Quelques données sur la dette et le budget de la RD Congo

"Inga

Lors de son
passage au Congo, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a tenu
un discours dans lequel elle affirmait vouloir aider le pays dans le
but de développer la défense des droits de l'homme. Ce discours est
assez cynique, quand vous pensez que les Etats-Unis figurent parmi les
pays qui jusqu'en juillet 2010 obligeaient la RD Congo à payer chaque
mois 50 millions de dollars au FMI pour approvisionner banquiers et
autres riches.

Quiconque a visité le pays sait combien de vies
pourraient être sauvées avec cet argent. Mais là, la “communauté
internationale” est restée sourde et muette pendant des années…

Une dette odieuse

La dette de la République Démocratique du Congo est l'archétype d'une
dette odieuse : cette dette a été contractée par une élite dictatoriale
à son propre profit et n'a jamais servi aux besoins de la population.
Pendant que la nation congolaise continuait à payer cette dette (et le
fait encore aujourd'hui), la situation sociale se détériorait et les
infrastructures de base du pays étaient détruites.

Après l'arrivée au pouvoir du dictateur Mobutu (1965-1997), le
gouvernement se lance dans des projets énormes, appelés plus tard
“éléphants blancs”. Le plus connu est le barrage d'Inga I, lancé en
1971, qui a couté 198 millions d'euros et Inga II qui a couté 609
millions d'euros.

Les plus grands bénéfices ont été réalisés par les grandes
entreprises occidentales qui livraient les installations et par des
banques occidentales qui ont prêté l'argent à un taux d'intérêt élevé
(6,9 % contre le taux normal qui à ce moment était de 2,9 %).

Il est à remarquer que les compagnies qui ont lancé ces projets ont
produit des tonnes de papiers sur la faisabilité des projets, mais
aucune étude sur la rentabilité, c'est à dire que la question de savoir
si ces projets allaient développer le pays ne les intéressait nullement.

L'endettement congolais a rapidement subi un effet boule de neige.
Chacun qui a emprunté de l'argent sait que vous commencez le
remboursement en payant beaucoup d'intérêts et votre dette diminuera
seulement si vous payez en plus un remboursement. Si vous n'êtes pas
capable de payer la rente, votre dette commence à augmenter et l'année
suivante, vous allez devoir payer de rente en plus…

Comme le pays ne pouvait pas rembourser sa dette parce que les
investissements ne produisaient pas suffisamment de bénéfices et la
conjoncture économique internationale se dégradait, il devait emprunter
pour payer sa dette. S'endetter pour pouvoir payer …

En 1984, 42% du budget du Congo était absorbé par le remboursement de la dette. L’année suivante, c’était 55,1 %.

En 1990, Mobutu a cessé de rembourser la dette, ce qui a entrainé une rupture avec le FMI.

Entretemps, les intérêts et les arriérés de dettes ont continué à grimper.

Ainsi la dette congolaise a évolué comme suit: (en milliards de dollars)

En 2001, la RD Congo a été retenu comme PPTE: un pays pauvre très
endetté et peut en théorie bénéficier d'un allègement de la dette à
condition de suivre un programme d'ajustement structurel dicté par le
Fonds Monétaire International (FMI).

Depuis 2006, le Congo doit mettre en œuvre un plan de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP)

Il s’agit d’un document développé par le FMI et négocié avec le
gouvernement congolais qui se concentre soi-disant sur la lutte contre
la pauvreté. Mais cette “lutte” est imprégnée de la vision du FMI,
vision dans laquelle le “climat doit être favorable aux affaires” et “le
marché doit être libre”. Les budgets prévus pour les secteurs sociaux
sont limités et n'amènent pas un progrès durable.

En 2009, les budgets dans le cadre de la lutte contre la pauvreté étaient:

  • soins de santé: 45 millions d'euros (0,5 euro par habitant)
  • éducation de base: 139 millions d'euros (2 euros par habitant)
  • agriculture: 15 millions d'euros (0.25 euro par habitants

Les résultats sur le plan social sont ainsi très décevants. En effet,
il s'agit plutôt d’entretenir la pauvreté que de vraiment faire
progresser la situation sociale.

Début 2010, le gouvernement a évalué le DSCRP en fonction de l'élaboration d'un nouveau plan de 5 ans (2011-2015; DSCRP II)

En milliard de dollars avant l'allègement                après l'allègement       
Stock de la dette    
Multilateréraux 4.986 1.857
– FMI 0.800 0.25
– Banque Mondiale 2.497 0.966
– Banque Africaine de Développement 1.415 0.525
Club de Paris 7.475 0.076
Autres 1.325 0.769
TOTAL 13.705 2.696

Le Club de Paris est un groupe informel de créanciers publics de 19
pays avec, entre autres, les Etats- Unis, la France, le Japon, l’Italie,
la Belgique, l'Allemagne les Pays-Bas, le Royaume Uni et la Russie.

Symboliquement, on peut dire que, jusqu'à maintenant, chaque citoyen
congolais portait une dette de 200 dollars sur ses épaules et que
maintenant, il ne s'agit plus “que de” 50 dollars. Ceci est dans un pays
ou le revenu annuel s'élève à 150 dollars par citoyen. 59 % de la
population doit vivre avec moins de 1,25 dollar par jour.

Quelques remarques sur le budget de la RD Congo

Le budget de la RD Congo est très restreint et peut se comparer avec
le budget d'une ville moyenne comme Anvers. Pour mémoire: Anvers compte
400.000 habitants, la RD Congo en compte 65 millions.

La RD Congo est 80 fois plus étendue que la Belgique.

La dette du Congo est très lourde à porter pour ce pays, mais les
pays qui exigent “une bonne gestion” n'ont pas beaucoup de leçons à
donner : la Belgique a une dette extérieure qui égale 350 fois le budget
de l'Etat congolais ; quant à la dette des Etats-Unis, elle s'élève à
2000 fois le budget congolais….

L'évolution du budget congolais:

2008 : 1,8 milliard d’euros

2009 : 2,9 milliards d’euros

2010 : 5,6 milliards d’euros

Une marge de manœuvre très réduite

Selon le Ministère du Budget, 30 % du budget interne allait au
service de la dette, 36 % au payement courant de salaires de
fonctionnaires et 25 % allait aux provinces. Ce qui donne au
gouvernement seulement 10 % du budget pour développer d'autres
initiatives.

Il faut aussi ajouter l’argent consacré à la lutte contre
l'insécurité dans le pays. Pour la défense nationale, un budget de 123
millions d'euros était prévu en 2009, mais, en réalité, les dépenses se
sont élevées à 236 millions.

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