Reconnaissance des faits de « génocide » au Congo et élections de 2011 (JP Mbelu)

Néanmoins, elle signe, ne fût-ce qu’officiellement, la victoire des
« petits restes » têtus, convaincus que la vérité finit toujours par
triompher. Encore faudrait-il que le génocide reconnu ne soit pas
seulement celui des Hutu mais aussi celui des Congolais(es). Quelles
seront les conséquences de la publication officielle de ce rapport ?
L’avenir nous le dira. Plusieurs autres rapports citant nommément les
criminels de guerre et humanitaires n’ont été suivis d’aucune sanction
juridique jusqu’à ce jour. Cela étant, que Kagame n’ait pas réussi à
empêcher la publication de ce rapport -même s’il doit avoir subi un
certain toilettage- , cela marque les limites de l’homme de Kigali.

 

Si
nous revenons sur ce rapport, c’est parce qu’il nous semble reposer la
question de la légalité et de la légitimité du choix de certains membres
de l’APR et de l’AFDL qui dirigent notre pays depuis la guerre de 1996
jusqu’à ce jour. Dans son livre (intitulé Ces tueurs Tutsi. Au cœur de la tragédie congolais,
Paris, Duboiris, 2009), Charles Onana nous rappelle que « Joseph Kabila
a été formé par l’Armée Patriotique Rwandaise et qu’il est entré avec
elle au Congo lors de la prise du pouvoir de Laurent-Désiré Kabila en
1997. » (p.161) Et il poursuit : « D’après James Kabarebe, l’actuel chef
d’état-major de l’armée rwandaise (en 2009) : « Joseph Kabila a eu les
pires difficultés à
s’adapter à la vie de soldat. Cela se voyait lors des échanges
de tirs. Il ne savait pas quoi faire. Je lui ai donc tout appris. Après
la chute de Kisangani, je lui ai donné quelques tuyaux pour affronter
la presse internationale. Nous avons même dû répéter, et
je jouais le rôle du journaliste. Découragé, il a failli laisser tomber,
et j’ai dû crier : « c’est toi qui est censé avoir pris Kisangani, pas
moi. » » (p. 162) (Ce texte que reproduit Charles Onana est tiré de
l’interview que James Kabarebe a accordé à Jeune Afrique L’Intelligent  N° 2155-2156 du 29 avril 2002.)  En
marchant vers Kisangani, James Kabarebe a dû apprendre à Joseph
Kabila a joué « le rôle de conquérant » et cela a été consigné dans les
livres et les journaux. Une brèche ! Savaient-ils, lui et son poulain,
qu’un jour, le Haut commissariat de l’ONU aux droits de
l’homme reviendrait sur leurs traces pour dénicher « le génocide » dont
ils ont été les auteurs ? Les copains d’Hitler savaient-ils qu’il y
aurait un jour un Nuremberg ?

 

Sans
être juriste, mais recourant à notre unique bon sens, nous estimons
qu’à partir du moment où le rapport sur « ce génocide » est rendu
officiel, nos populations devraient remettre en question la légalité et
la légitimité de Joseph Kabila. Les élections organisées pour le
plébisciter « chef de l’Etat » en 2006 ont été une erreur politique et  doivent
être effacées de notre histoire. Sa candidature pour les élections de
2011 doit être rejetée. Les démarches entreprises par Marie-Thérèse
Nlandu et d’autres compatriotes pour le traduire en justice à la Cour
Pénale Internationale devraient être soutenues
jusqu’au bout.

Nous
partons tout simplement du bon sens. Comment pouvons-nous accepter
comme « chef de l’Etat » un individu impliqué dans les crimes de
génocide ? Comment et pourquoi les plus légalistes d’entre nous vont-ils
concourir aux élections de 2011 avec quelqu’un dont la
place devrait être en prison et prétendre qu’ils luttent pour un Etat de
droit ? Ce qui est dit pour Joseph Kabila peut s’appliquer à ces
nervis.

 

Il
se pourrait que nous soyons de millions de Congolais(es) à avoir perdu
le bon sens. (Et pourtant, il serait la chose la mieux partagée !)A ce
moment-là, il reviendra aux plus lucides d’entre nous de poursuivre
cette lutte juste. Les minorités organisées d’acteurs-créateurs peuvent
s’en emparer.

 

Nous
ne sommes pas naïfs ! Nous savons que la guerre d’agression au cours de
laquelle Joseph Kabila a été impliqué dans les crimes de génocide et
autres crimes contre l’humanité participe de ces « guerres secrètes de
la politique et de la justice internationale » comme le démontre si bien
Florence Hartmann dans Paix et Châtiment (2007). Et que les nègres de
service servent « les cosmocrates ».

L’inefficacité
de la mise en pratique de certaines résolutions prises par l’ONU pour
mettre fin à certains conflits à travers le monde nous contraint à la
vigilance. Publier un rapport comme celui dont il est question,
maintenant, peut-être une astuce : casser l’élan patriotique montant
parmi nous, plonger les plus déterminés à arracher nos terres des mains
des criminels susmentionnés et à assouvir notre soif d’autodétermination
dans l’attentisme et l’obscurantisme. Nous ne sommes pas dupes !

 

 Malgré
cela, il nous appartient de ne pas perdre notre bon sens. Ne fût-ce que
cela. Il nous appartient de ne pas perdre notre capacité de nous
souvenir et de tenter tout ce que nous pouvons pour que les criminels de
guerre et les criminels contre l’humanité ne nous gouvernent plus
jamais. Epiloguer sur les élections de 2011 en passant outre cette
question « qui va concourir avec qui, à quelles élections?»  nous semble être un manque de respect à l’endroit de nous-mêmes. Ce n’est qu’un point de vue.

 

J.-P. Mbelu

 

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