21.12..10 RFI: Interview de Tshisekedi

Etienne Tshisekedi, Ces dernières années on croyait que
vous vous étiez retiré de la politique ; puis voilà, aujourd’hui vous
faites un retour en fanfare. Qu’est ce qui vous a décidé à reprendre le
combat ?

Mon silence n’était que le temps nécessaire pour me
soigner en Belgique. Et dès que la santé me l’a permis, c’est comme ça que j’ai
repris mon travail habituel, ma mission que je crois être celle d’amener le
peuple congolais à établir un Etat de droit chez lui.

 

Vous n’avez jamais pensé à vous retirer de la scène
politique ?

Non, tant que je n’ai pas fait cette mission-là, tant que
j’ai la confiance de ce peuple-là, je ne pense pas me retirer. Et tant que j’ai
la confiance de ce peuple-là, il va m’élire.

 

Alors, vous êtes très
critique avec le président Kabila, vous dites qu’il a tout raté. Mais il y a
l’école primaire gratuite, il y a les investisseurs chinois tout de
même, non ?

Les investisseurs chinois ce n’est pas Kabila qui les a
faits, ce sont les Chinois qui sont venus ici… (Ricanement)

 

Mais, Ça fait venir de l’argent, ça
fait construire des routes…

Mais, quand vous dites que c’est de l’argent, tout le
monde au Congo est convaincu que l’argent qu’on donne ne va pas dans ce que
vous appelez construction des routes ou des ponts, faire tout ce qui est
intérêt national.

 

Donc il y a la corruption, c’est ça ?

Oui elle est à une échelle telle que jamais vue dans le
monde, dans l’humanité.

 

Et si vous êtes élu qu’est-ce que vous ferez de
mieux ?

Je commencerai par une chose, la plus simple, celle de
construire un Etat. Il y a un Etat quand il y a la sécurité juridique et
physique, quand il y a la paix, quand il y a du travail, quand il y a des
hôpitaux- Les seuls hôpitaux que nous avons ce sont ceux que les Belges ont
laissés en 1960-. Il y a un Etat, quand il y a des routes de desserte agricole
pour que les paysans n’aillent pas tous dans les villes, mais restent chez eux
parce que les routes peuvent les amener à écouler leurs marchandises sur les
marchés.

 

Mais la corruption que vous dénoncez elle existe depuis
les époques Mobutu. Est-ce qu’elle n’est pas rentrée dans la culture de
beaucoup de Congolais ? Est-ce que
vraiment vous pouvez la combattre ?

Non pas du tout. Quand j’étais élu Premier ministre, dès
le jour même, tous ceux qui avaient des biens de l’Etat les ont rendus à
l’Etat. C’est pour vous dire que quand déjà l’exemple vient d’en haut, les gens
suivent. Mais quand la corruption commence d’en haut, comment voulez-vous
qu’elle puisse ne pas avoir lieu ? Parce que justement le poisson commence
à pourrir par la tête.

 

Ces derniers mois il y a eu du grabuge au sein de l’UDPS.
Vous avez eu à exclure plusieurs de vos camarades. Est-ce que le parti est
toujours au bord de la scission après le congrès ?

Non pas du tout. C’était une sorte de guerre de
succession parce que tout le monde supposait que j’allais rentrer dans un
cercueil, que j’étais mort. Mais, quand les gens m’ont vu en bonne santé,
rentrer et reprendre les choses en mains, tout est rentré dans l’ordre. Il n’y
a aucun problème.

 

Et vous pensez déjà à celui qui vous succédera dans
quelques années ?

Non, ça, la démocratie s’en occupera.

 

Certains disent que vous pensez à
votre fils Félix Tshisekedi

Mais pas nécessairement. C’est un garçon qui a toujours
aimé la politique, et je ne peux pas l’empêcher de le faire. Si la démocratie
le choisit, je ne peux pas m’opposer. Mais si la démocratie ne le choisit pas,
je n’en ferai pas un problème.

 

Donc c’est les militants qui décideront

Absolument, dans un congrès extraordinaire.

 

Etienne Tshisekedi, votre parti l’UDPS est très implanté
dans le Kasaï, au centre du pays. C’est sa force. Mais est-ce que ce n’est pas aussi sa faiblesse ?
 

Pas du tout. Depuis toutes ces dictatures qui ont suivi
Mobutu, il y a un silence ici qui est le fruit de terrorisme qui est exercé
chaque jour sur la population. C’est comme ça que vous avez l’impression que
dans les autres provinces il n’y a pas la même implantation (de l’Udps). Mais
maintenant que les Congolais commencent à chasser la peur, venez voir
maintenant ce qui se passe. Dans mon congrès, les délégations sont venues de
tous les coins de la
République.

 

Mais tout de même vous n’avez pas intérêt à faire
alliance avec Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe par exemple pour ratisser plus
large à l’Ouest comme à l’Est du Congo ?

Ah mais, c’est évident ! Quand j’ai ouvert le
congrès de mon parti, mon premier discours était que je fais un appel à toutes
les forces acquises au changement. Mais, même si je suis disposé à faire appel
à d’autres partis, l’Udps s’est battue 30 ans pour d’abord gagner les
élections. Je vais le faire avec les autres amis, dans des plates-formes à
convenir, mais c’est d’abord sur l’Udps que je compte. Il ne faut pas que je
vous donne l’impression que si je ne me rallie pas avec les autres, je n’aurai
pas à gagner. Pas du tout, c’est le contraire. Je fais confiance à mon parti
qui est connu par notre peuple comme étant le seul parti qui a lutté longtemps
pour l’intérêt de ce peuple-là. Je sais que l’union fait la force, mais ce
n’est pas une nécessité pour moi.

 

C'est-à-dire votre objectif c’est une victoire dès le
premier tour, mais si ça ne suffit pas, une alliance au deuxième tour en vue
avec les autres ?

Voilà, c’est surtout à ce niveau-là.

 

Il y a 4 ans, vous avez boycotté la dernière
présidentielle parce que vous aviez estimé que la communauté internationale
avait choisi son candidat à l’avance, et que les jeux étaient truqués. Est-ce
que vous êtes sûr que les choses ont changé depuis ?

Oui, je viens d’arriver de presque 3 ans en Occident. Et
je sais que beaucoup de ceux qui avaient été impliqués dans ce choix sont
maintenant déçus justement par leur poulain. Et je crois qu’ils n’ont plus de
motifs d’être zélés pour continuer avec de la tricherie. Ils vont seulement
laisser le jeu démocratique se jouer normalement.

 

Et c’est ce que vous avez demandé au conseiller de Nicolas Sarkozy que vous
avez rencontré discrètement à Paris il y a 1 mois ?

(Rire) Oui, oui, même si vous n’étiez pas là, d’accord,
on peut dire que c’est ça.

 

Et, est-ce que les Français font partie des gens qui à
votre avis sont déçus par Joseph Kabila ?

Ça, je n’aimerais pas aller plus loin que ça.

 

Etienne Tshisekedi, vous êtes un nationaliste
ombrageux ; Il y a 10 ou 20 ans, vous auriez sans doute refusé cette
rencontre à l’Elysée. Est-ce qu’Etienne Tshisekedi d’aujourd’hui a
changé ?

Oui ! Tshisekedi a changé, parce que d’abord il faut
être réaliste. Nous sommes dans l’ère de la mondialisation, on associe tout le
monde pour notre développement. Donc, c’est évident que le Tshisekedi d’hier
n’est pas celui d’aujourd’hui.

Merci.

 

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