08.11.10 Le Potentiel : La balkanisation de la RDC et le marché commun de l’Afrique de l’Est

Une
parenthèse. Plusieurs d’entre nous se laissent abuser par le commentaire
fait au quotidien par les médias dominants et leurs supplétifs sur
notre pays. Ils passent à côté des analyses de fond traitant des
décisions prises par ceux qui croient être les maîtres du monde pour en
redessiner les cartes. Ils sont les proies faciles du discours dénonçant
la bouc-émissairisation dans laquelle seraient tombé(es) les
Congolais(es) irresponsables. De plus en plus, des compatriotes dits
progressistes ne cessent de nous rabâcher les oreilles avec ce refrain :
« Si le Congo va mal, c’est notre faute ».

Ce jugement sans nuance est
rarement inspiré par une analyse froide des méthodes utilisées par « les
maîtres du monde » pour casser tous les verrous de souveraineté des
peuples. Et cela à travers le monde entier. Aussi nous laissons-nous
abuser par les discours officiels de ceux et celles qui, en privé, entre
eux, avouent qu’ils doivent recourir à la politique du smart power, à
la politique du bâton et de la carotte, pour protéger et/ou atteindre
leurs intérêts.

Quand Roger Bongos, loin de Paris, interroge Jean-Michel
Vernochet (dans les belles Iraniennes dans leurs vrais visages
contrairement aux clichés occidentaux. Entretien avec Jean-Michel
Vernochet mis sur nos fora en ligne le 06 novembre 2010), certaines
vérités sont crachées. Contrairement aux fanatiques du pouvoir
d’occupation chez nous, Roger Bongos nous permet d’apprendre que les
initiateurs du projet de la balkanisation de notre pays n’y ont pas
renoncé.

Inspirés par Le grand échiquier, ils sont les artisans de
l’impérialisme intelligent cherchant à briser nos verrous de
souveraineté en dépeçant le Congo pour alimenter le marché de l’Afrique
de l’Est en matières premières ; lesquelles matières pourraient
atteindre les lieux de leur usage en passant facilement par l’océan
Indien. Le marché de l’Afrique de l’Est comprendrait le Rwanda, le
Kenya, la Tanzanie et les Kivu. Ce projet a un aspect fin. Celui-ci
n’apparaît pas à travers les déclarations officielles.

Quand Roger Bongos a mis l’entretien réalisé avec Jean-Michel
Vernochet sur la toile, nous avions cru qu’il susciterait un débat
sérieux sur les questions géostratégiques et géopolitiques auxquelles
notre pays est en proie. Malheureusement, ce sont les attaques dirigées
vers des individus qui attirent un peu plus l’attention sur nos fora.
Moralité? Nous restons, pour la plupart d’entre nous, superficiels. Nous
n’avons pas la capacité d’aborder les questions de fond.

Suivre un entretien sérieux pendant une heure sur la toile n’est pas possible pour plusieurs d’entre nous.

Il est possible que le titre donné par Roger Bongos à son
entretien n’ait pas suscité un grand engouement. Qu’est-ce que les
Congolais dont les grands-mères, les mères, les femmes, les sœurs et
les filles sont violées par les forces de l’occupation auraient à voir
avec les belles Iraniennes ? Un titre faisant allusion aux analyses
géoénergétiques, géopolitiques et géostratégiques de Jean-Michel
Vernochet aurait peut-être favorisé un attrait et un débat plus
constructif sur notre avenir collectif. (Espérons que cet article
poussera les curieux à auditionner cet entretien !)

De toute façon, nous nous faisons de plus en plus une idée sur
la qualité de nos débats sur nos fora en ligne : souvent, ils n’ont pas
de fondements historiques, géopolitiques et géostratégiques solides.
Souvent, nous estimons que nos titres académiques suffisent pour leur
donner quelque crédibilité. Or, une distance déconstructive pourrait
nous aider à comprendre que nous avons, pour certains d’entre nous,
accumulé un savoir livresque qui n’est pas d’un grand secours pour notre
pays. Nos diplômes ne nous auraient appris ni à apprendre après leur
octroi, ni à remettre en question les théories apprises en questionnant
les faits.

Combien de compatriotes savent, encore aujourd’hui, que dans
leur projet de redessiner la carte de l’Afrique, les USA devaient s’en
prendre au Congo après une opération appelé abusivement Restore Hope en
la Somalie ? Leur projet ? Reconstruire (redessiner la carte de
l’Afrique) par blocs. « Quittant la Somalie, les Américains déposèrent
armes et matériels sur l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda. Ils décidèrent
d’agir désormais par armées africaines interposées et mirent au point
le programme ACRI, African Crisis Initaitive. » (C. BRAECKMAN, Les
nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale,
Paris, Fayard, 2003, p. 51) I

l arrive qu’énervés par les travers de
certains articles publiés par Colette Braeckman, nous refusions de nous
en servir comme référence. Mais pour ceux et celles d’entre nous qui
savent que ses livres sont le produit de la mise ensemble de plusieurs
de ses chroniques, lire cette dame peut conduire à dénicher certaines
vérités sur ce qui se passe chez nous aujourd’hui et à mettre le doigt
sur certaines de ses contradictions. (N’oublions surtout pas que
plusieurs de nos compatriotes de la société civile ont informé, en tant
que témoins des faits, la journaliste du journal Belge Le Soir.) Passons
!

La guerre d’AFDL des années 90 s’inscrit dans le projet US de
redessiner la carte de l’Afrique centrale. Au cours de l’année 1996, «
Stephen Metz avait communiqué au Pentagone un document de travail
consacré au possible démantèlement du pays : certains spécialistes de
l’Afrique comme Marina Ottaway abondant dans le même sens. Zartmann et
autres distinguées professeurs en voyaient pas d’autre avenir. »
(Ibidem, p. 56)

La presse britannique abondait dans le même sens. «Quant aux
journaux américains, ils publièrent, dans les années 1996-1997, de très
nombreux articles et éditoriaux reprenant l’hypothèse d’un démembrement
du pays, à l’instar de l’International Herald Tribune, qui écrivait le
19 décembre 1996 que le Congo était le « résultat d’une union
impossible, non naturelle. La frontière coloniale ne pourra
éternellement être considérée comme sacro-sainte. » » (Ibidem, p.56)

De 1996 à 2010, quatorze ans se sont écoulés. Plusieurs d’entre
nous ont oublié l’existence de ce projet. Mais pas ses initiateurs.
Est-ce un hasard qu’Africom opère à partir du pays ayant tracé la
frontière coloniale? Est-ce un hasard que ce pays, l’Allemagne,
participe du projet de déposséder le Congo de ses ressources naturelles
en ayant le Rwanda comme allié ?

De 1996 à 2010, quatorze ans se sont écoulés. Mais pour les
capitalistes sauvages, quatorze ans c’est comme un jour. Un jour c’est
comme quatorze ans. Ils poursuivent leur œuvre subrepticement. Dans
l’entretien accordé par Roger Bongos à Jean-Michel Vernochet, ce dernier
revient là-dessus en affirmant que ce projet est plus subtil que nous
ne le croyons.

Ceux et celles d’entre nous qui connaissent l’importance accordé
aux think tanks par les USA et leurs alliés savent qu’ils ne renoncent
pas facilement à un projet minutieusement étudié. Ils y investissent
tous les moyens. Le travail en réseau compris.

Quand certains d’entre nous, influencés par les médias dominants
et leurs supplétifs affirment que les seuls fautifs c’est nous, ils ne
tiennent pas compte de tous les moyens investis dans ces basses besognes
par ceux qui croient être les invincibles maîtres du monde: les moyens
intellectuels, politiques, économiques et militaires ; mais aussi tout
le mensonge et toute la désinformation orchestré par les médias
dominants et les élites au solde du marché initié par l’impérialisme
intelligent.

Pour notre part, nous estimons que face à la disproportion des
moyens, la résistance congolaise relève du miracle. Mais aussi de
l’amour que les véritables patriotes et leurs amis ont pour un Congo uni
; dans sa configuration actuelle. Sauront-ils tenir encore longtemps
avant que ne soient brisés les ressorts de cette résistance que sont
aspiration à l’auto-détermination, notre soif de liberté, d’égalité et
de bonheur national brut partagé ? Peut-être !

A condition que nos actions de résistance soient alliées à une
activité permanente de la pensée. D’une pensée en réseau. D’une pensée
ravivant une mémoire collective responsabilisante.

J.-P. Mbelu

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