06.09.10 Entrevue Simão Souindoula : " Haïti a envoyé des techniciens au Congo à l’époque Lumumba "

"Angol"La Journée Internationale de l'Abolition de la Traite Négrière,
célébrée le 23 août a été instituée en 1997 par l’Organisation des Nations Unies
pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). L'historien et spécialiste
de l'UNESCO Simão Souindoula, qui a donné une conférence à Luanda à l'Union des
Écrivains Angolais sur la présence des Angolais au Pérou, a évoqué avec le
Jornal de Angola les avantages du débat sur la question, car la présence des
africains dans les Amériques est déjà dans le domaine public.

 

Jornal de Angola – Pourquoi les pays africains
doivent accorder de l’importance à la présence des afrodescendants dans les sociétés de l’Amérique
Latine?

Simão
Souindoula – Aborder ces questions est fondamental pour des
raisons stratégiques d’une part, et d’autre part, car il s’agirait ainsi de
consolider la coopération avec ces pays, y compris les États-Unis, car parmi les
premiers habitants qui y sont arrivé, il y avait des africains. Parler de cela
est également pertinent, car beaucoup d’afrodescendants veulent connaître leurs
origines, et à mon avis, c’est une bonne chose qu’elles soient définies.

Je pense que l’élaboration d’une nouvelle histoire pour
nos frères qui sont dans les Amériques et les Caraïbes est nécessaire, de même
que l'établissement d'une coopération plus forte entre les États, en donnant la
priorité aux afrodescendants, en raison de l'exclusion à laquelle beaucoup
d’entre eux font face.

Il y a un manque d'emplois de techniciens qualifiés et on
peut recruter ces cadres pour développer l'Afrique. Par exemple, Haïti a envoyé
des techniciens au Congo à l’époque de Lumumba, ce que
beaucoup de gens ne savent pas. Donc, l'objectif de ces approches est axé sur la
coopération orientée pour tirer profit de cerveaux dont les origines sont
africaines.

JA – En plus de ce que vous avez déjà dit, y
a-t-il encore des questions à discuter au sujet de la traite
négrière?

SS – Quelqu’un doit payer moralement
pour la traite négrière. Ce débat n’est pas encore apparu aux Nations Unies,
mais je crois qu’un jour, cette discussion devra avoir lieu au niveau
international de manière plus substantielle.
Il est important de mettre en
évidence que la traite négrière avait plusieurs routes, en plus des plus
connues. Il y avait la route brésilienne, l’argentine, la vénézuélienne, la
cubaine, la nord-américaine, la péruvienne et tant
d’autres.

JA – Quelles furent les conséquences pour les
esclaves et leurs descendants?

SS – Au Pérou,
entre 1532 et 1628, 40 millions d’amérindiens sont morts. Le repeuplement fut
assuré par un contingent de noirs créoles et de noirs venant directement
d’Afrique, dont l’Angola. Cette population d’origine angolaise a eu une
participation active dans le métissage avec les indiens et les espagnols, car il
n y avait pas beaucoup de femmes africaines, les esclaves se sont accouplés
donnant naissance aux métisses. C’est pourquoi l’esclavage n’avait pas d’avenir,
car on ne savait pas avec certitude qui étaient des esclaves et qui étaient des
hommes libres.

JA – La culture africaine reste-t-elle visible
ans les Amériques, ou s’est-elle déjà diluée à cause de
l’acculturation?
 
SS – On retrouve dans la
culture sud-américaine comme celle du Pérou des éléments anthropologiques
d’Angola, comme c’est le cas au Brésil. On peut trouver cette présence dans les
vestiges de la congrégation des "Congos", dont le siège se trouve sur le plateau
de San Francisco de Paula, au Pérou.
En outre, la dévotion religieuse
catholique, avec la célèbre présentation de l’esclave angolais Pedro Dalcon, qui
a établi en 1951, le Christ noir est une marque authentique de l’Angolanité du
Pérou. La présence des Africains commence peu après les premiers signes de
baisse démographique des Amérindiens, soit au début du XVIe siècle, comme
main-d'œuvre capable de supporter le climat et les travaux pénibles dans le
Nouveau Monde.

 
JA – Quels sont les signes les plus évidents qui
confirment actuellement ces événements?

SS
Dans toutes les communautés africaines et afrodescendantes, il y a toujours eu
le besoin d'élire un Roi du Congo. Ce principe anthropologique provient de la
structure politique et sociale de l'organisation administrative en Afrique.
Autrement dit, les esclaves cherchaient à maintenir leurs modèles d'organisation
même s’ils se trouvaient à l’extérieur des régions d’origine, du continent
africain. Et pas seulement en Amérique Latine, il y avait à la Nouvelle Orléans
une Place Congo, et il ya encore un grand musée sur la civilisation indigène des
Amériques. Il y avait un Angolais parmi les esclaves, le premier dans le Nouveau
Monde, du nom de Juan Gaurid. En Espagne, il y a également eu une reconstitution
historique de cette structure politique, cela étant un “atout” pour renforcer la
proposition du gouvernement de présenter à l'UNESCO l'ancien Royaume du Congo en
tant que patrimoine immatériel de
l'humanité.

La gastronomie, la religion, les expressions “macuco”, “mundongo”, “marimba”, “muana”, “moleque”, qui font
partie de la langue véhiculaire des péruviens sont des signes concrets, tout
comme l’anthroponomie, la musique et les rites funéraires. Le mot “macuco”, qui
en quimbundo signifie réchaud fait partie du lexique péruvien. Le mondongo (plat
de tripes), nourriture par excellence des esclaves est aujourd’hui utilisée dans
le Nouveau Monde, c’est une spécialité culinaire originaire du Royaume de
Ndongo. Malgré une histoire difficile, les esclaves angolais ont réussi à
influencer certaines expressions de la culture nationale au
Pérou.


JA –
Quels aspects ont été soulignés lors de la conférence présentée récemment à l'Union des Écrivains dans le cadre de la célébration du 23
août, Journée Internationale de l'Abolition de la traite
négrière?

SS – Il s’est agi de montrer les
caractéristiques culturelles angolaises qui restent présentes dans les pays
d’Amérique Latine, notamment au Pérou, et d'alerter sur la
nécessité de développer les coopérations culturelles modernes avec les
communautés qui revendiquent leur origine angolaise.

 

JA – Selon vous quelles sont les sources de
recherche probables susceptibles pour l'enrichissement de l'Histoire générale de
l'Angola?

SS– L’histoire de l'Angola a cinq
siècles oculaires. C’est encore une histoire vierge, avec l'avantage d'être
caractérisée par des sources oculaires et non indirectes, parmi lesquelles
l'archéologie se distingue.

Le site archéologique de Benfica est l'une des régions,
ici même à Luanda constituant un lieu de recherche important sur l'histoire
démographique de l'Angola. Dans cet espace, on peut découvrir que les premières
communautés côtières travaillaient déjà les métaux, dans ce cas le fer, car il
ya des traces non seulement des esclavagistes, mais des métaux et des pièces de
céramiques qui constituent des sources historiques oculaires assez importantes
qui nous permettent de faire de la reconstitution.

JA – Par coïncidence, sur ce
site de Benfica, à beira-mar se trouve le Triangle Touristique
Historique-Culturelle " Kanawa Mussulo ". De quoi
s’agit-il?

SS– Avec le projet " Kanawa Mussulo
", nous voulons mettre en lumière de nouvelles
connaissances sur l'esclavage. Par exemple, le génocide juif est connu au niveau
international, et il y a aux États-Unis un grand musée sur ce génocide. Mais
dans le monde, il n y a pas de grand musée sur l'esclavage. On peut dire qu’il
s’agit du deux poids deux mesures.

Un projet a déjà été présenté il y a 15 ans, par le
gouvernement d'Haïti à l'UNESCO, qui a reçu le soutien des pays africains. Je
pense que c’est un problème sur le plan historique, car c’est le projet le plus
emblématique projet de l'UNESCO, car l'esclavage a existé dans toute l'Afrique,
en Amérique, en Europe, en Asie, dans le Pacifique et dans les Indes.

Le triangle touristique historique et culturel de
"Mussulo Kanawa "vise essentiellement à organiser le tourisme mémoriel par le
biais d’un circuit sur les itinéraires de la traite en Angola depuis les régions
de baía de Cabinda, en passant par les zones de Pinda, Benguela Velha (Porto
Amboim) et Benguela Nova (Benguela) et les itinéraires du trafic à Luanda,
principalement sur la péninsule de Mussulo. Il ne s’agit pas d’un projet
touristique banal, mais intelligent.

JA – On sait que le projet a
l’intention de proposer à l'UNESCO que la péninsule du Mussolo devienne
patrimoine de l'humanité. Pouvez-vous nous en dire
plus?

SS – Nous avons la chance d'avoir prêt
d’ici trois îles, avec une église construite au 20
ième siècle, avant l'abolition de l'esclavage.
Je pense qu'il est nécessaire de promouvoir le tourisme mémoriel dans l'île de
Mussulo. C’est pour cette raison que le projet "Kanawa
Mussulo" essaie d'inscrire Mussulo à l'UNESCO comme patrimoine de l’humanité.

 

De cette manière, nous voulons créer
un réseau de lieux de mémoire africains, comme Gorée au Sénégal, la vieille
ville au Cap-Vert, l'île de Mozambique et de l'archipel de Sao Tomé et
Principe.

Dans ce périmètre qui s'étend du
Triangle Touristique, en plus de l’île de Mussulo, il y a l'Église de Cazenga et
l'île aux Oiseaux ( Ilha dos Pássaros) , des sites qui ont le potentiel
d’attraction pour le tourisme mémoriel qui fait partie de nos préoccupations

 

JA – Quelles démarches ont déjà été entreprises
dans le processus d’inscription du Mussulo au patrimoine de
l'humanité?

SS – Le projet " Kanawa Mussulo " a
déjà mené plusieurs activités avec l’UNESCO et est maintenant un partenaire
valable, bénéficiant de l’appui moral et utilisant le logo de l'UNESCO sur ses
documents, ce qui, pensons-nous, constitue une base pour l'ensemble du processus
qui vise au départ à nous établir une reconnaissance internationale pour pouvoir
compter sur l'appui d'institutions similaires jusqu'à ce que nous atteignions
l'objectif principal.

JA – Pourquoi le projet “Kanawa Mussulo" souhaite-il investir dans l’artisanat?

SS – Nous voulons encourager la
créativité de l'artisanat, basée sur l'esclavage, puisque ce qui existe est très
peu. Nous voyons la nécessité de changer cette réalité qui appauvrit
l'artisanat. Nous allons faire que la traite négrière soit une grande source
d'inspiration créative, car les touristes veulent toujours avoir des œuvres
originales.
Ce défi permettra qu’il y ait une augmentation des recettes
provenant du tourisme. Les artisans doivent avoir de nouveaux enjeux et cela nous permettra de mettre en œuvre l'un de nos objectifs
qui vise l'industrialisation de l'artisanat, et nous devons trouver une usine à
l’étranger qui produit des pièces artisanales miniatures, ce qui pour nous
signifie le développement culturel. Créer un nouveau centre commercial, qui
accueille le marché fait également partie de nos intentions, en laissant de côté
la vente sur place afin d'éviter une baisse du prix des œuvres. Après
l'indépendance, nous avons hérité de l'ex-Diamang une collection d'œuvres d'arts
qui ont inondé le marché dans presque tous le pays, en particulier avec le
personnage du penseur. C'est pour cette raison que nous pensons qu’il est urgent
de diversifier l'artisanat.

JA – Quels personnages ou quelles pièces doivent
être davantage explorés par les artisans?

SS
Le chasseur Tchimbinda Ilunga. Contrairement à ce que beaucoup pensent, ce
personnage, et non celui du penseur, est davantage connu à l'étranger.
Malheureusement, cette pièce aujourd'hui en Europe, précisément à Paris, a
déjà atteint le coût d'un million d'euros. Sur le circuit
international, et du point de vue de l'esthétique, c’est le chasseur Tchimbinda
Ilunga la pièce la plus coûteuse qui, paradoxalement, ici dans notre pays coûte
1000 kwanzas.

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