20.09.10 Le Potentiel: Cinq questions à Christine Goyer (*), par Louis-Paul Eyenga Sana

 

1. Après avoir passé deux ans au HCR à Kinshasa, quels
étaient le rôle et la stratégie mise en place par vous pour la
protection des civils en RDC ?

Le HCR est le chef de file du groupe de travail sur la protection et
coordonne les différents acteurs de protection. Il identifie avec eux
les lacunes et développe des stratégies de réponse selon les problèmes
identifiés. Notre rôle s’est renforcé depuis que le Comité directeur des
Nations unies a demandé à la Monusco et au HCR de développer une
stratégie globale du système des Nations Unies pour la protection des
civils en RDC. En RDC, quand le HCR parle de protection des civils, il
travaille selon les besoins et la situation. La stratégie du groupe de
travail sur la protection est adaptée en fonction des réalités propres
de chaque province. Vue la dimension de la RDC, nous ne pouvions pas
avoir l’approche groupe de travail à Kinshasa, où les problèmes de
protection se posent. Notre rôle à Kinshasa est de veiller sur les
différents groupes de travail provinciaux, d’analyser leurs tendances
clés, les problèmes communs rencontrés dans chaque zone, de prodiguer
des conseils, d’organiser le plaidoyer, de développer des politiques et
de relayer les efforts des collègues sur le terrain. Kinshasa constitue
un relais de plaidoyer au niveau des autorités ou de la Monusco pour un
problème particulier ou, comme on l’a fait dans le passé, concernant une
note pour le Conseil de sécurité qui vient une fois par an en RDC.

2. Quel est votre meilleur souvenir dans cette tâche difficile ?

Ce sont mes missions sur le terrain, qui m’ont permis de confronter
la théorie développée à Kinshasa à la réalité sur le terrain, d’adapter
nos décisions aux besoins de la population civile et d’aider nos
collègues confrontés à des problèmes auxquels on ne pense pas forcément
au bureau, en parlant avec des bénéficiaires ou des membres des groupes
de travail provinciaux. Un bon souvenir que je garderai de Kinshasa, ce
sont nos actions de plaidoyer. M. Alan Doss, alors représentant spécial
du secrétaire général de l’Onu en RDC est venu au groupe de travail sur
la protection suite à un document de plaidoyer qui était un peu
critique, c’était la première fois qu’il se déplaçait dans un groupe de
travail. Cela a été apprécié par tous. Nous avons développé plusieurs
outils de protection. Parfois, nous avions l’impression de ne pas
répondre aux besoins. Toutefois, quand nous en parlions avec des
collègues travaillant dans d’autres pays où il y a des missions de
maintien de la paix, nous nous rendions compte que notre travail en RDC
pourrait servir d’exemple.

3. Quelle est la situation en terme de protection des civils en RDC ?

A l’Est de la RDC où les affrontements continuent entre les groupes
armés et les FARDC, l’instabilité est un désastre pour la population et
se caractérise par des déplacements massifs. Ils sont préventifs lorsque
les populations cherchent à se mettre à l’abri des combats à venir ou
réactifs, après des violences survenues chez eux. Les combats
s’accompagnent souvent d’exactions contre la population civile et d’abus
de droits humains, comme des pillages dans les villages, les travaux
forcés, les violences sexuelles et parfois même le meurtre.

4. Vous étiez également le point de contact concernant les violences sexuelles. Qu’en est-il exactement ?

Le phénomène des violences sexuelles ne fait qu’augmenter. En 2009,
selon les chiffres fournis par le Fonds des Nations unies pour la
population (FNUAP-UNFPA), quelque 17. 000 nouveaux cas de violences
sexuelles ont été rapportés contre 15. 000 en 2008. Nous sommes
également inquiets des violences sexuelles commises par des civils dans
les provinces où la paix a été restaurée. L’augmentation de l’accès aux
soins médicaux et sociaux, mais aussi à la justice et à la réintégration
est essentielle ; ceux-ci étant les deux maillons faibles de la prise
en charge. L’accès aux services n’est rien sans effort du Gouvernement
pour mettre en place des actions clés. La politique de tolérance zéro,
décidée par le président Kabila est un geste fort et apprécié de tous.
Mais, la mise en place d’une stratégie nationale de lutte est un autre
signe fort. Il faut que cette politique soit suivie d’actes concrets, de
mesures symboliques prises à l’égard des auteurs de violences
sexuelles.

5. Quelle est l’action du HCR dans ce domaine ?

Le HCR joue un rôle important en terme de protection et de prévention
des violences sexuelles. Cela fait partie de la stratégie nationale de
lutte contre les violences sexuelles en RDC, pour laquelle le HCR est
chef de file et coordonnateur de la composante prévention et protection.
Des campagnes d’information et de sensibilisation vont être mises en
place pour travailler davantage auprès des garçons et des hommes, pour
en faire de réels alliés contre les violences sexuelles. Pour 2010-2011,
nous cherchons à nous focaliser sur deux domaines clefs : l’accès à la
justice et la réintégration des victimes de violences sexuelles dans
leurs familles et leurs communautés. Pour ce qui est de l’accès à la
justice, nous soutenons les audiences foraines comme au Tanganyika,
mais aussi l’accompagnement en justice des victimes qui le souhaitent.
Cela se fait par la préparation des dossiers, le transport des victimes
au tribunal. Le volet réintégration reste faible pour l’instant et
constitue également une priorité. Il s’agit de créer des opportunités
économiques pour les survivantes, à la fois en matière de création de
revenus pour elles et leurs familles, mais aussi d’un point de vue de la
réintégration sociale.

Droits de reproduction et de diffusion réservés © Le Potentiel

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.