BOLYA BAENGA, Écrivain, Journaliste, Essayiste, (1957- 2010)


L’écrivain congolais Désiré
Bolya Baenga est mort à Paris, mardi, à l’âge de 53 ans. Natif de Kinshasa,
ancien élève de Sciences-Po Paris, il avait voué sa vie à la réflexion et
l’écriture. Il avait publié de nombreux livres, parmi lesquels Afrique, le maillon faible et La profanation des
vagins
, un essai et un roman parus respectivement en 2003 et 2005 aux
éditions Le serpent à plumes. Fin connaisseur du continent
africain et du monde, il était un collaborateur régulier
d’Afrik.com.

« J’avais oublié de vous raconter ! » Nous étions
habitués, au siège d’Afrik.com, à ses faux départs.
Intarissable sur la politique et l’histoire de l’Afrique, de la France et du
monde, Bolya, après nous avoir dit au revoir, revenait toujours deux ou trois
fois sur ses pas pour nous narrer une dernière histoire. Aussi, lorsque son
frère Olivier nous a appris qu’il était décédé, avons-nous pensé que Bolya,
l’homme au chapeau et au verbe haut, réapparaîtrait dans un éclat de rire, très
amusé de l’effet produit sur nos visages par cette mauvaise plaisanterie. Hélas,
il s’est bel et bien éteint, mardi, foudroyé par une crise cardiaque dans une
rue de Paris. Les secouristes n’ont pas pu le ramener à la vie.

Désiré Bolya Baenga avait vu le jour à Léopoldville
(actuelle Kinshasa) le 19 juin 1957, trois ans avant l’indépendance de la
colonie belge du Congo. Son père, Paul, l’un des premiers médecins autochtones,
fervent anticolonialiste et proche soutien de Patrice Lumumba, a veillé à ce
qu’il reçoive une éducation de qualité. Il a été à l’école primaire en Belgique,
puis de retour à Kinshasa il a suivi l’enseignement des Pères de la Compagnie de
Jésus au collège Boboto, avant de terminer ses études secondaires au collège
Saint Raphaël.


Contre la violence et
l’injustice


Le 18 Décembre 1977, Bolya débarque à Paris. Une
ville dont il tombe éperdument amoureux. Brillant sujet, curieux et perspicace,
il est admis à Sciences Po. Sur les bancs du prestigieux Institut d’études
politiques, il consolide sa culture générale, aiguise sa plume et affine son art
du discours. Il se frotte à l’élite française dont il découvre les mœurs et le
niveau d’exigence – s’il avait la dent dure envers certains de ses camarades de
classe, Bolya saluait souvent l’intelligence, par exemple, d’un Pierre
Moscovici. A la fin des années 70 et au début des années 80, la capitale
française demeure un carrefour où se retrouve la fine fleur de l’intelligentsia
africaine en formation. Avec son ami Elikia M’Boloko, devenu
aujourd’hui un historien de renom, il participe à maintes et maintes joutes
intellectuelles. Des débats où il croise nombre de ceux qui deviendront,
quelques années plus tard, les cadres et dirigeants du continent
africain.


Les espoirs qu’il avait nourris pour l’Afrique, dans
ses jeunes années, se sont heurtés au cortège d’infamies, de violences et de
guerres dont elle a été le théâtre au cours des décennies 80, 90 et 2000.
Lorsqu’il s’exprimait ces derniers temps sur l’avenir du continent, il prenait
volontiers la posture de l’afro-pessimiste. Mais il demeurait, par ailleurs,
prompt à dénoncer toute forme d’injustice s’y déroulant. Journaliste, consultant
politique, puis écrivain à plein temps depuis 1989, il n’hésitait pas à manier
l’outrance, à bousculer ses lecteurs et interlocuteurs, pour mieux les pousser à
la réflexion. Cannibale, (Ed. Pierre-Marcel Favre, 1986), L’afrique en kimono : repenser le développement, (Ed. Nouvelles du
Sud, 1991)
, La polyandre, (Le Serpent à Plumes, 1998), Afrique, le maillon
faible
, (Le Serpent à Plumes, 2002), La profanation des
vagins
, (Le Serpent à Plumes, 2005)… Son œuvre pourfend marchands
d’armes, pilleurs, corrupteurs, corrompus, pseudo-humanitaires, violeurs et
autres voleurs d’innocence.


Sans doute la cruauté du monde lui pesait-elle. Il
s’était peu à peu réfugié dans l’univers liquide des paradis artificiels. Mais
il conservait un regard lucide sur les événements et la singulière trajectoire
de sa propre vie. Libre penseur et amoureux des lettres, le désir et le plaisir
d’écrire ne l’avaient jamais quitté. Il travaillait à un nouveau roman, qu’il
rêvait d’offrir, une fois achevé, à sa fille, Anne Raphaëlle, sa plus grande
fierté.


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