07.10.06 Expansion du tourisme international : gagnants et perdants, par Bernard Duterme
Ce texte est l'éditorial du nouveau livre que le Centre tricontinental (CETRI) de Louvain-la-Neuve vient de publier dans sa collection Alternatives Sud, coéditée chez Syllepse à Paris. Expansion du tourisme : gagnants et perdants.
Table des matières en fin d'article. diffusion@cetri.be ou 32/(0)10/48.95.63 Pour autant, le tourisme est devenu la première source de devises pour un tiers des « pays en développement ». A quels coûts sociaux, environnementaux et culturels ? Privatisation du patrimoine, saccage des écosystèmes, folklorisation des sociétés, consommation des moeurs… la monoculture du tourisme massifié et la diversification tous azimuts de son offre induisent-elles autre chose quun « nouvel usage occidental du monde » ? Les initiatives en matière de tourisme éthique veulent le croire. Reste que la réalité du rapport inégal entre « visiteurs » et « visités » et celle, plus globale, du déséquilibre entre promoteurs de lindustrie touristique et populations locales appellent de nouvelles régulations. « Fils de lindustrialisation et de la démocratie, bon élève de la consommation et de la mondialisation » selon la formule synthétique de Mimoun Hillali (2003), le tourisme moderne trouve son origine en Occident dans le contexte socioéconomique de laprès Seconde Guerre mondiale et prend véritablement son essor globalisé dans les années 1970. Laugmentation du pouvoir dachat et de la durée du temps hors travail des salariés a bien sûr joué un rôle déterminant. Fruit des luttes, des politiques sociales et des périodes longues de croissance économique des Trente Glorieuses, elle a ouvert les portes des loisirs de vacances au plus grand nombre. Premier poste du commerce mondial Sil est un constat en matière de tourisme international qui ne prête pas à débat, il sagit bien de celui de sa forte expansion. Autant la logique de cette dernière, ses formes, sa répartition, ses coûts et ses bénéfices alimentent la controverse – comme nous le verrons plus loin –, autant lévidence de la croissance accélérée du phénomène impose le consensus. Depuis un peu plus dun demi-siècle, de 1950 à nos jours, le secteur a enregistré une progression constante (6,5% de croissance moyenne annuelle) et plus rapide encore que celle des échanges internationaux. Source : OMT, www.world-tourism.org. Lévolution des recettes du secteur suit la même tendance à la hausse : de quelque 300 milliards de dollars en 1990, elles ont atteint en 2005 près de 700 milliards (sans y inclure les recettes du transport international, estimées à environ 17% des gains cumulés du tourisme et du transport). Ces recettes équivalaient en 2003 à approximativement 6% des exportations mondiales de biens et de services et à pratiquement 30% des seuls services. Le secteur touristique, qui représente le premier poste du commerce mondial devant lautomobile et les hydrocarbures, continue à croître 1,3 fois plus rapidement que le produit mondial brut, pour en constituer actuellement plus dun dixième (OMT, 2005 ; Alternatives internationales, 2004). Créatrice de richesses et fournisseuse de voyages et de loisirs pour un septième de lhumanité, lindustrie touristique pourvoit également quelque 250 millions demplois dans le monde. Discours légitimateurs Pareil développement du « fait touristique international » nest pas survenu et na pu samplifier dans un vide dorientations légitimatrices ou de considérations normatives diverses. En la matière, les lectures dominantes et le discours officiel, bien que relativement constants, vont connaître au fil des décennies certaines fluctuations significatives, reflets de la conjoncture internationale ; tantôt dans un processus dadaptation aux exigences du secteur, tantôt dans une volonté dinfléchissement des pratiques. Trois grands « moments » – ou « écoles », dans la mesure où elles continuent à coexister – sont généralement distingués par les observateurs (Sofield, 2000 ; Cazes et Courade, 2004 ; Lanfant, 2004). Offres et demandes de dépaysement Le phénomène touristique comme réponse au désir de dépaysement des ressortissants solvables des pays riches en période de vacances sapparente, depuis lavènement du tourisme moderne, à une rencontre entre une offre et une demande. Ou plus précisément, expansion et diversification du secteur opérant, entre des offres et des demandes. Le marché de lexotique a ses destinations, ses stratégies et ses promotions ; le touriste a ses attentes, ses illusions et ses économies. Les deux interagissent et participent à lexpansion du fait touristique. Pour autant, sa démocratisation et donc sa massification recèlent un double paradoxe quil convient de rappeler. Facteur de développement ou de déséquilibre ? La question du tourisme comme « moteur de développement » des pays pauvres ou émergents ne se pose plus ces dernières années exactement dans les mêmes termes quil y a trois ou quatre décennies. Hier, promesse de croissance ou option de développement à élire parmi dautres, le tourisme mondial est aujourdhui davantage considéré comme un fait majeur, irréversible et en expansion, en passe de toucher, selon les observatoires spécialisés, tous les pays ou presque, y compris les plus défavorisés, qui verront inexorablement leur nombre de « visiteurs » augmenter. Pour pouvoir profiter dune telle « chance de croissance économique », pour être en mesure dexister ou de grossir leur part sur le marché hautement concurrentiel des destinations touristiques, il revient dès lors aux pays hôtes ou sur le point de le devenir, de sadapter, dafficher les caractéristiques requises, doffrir un certain nombre de conditions de base, en termes de sécurité, dattractivité, de développement des infrastructures, de diversification des produits, etc. Voyages au Sud, profits au Nord Selon lOMT, le tourisme constitue aujourdhui la principale source de devises étrangères pour 46 des 49 pays les moins avancés (PMA). « Dautres, plus avancés, comme la République dominicaine, les Maldives, la Tunisie ou lEgypte, ont vu la part du tourisme dans leur PIB se renforcer fortement et contribuer à leur croissance économique » (ibid., 2004, 268). Dans certains petits Etats, insulaires notamment, la contribution du secteur au revenu national dépasse les 50%, comme à Antigua-et-Barbuda et en Gambie où elle atteint respectivement 70% et 58%. Pour autant, la manne touristique et le nombre darrivées de vacanciers demeurent très inégalement distribués : quelque deux tiers des touristes internationaux choisissent une destination européenne ou nord-américaine ; lAmérique du Sud, lAsie-Pacifique, lAfrique et le Moyen-Orient se partageant donc moins de 35% du tourisme mondial. Impacts de la marchandisation des lieux et des comportements Les retombées de lexpansion du tourisme international en termes demploi dans les économies des pays du Sud prêtent, elles aussi, à débat. Si le secteur est effectivement un important fournisseur de postes de travail, puisquil occupe environ 250 millions de personnes dans le monde, la qualité des emplois générés varie. Souvent précaires ou saisonniers, ils sadressent dabord à une population sous-qualifiée, sans protection sociale, lorsquils ne concernent pas directement les adolescents ou les enfants qui seraient quelque 20 millions dans le monde à travailler dans un « métier » lié au tourisme. Les revenus individuels que la population locale peut « tirer » des vacanciers internationaux sont à ce point en décalage avec léconomie locale que les conséquences sociétales de ce biais structurel peuvent être, elles aussi, très lourdes. Un autre tourisme est-il possible ? « Au bilan de cette montée en puissance de lactivité touristique, peut-on parler dun processus de démocratisation ? », sinterroge justement le sociologue Albert Bastenier. « On pourrait toujours dire que, du seul point de vue quantitatif, la massification en est déjà un ! Toutefois, puisque laspect élitiste de différentes formes de tourisme ne disparaît pas et que lon se trouve plutôt aux prises avec une société de loisirs hiérarchisés qui, sous un mode industriel, continue de distribuer à ses publics consommateurs des biens symboliques selon des critères de classe, ne faut-il pas, au contraire, conclure à un relatif échec ou, plus amèrement encore, au triomphe de la manipulation mercantile dune politique sociale qui avait initialement ambitionné de concilier vacances, capacité financière, loisirs, culture et éducation ? » Bibliographie Africa Insight, « Tourism : Africas Key to Prosperity », vol. 33, n°1-2. Alternatives internationales (2004), « Voyages au Sud, profits au Nord », n°15. Antipodes (2005), « Etes-vous un touriste solidaire ? », n°167, mars. Atlas du Monde diplomatique (2006), « De la « villégiature » au tourisme de masse ». Bastenier Albert (2006), « Le tourisme, utopie contemporaine », La Revue nouvelle, n°1-2. Bertrand Léon (2003), « Maîtriser le tourisme à lheure de la mondialisation », Problèmes économiques, n°2.818, juillet. Caire Gilles (2005), Tourisme solidaire, capacités et développement socialement durable, 5e Conférence internationale sur lapproche des Capacités, Paris, 11-14 septembre. Cazes Georges et Courade Georges (2004), « Les masques du tourisme », Revue Tiers Monde, t.XLV, n°178, avril-juin. Condes Sébastien, « Les incidences du tourisme sur le développement », Revue Tiers Monde, t.XLV, n°178, avril-juin. Croissance (2001), « Tourisme : faut-il boycotter les dictatures ? », n° 449, juin. Dehais Béatrice (2001), « Mondialisation : les dégâts du tourisme », Alternatives économiques, n°194, juillet-août. Della Maggiora Christine, « Industrie touristique et touristes : lesprit colonial perdure en Australie », Conseil économique et social des Nations unies, Documents Nord-Sud XXI, août. 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Pour autant, le tourisme est devenu la première source de devises pour un tiers des « pays en développement ». A quels coûts sociaux, environnementaux et culturels ? Privatisation du patrimoine, saccage des écosystèmes, folklorisation des sociétés, consommation des moeurs… la monoculture du tourisme massifié et la diversification tous azimuts de son offre induisent-elles autre chose quun « nouvel usage occidental du monde » ? Les initiatives en matière de tourisme éthique veulent le croire. Reste que la réalité du rapport inégal entre « visiteurs » et « visités » et celle, plus globale, du déséquilibre entre promoteurs de lindustrie touristique et populations locales appellent de nouvelles régulations. Expansion du tourisme international et libéralisation des services Equations Les menaces que lAGCS fait peser sur les services publics essentiels ont suscité une levée de bouclier à travers le monde. Ses conséquences sur un secteur « commercial » en expansion constante comme le tourisme sont, elles aussi, lourdes de conséquences pour les pays en voie de développement. On découvre depuis quelques années que le tourisme est loin dêtre « lindustrie sans fumée » que lon croyait. En Inde, son développement sauvage a entraîné une exploitation débridée des environnements naturels, en particulier le long des côtes, et sest traduit par une utilisation intensive des ressources qui a mis en péril la survie de nombreuses communautés locales. Il existe pourtant des expériences de tourisme animées par les communautés et respectueuses de lenvironnement. Des lois nationales et des forums internationaux cherchent à renforcer ce modèle alternatif de développement touristique. Le traitement que le tourisme reçoit au sein de lAGCS est en passe cependant de rendre hors-la-loi toute réglementation nationale ou locale limitant de quelque manière que ce soit laccès des multinationales du tourisme aux marchés nationaux. Privatisations, marchandisation et tourisme Anita Pleumaron Plus que tout autre secteur, lindustrie touristique participe à la marchandisation du monde par lappropriation – acquisitions de fait, privatisations… – de ressources publiques et la mise en vente de ses multiples « produits » matériels et immatériels, puisés dans les cadres sociaux, naturels et culturels dans lesquels elle opère. Linstrumentalisation des « aires protégées » à des fins commerciales, souvent sans respect pour les réalités humaines locales et sans véritable considération pour les impératifs environnementaux, procède de la même logique. Avec lAGCS (Accord général sur le commerce des services) discuté dans le cadre de lOMC, il semble que plus aucun endroit ni bien ne puisse à terme demeurer à labri de lavidité des entreprises. Si le « tourisme équitable » peut aider à redistribuer certains bénéfices, il ne questionne pas véritablement la commercialisation de réalités sociales et naturelles transformées en « produits », sur laquelle se fonde le développement de lindustrie touristique transnationale et qui lassimile à une certaine forme de prostitution. Contre la marchandisation tous azimuts, il sagit de se mobiliser pour la réglementation du secteur. Alternative démocratique à la logique dominante du tourisme mondial K.T. Suresh Considéré comme une force économique majeure, le tourisme mondial actuel et son approche commerciale se développent le plus souvent au détriment de lenvironnement et des droits sociaux et culturels des populations autochtones du Sud. Sa structure d'entreprise, plus à l'écoute du marché que des personnes, bénéficie peu aux économies locales et beaucoup aux tour-opérateurs transnationaux. Son impact précaire et ses effets négatifs sur les ressources naturelles et les réalités sociales, en particulier dans les petits Etats insulaires en développement, révèlent un système dabord axé sur lappropriation privée des biens et le profit. La démocratisation du tourisme, basée sur la participation collégiale de tous les acteurs concernés aux décisions, constitue une priorité, tout comme limplication des autorités locales dans la définition des politiques et le partage des bénéfices. La remise en cause de la libéralisation indiscriminée du secteur contenue notamment dans lAGCS, est un autre défi, complémentaire au renforcement des institutions régulatrices internationales, nationales et locales et au soutien des acteurs populaires dun tourisme durable et équitable. Economie politique du tourisme : libéralisation et condition des femmes Mariama Williams Le tourisme occupe une place centrale dans les négociations internationales en vue de libéraliser le marché des services. Par son poids économique et les recettes quil génère, il est présenté comme une opportunité pour les pays les moins avancés, qui avec lexpansion du tourisme de masse pourraient devenir des destinations prisées. Selon cette approche qui oriente les processus de libéralisation du secteur, notamment dans le cadre de lAGCS, le développement du tourisme amène croissance et prospérité, crée de lemploi, augmente les salaires, favorise lépargne, attire les investissements, facilite le transfert de technologie… La faible marge de manœuvre des pays pauvres dans les négociations, leur dépendance vis-à-vis des investissements étrangers, leur incapacité à maîtriser les mécanismes de lindustrie touristique mondiale ne leur permettent pourtant pas de tirer réellement profit du secteur. Lapproche dominante, qui nenvisage le tourisme que pour son impact macroéconomique, ne prend pas en compte ses externalités négatives sur les ressources naturelles, le niveau de vie des populations locales et en particulier sur la condition des femmes et légalité entre les sexes. Expansion du tourisme mondial et alternatives éthiques Françoise El Alaoui Le tourisme est devenu le secteur dactivité le plus dynamique au monde en termes de croissance. Les flux de voyageurs sont en constante augmentation. Mais leur répartition reste largement inégale. Ils proviennent essentiellement dEurope et dAmérique du Nord, et dans une moindre mesure dAsie, pour y rester ! Ces mêmes régions concentrent en effet la grande majorité des « arrivées » et des recettes. Maîtres des flux, les transnationales de lindustrie du tourisme rapatrient lessentiel des devises que celui-ci génère de plus en plus dans les pays de destination du Sud. Dans ces régions, les effets négatifs du développement touristique sont multiples : déplacements de populations, travail forcé ou sous-payé, marchandisation des cultures, augmentation des prix, exclusivité donnée aux touristes dans laccès à divers services, tourisme sexuel… Les alternatives au modèle dominant visant à modifier les pratiques des différents intervenants du secteur sont-elles en mesure de renverser la tendance ? Durables, équitables, responsables ou éthiques, ces initiatives ne sont pas non plus à labri de dérives diverses et le rapport inégal entre « visiteurs » et « visités » reste prégnant. Tourisme, mondialisation, consumérisme et développement durable en Asie du Sud-Est Anita Pleumaron Face au poids de la dette et au durcissement des conditions du commerce, de nombreux pays en développement se sont tournés vers le tourisme pour attirer devises et investissements. Des institutions multilatérales telles que la Banque mondiale et des organisations commerciales comme le Conseil mondial du voyage et du tourisme se sont donné pour mission de faire du tourisme une industrie planétaire. En Asie du Sud-Est comme ailleurs, son développement sappuie sur la libéralisation du commerce international, la privatisation des patrimoines publics et la marchandisation des sociétés. La concentration du secteur et de ses bénéfices au sein dentreprises transnationales, linstrumentalisation et la détérioration de lenvironnement et le développement dune culture matérialiste hyperconsumériste au sein des nouvelles classes moyennes du Sud-Est asiatique en constituent les principaux corollaires. Les possibilités qua le tourisme de sorienter réellement vers le développement durable dans le contexte économique et politique actuel nont de chance daboutir quà la condition que des changements structurels profonds soient réalisés dans le système mondial. Tourisme rural en Afrique : concilier « authenticité », « qualité » et « rentabilité » ? Mimoun Hillali La double contrainte économico-culturelle contradictoire – « rentabilité » vs « authenticité » ; « adopter la norme » vs « figer la différence »… – à laquelle est effectivement soumis le « tourisme rural » en Afrique est à la fois caricaturale et délétère pour les dynamiques locales, dans chacune de ses deux dimensions. Les néotouristes, ces « anti-touristes » à la mode, en provenance des pays riches et qui entendent se distinguer du tourisme de masse, troquent périodiquement, moyennant finances, leur cadre de vie citadin, moralement stressant et matériellement confortable, contre des valeurs et des modes de vie apaisants, à savoir la simplicité dune paysannerie agropastorale « archaïque ». Le besoin devenant marché, lhôte rural du tiers-monde est tenu de sadapter sil espère en bénéficier : il sera sécurisant, propre et accueillant côté cour, traditionnel et dépaysant côté jardin. Le dogme libéral simpose : « la qualité » (normes et méthodes) améliore la productivité et la productivité réduit la pauvreté. A quelles conditions le tourisme rural dans le Sud peut-il être autre chose quun créneau porteur à rentabiliser par les opérateurs du secteur ? Biodiversité et logique du développement « par » et « pour » lécotourisme à Madagascar Bruno Sarrasin et Haja Ramahatra Dans un contexte de restructuration de léconomie et de redéfinition du rôle de lÉtat, lenvironnement dans lequel évolue le tourisme – particulièrement dans lhémisphère Sud – pose dimportants défis aux gouvernements nationaux : quelles mesures prendre pour un développement durable et profitable aux populations locales ? La volonté de concilier croissance économique, lutte contre la pauvreté et protection de la biodiversité fait de lécotourisme une stratégie de développement de plus en plus recommandée. Les « aires protégées » sont alors désignées comme le lieu idéal pour la mettre en pratique. La rareté de ces espaces et la soif des marchés pour des milieux naturels intacts commandent toutefois une grande vigilance dans leur utilisation. Lécotourisme peut-il effectivement bénéficier aux aires protégées, à la population rurale et à léconomie nationale ? A Madagascar, la logique néolibérale sous légide de la Banque mondiale, dans laquelle sinsère le développement « par » et « pour » lécotourisme – à partir du parc national dIsalo en particulier – ne sert pas les intérêts des majorités pauvres et noffrent pas de réponses durables à la protection de la biodiversité. Mondialisation et tourisme : mélange détonant pour les peuples indigènes Raymond de Chavez Le développement exponentiel du tourisme dans les pays du tiers-monde bénéficie de tous les égards des institutions financières internationales. Considéré comme un vecteur demplois et de richesses, le tourisme local na pu résisté aux logiques libérales de léconomie mondialisée, contenues dans des textes comme celui de lAccord général sur le commerce des services. Les populations indigènes du tiers-monde, jusque-là épargnées par les activités touristiques traditionnelles, sont devenues les cibles dun secteur en pleine expansion : lécotourisme. Vanté comme alternatif et écologique, lécotourisme est cependant loin dêtre « durable ». Ses effets sont souvent dévastateurs pour les populations indigènes qui doivent supporter tout son poids sans réelle prise sur son développement. Evincées de leurs terres traditionnelles, perdant le contrôle et laccès à leurs ressources naturelles, les peuples indigènes connaissent régulièrement la déchéance sociale à la suite de la pénétration du tourisme et de la commercialisation de leur culture. Ces populations deviennent ainsi de simples rouages dans une industrie pesant plusieurs milliards de dollars. Tourisme au Mexique : modèle de masse, de létatisme au marché Daniel Hiernaux Cest tôt dans le 20e siècle que le Mexique a promu le tourisme international sur ses terres. Celui-ci, mis en œuvre par lEtat, a enregistré une croissance constante durant plusieurs décennies, dans le cadre dun système daccumulation développementaliste de type fordiste, encouragé par la Banque interaméricaine de développement. Gros investissements, grands travaux dinfrastructures et retombées économiques significatives. La proximité des Etats-Unis, la fermeture de Cuba au tourisme suite à la révolution, la pénétration progressive des transnationales ont participé à lexpansion dun tourisme de plage massifié et standardisé, calqué sur le modèle états-unien. La libéralisation du secteur à partir des années 1980 va confirmer la tendance et exacerber ses travers sociaux, économiques, culturels et environnementaux. Le secteur enrichit les multinationales et instrumentalise, voire pervertit, les réalités locales. La concurrence croissante des destinations à léchelle mondiale et les évolutions qualitatives de la demande poussent à la diversification, mais les obstacles sont multiples et les possibilités de développement dun tourisme réellement alternatif, maigres. Tourisme dans les petits Etats insulaires en développement : quelle durabilité ? Ranjan Solomon Si la part du tourisme dans les économies des petits Etats insulaires en développement (PEID) des Caraïbes, de lOcéan indien et du Pacifique reste aujourdhui très variable, elle croît partout rapidement. Lenvironnement économique mondial pousse la majorité dentre eux à le considérer comme le moteur de leur développement, capable de doper la croissance économique, de créer de lemploi et dattirer des devises étrangères. Mais le « tout au tourisme » est loin dêtre une panacée. Paradoxalement, ses retombées économiques dépendent grandement du développement dautres secteurs dactivités, qui doit permettre déviter les fuites de devises et de limiter la dépendance à un marché extrêmement sensible aux changements dhumeurs de léconomie mondiale. Ses effets peuvent aussi être négatifs pour la population locale si rien nest fait contre les pressions inflationnistes, lexploitation de la main-dœuvre, la marchandisation des cultures… En négligeant les dégâts environnementaux de lexpansion du tourisme, les PEID scient la branche sur laquelle ils sont assis. Il est urgent de sattaquer à la mise en place de politiques de développement durable et équitable du tourisme. |