et des laïcs apportèrent le
message des Evangiles aux pauvres et aux persécutés en les encourageant
à prendre leur destin en main et à travailler ensemble pour surmonter
la misère de la survie sous la contrainte du pouvoir étasunien. » (Lire
la conférence de Noam Chomsky à Paris). Dans certains pays de cette
partie du monde, à un certain moment de son histoire, la religion a
cessé d’être un opium pour
devenir une force au service de la vie. Il a fallu que se crée une
synergie entre Evêques, prêtres et laïcs pour que la force de l’évangile
transforme la terre latino-américaine en une mère nourricière de ses
filles et fils. (Même si le capitalisme sauvage poursuit ses attaques
contre les gouvernements latinos au service de leurs populations…)

 

Pour
tout prendre, disons qu’à moins que les USA aient changé de fond en
comble leur économie politique, nous ne croyons pas qu’ils puissent être
le pays le mieux indiqué pour nous donner des leçons de soutien
démocratique. Leur histoire (même récente) traîne trop de cadavres dans
ses placards. En hommes et femmes avertis, nous ne pouvons pas traiter
de la question électorale en mettant entre parenthèse ses ramifications
géopolitiques, géostratégiques et économico-financières.

 

A ce point nommé, il se pourrait qu’un certain lobbying congolais ait réussi à changer la donne. Même si nous en doutons. Mais s’il y a vraiment
eu changement de donne, les fanatiques des élections décidés à mener
des luttes en synergie, méthodiquement, autour des questions précises,
pourraient, à la longue, produire quelques fruits. (Crier pour attirer
les distributeurs des billets de banque ne peut être d’aucun secours.)

Cela
étant, ils devraient rester attentifs aux appels d’autres compatriotes
qui, eux, ont perdu la foi en ces mécanismes de cooptation des nègres de service dénommés « élections ».

 

Nous
ne le dirons jamais assez. Plusieurs compatriotes ayant approfondi la
nature du pouvoir né de la guerre d’agression à laquelle nous résistons
depuis 1996 estiment qu’aller aux élections avec les tenants de ce
pouvoir est un non-sens. A leur manière, ils travaillent à l’avènement
d’un autre Congo. En principe, une interconnexion devrait exister entre
ces différents fronts de lutte pour sauver notre pays de l’enfer où il
s’enfonce au quotidien.

Il
est possible qu’elle se fasse d’elle-même ; demain. Cela d’autant plus
que sur tous ces fronts, il y a presque un même message : « Notre pays a
de l’avenir. Ne nous décourageons pas. Avec un peu de patience, nous y
arriverons ».

 

J.-P. Mbelu

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.