17.12.10 Le Climat Tempété – Le député Ernest Kyaviro: «Nous ne pouvons pas marcher avec un criminel qui ne demande pas pardon»

Le Climat Tempéré : Peut-on
connaître votre réaction à chaud
sur le vote de la loi harmonisée des
finances 2011, intervenu le 15 décembre 2010 à l’Assemblée nationale ?

Jean-Louis Ernest Kyaviro : Ma
réaction, c’est la satisfaction que les deux chambres aient abouti à un
compromis. C’est bien que le Sénat ait confirmé ce qu’on a pu dégager. Mais
j’attire l’attention de ceux qui ont créé des confusions qu’un travail de ce
niveau et de cette importance ne se fait pas en courant. Ce travail se fait
avec sérénité pour éviter les discordances et les confusions des recettes et
des dépenses. Il faudrait que, prochainement, de telles faiblesses techniques
ne se voient pas à un tel niveau de l’Etat.

 

LCT : Tout à l’heure là, vous
avez évoqué les incidents, qui ont émaillé l’arrivée à Goma du président
honoraire de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe. Quelle lecture faites-vous
autour de ces évènements ?

 

JLEK : Je lance d’abord un appel:
ni le PPRD, ni l’UNC n’ont le droit d’utiliser la jeunesse du Nord-Kivu comme
de la chair à canon. Vital Kamerhe habite Kinshasa. Tshisekedi habite Kinshasa.
Ils sont arrivés et ils ont organisé des manifestations ici. Et on n’a pas tiré
une seule balle. Mais Vital Kamerhe arrive hier (mercredi) à Goma. Et il y a
des échauffourées entre ses hommes et quelques militants du PPRD. Et il y a eu
même des badauds qui ont été utilisés par des autorités pour s’attaquer à un
convoi d’un opposant. Je suis de la majorité mais je rappelle aux collègues de la Majorité et à la
direction de cette plate-forme que nous sommes en train de ramener la paix
difficilement au Nord-Kivu. Je n’accepte pas qu’on utilise la jeunesse du
Nord-Kivu pour être derrière tel ou tel autre candidat. Je condamne
l’utilisation fasciste de la
Police qui a été déployée et qui a mis les gens mal à l’aise
tout l’après-midi à Goma, en tirant en l’air, qui a occupé des pistes
stratégiques de la ville, comme s’il y avait un ennemi qui y était arrivé. Je
déplore le comportement anti-républicain du maire de la ville de Goma qui a
utilisé la Police
pour un camp politique, alors que l’administration doit être neutre. J’appelle
les notables du Nord-Kivu et les responsables de l’AMP à éviter que, quand nous
sommes en train de chercher à pacifier le Nord-Kivu, des luttes politiciennes
de basses échelles puissent venir ramener à l’utilisation de nos jeunesses
comme la chair à canon. Nous ne sommes pas contents que des gens, qui sont issus
d’autres provinces, et qui sont basés ailleurs, puissent venir trouver leurs
champs de bataille à Goma. Que ce soit la dernière fois. C’est un dernier
avertissement.

 

LCT : Vous soulignez bien dernier avertissement.
Est-ce que M. Kamerhe s’est déjà présenté comme candidat à l’élection
présidentielle ? Etes-vous prêt à lui apporter un appui ?

JLEK : Non, je ne
parle pas des appuis à gauche ou à droite. Je parle du respect de la
population. La population de Goma a droit au respect. Tirer tout l’après-midi,
ce n’est pas respecter les gens. Empêcher les gens de s’exprimer à Goma, quand
ils s’expriment ici en termes très durs, c’est de la lâcheté. Et je voudrais
que nous puissions faire la politique de ce genre-là. Je suis de la Majorité. Mais si la Majorité accepte ce genre
de méthodes, même aujourd’hui qu’elle nous demande de quitter, parce que nous
ne pouvons pas marcher avec des gens qui utilisent la police contre des
Congolais. C’est vraiment un dernier avertissement. Si on utilise encore la
police contre des Congolais ou contre des opposants en violation de la loi,
nous ne pourrons plus marcher ensemble. Tel est mon avertissement. Et c’est le
dernier.

 

LCT : Et quelle est votre opinion sur l’alliance
entre le CNDP et le pouvoir en place ?

JLEK : L’alliance
entre le Congrès national pour la défense de peuple, CNDP et l’AMP est une
chose qui a à la fois ses bons côtés et ses mauvais côtés. Le bon côté, c’est
que cette alliance a l’idée de la réconciliation, c’est l’idée du
rassemblement. Maintenant, le mauvaise côté, c’est la manière dont l’alliance
se fait. Ce groupe (CNDP) a organisé un génocide à Kiwanja. 43 députés de la Majorité ont signé une
lettre à la Cour
pénale internationale, CPI, qui demandait à ce que la direction du CNDP soit
entendue comme responsable d’un génocide. Pendant que nous attendons la
réaction de la CPI,
nous apprenons que l’AMP est déjà en alliance avec le CNDP. En ceci, je dis
trois choses. Premièrement, nous n’allons pas retirer notre plainte à la CPI contre le CNDP à cause de
cette alliance. Nous maintenons notre plainte. Et la justice, sur les crimes
qui ont été commis, qui se chiffrent par centaine, doit se prononcer. Et de
deux, si on veut que nous puissions aller à la campagne électorale avec le
CNDP, ce dernier devra prononcer une amende publique et demander pardon au
peuple congolais pour les massacres perpétrés, après la loi de l’amnistie,
après la conférence de paix de Goma, notamment après les massacres odieux et
primitifs qui avaient été commis à Kiwanja.

Nous ne pouvons pas
marcher avec un criminel qui n’a pas demandé pardon même si nous le faisons au
nom de la Bible. Même
devant Dieu, on se répand, avant d’être pardonné. Et troisièmement, l’alliance
au sommet, c’est bien. Mais qu’on se mette à la place de députés qui vont aller
faire la campagne, vous vous imaginez sans que le CNDP ait demandé pardon à la
population du Nord-Kivu, que moi j’aille trimballer avec ces messieurs sur des
collines, dans les vallées du Nord-Kivu. Non. Il faut que l’alliance lance, sur
le terrain, des explications claires. Et comme ce sont les membres du comité
politique qui ont entériné cette alliance, qu’ils nous donnent le message
destiné à la population de Beni, Butembo, de Goma, de Rutshuru et du Sud-Kivu.
Parce que c’est bien de signer ici au bureau mais sur terrain, je voudrai que
les Nord-Kivutiens et les Sud-Kivutiens, qui siègent au comité politique,
soient les premiers à aller expliquer à leurs bases dans quelles conditions et
dans quels objectifs ils ont scellé cette alliance. Et nous, nous prendrons le
message auprès d’eux pour le passer à la population. Mais pour l’instant comme
il n’y a ni pardon ni message clair, nous observons. Nous observons, mais
toutes les réactions que j’ai reçues jusqu’aujourd’hui (jeudi) sur cette
alliance, de la base, sont des réactions de déceptions. Et si j’accepte le
pardon, si j’accepte la réconciliation, j’accepte le rassemblement, je déplore
la méthode, je déplore l’absence du pardon, je déplore le message indirect
d’impunité, que cette façon de s’allier avec des anciens criminels n’est pas
propre. Et j’exprime mes réserves, parce que si vous amenez, dans la maison de
la fête, quelqu’un qui peut faire fuir les autres personnes, il faut vous
demander quand il sera parmi les convives, la fête va continuer. Je parle ici
de la propagande si on introduit les gens dans l’AMP, il faut qu’on sache
qu’ils vont amener des voix et qu’ils ne vont pas en faire partir. Avant
d’accepter quelqu’un dans l’AMP, il faut savoir combien de gens il va amener.
Mais aussi, si les gens, qu’il va amener, ne vont pas faire fuir d’autres plus
nombreux que ceux qu’il va amener. Apparemment, les gens, qui sont choqués par
l’entrée du CNDP dans l’AMP, sont plus nombreux que ceux qui applaudissent. Il
faut corriger ça très vite. Autrement,
les autres membres de l’AMP auront peur de faire route commune dans la campagne
avec le CNDP.

 

LCT: Ne voyez-vous pas que le CNDP est venu
solliciter la main tendue par l’AMP pour protéger les actes d’impunité ou de
criminalité ?

JLEK : Non. Il n’y
a personne qui peut penser que par une alliance, le sang de mes sœurs violées,
l’honneur de nos sœurs violées, le sang de mes frères massacrés peut être passé
sans silence. A vos frères jumeaux, je n’accepterai pas qu’ils fassent de
telles choses. Si les gens se sont alliés dans l’histoire de disculper les
crimes et les criminels, c’est déjà un échec. Dans les précautions qu’il faut
prendre sur le plan judiciaire, la procédure à la Haye va continuer et nos
réclamations pour la justice ici vont aussi continuer. Nous avons peur de Dieu
qui est justice. On n’a pas été associé à ces discussions pour sceller avec le
CNDP. Que ceux qui ont été associés à ces discussions, aillent expliquer aux
populations de Beni-Butembo, Goma là-bas que tous les crimes sont absents. On
vous a tués, c’est fini. Maintenant, nous sommes avec eux qui seront au
gouvernement avec nous.

Propos
recueillis par JF Kumwaf

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