27.12.10 Le Potentiel : Cinq questions au cardinal Bernard Agré.
1. Le message de Noël est dabord religieux, et même si le sens de cette fête peut échapper parfois aux religieux. On sait que tout le monde suit cette fête aujourdhui, même les non-catholiques. Quel est le sens de cette parole chrétienne aujourdhui, le message de Noël ?
Le message de Noël est celui-ci : Nous allons acheter beaucoup de choses. Nous faisons des cadeaux et très souvent, le côté commercial prend le dessus, mais il ne faut pas oublier que la souche même, la racine de Noël, cest Dieu qui nous envoie son propre fils. Dieu a envoyé son fils pas pour rester loin de nous, mais il rentre dans notre histoire. Il est lhomme comme nous, mais lhomme pour tirer lhomme au dessus, pas pour lenfoncer. Le mot Emmanuel, cest Dieu qui vient avec nous pour nous donner la possibilité de lui ressembler un peu, cest-à-dire de sortir des bas-fonds, de nos défauts, de nos égoïsmes, pour nous hisser à une certaine hauteur qui est le partage.
2. Mgr justement, est-ce que le sens religieux de cette parole est encore entendu aujourdhui, est suffisamment entendu ?
Cest vrai que tout le monde ne lentend pas. Dès quon parle de Noël, on voit le sapin, on voit les lumières et on voit le côté clinquant de la fête. Mais il ne faut pas sarrêter à cela. Il faut entrer soit dans une deuxième, soit dans une troisième lecture. Et alors ce Noël, Dieu qui vient pour que nous, nous nous retrouvions un peu plus, pour que nous soyons capables de partager. Je crois que cest Dieu qui vient à Noël et qui veut justement que les hommes soient heureux de vivre ensemble. Mais vivre ensemble, cest une lumière de Dieu qui vient sallumer en nous et comme cela, je vois en celui qui minterroge de Paris, un frère. Je lappelais comme un frère Emmanuel.
3. Même si je ne suis pas encore rentré dans les ordres, il faut quand même le préciser.
Frère veut dire humainement parlant « nous sommes frères ». Et Dieu est notre père.
4. Justement Mgr, aujourdhui quelle place ce message catholique peut-il avoir au sein des sociétés laïques ?
Il y a Jean-Baptiste qui dit « Je prêche dans le désert ». Cest vrai. Le message de Dieu tombe un peu sur beaucoup de gens comme leau sur le dos dun canard.
Ce message glisse mais petit à petit. Par exemple quand vous êtes à la radio -et certains vous disent « la radio, ça ne me fait rien »- mais non, ça fait toujours quelque chose. Une goutte deau qui tombe sur un tas de sable, cest vrai, ça disparaît. Mais si ça continue à tomber, au bout de quelque temps, un mince filet deau doit sortir au bas parce que toute la masse sera imprégnée.
Cest vous dire la même chose. Dieu parle. On feint de ne pas comprendre et, petit à petit, ces envoyés qui parlent dans le désert et, plus tard, le désert refleurit. Le christianisme, cest-à-dire la doctrine chrétienne, cest-à-dire la vie chrétienne nest pas réservée à une seule époque.
5. Alors on évoque le champ contemporain, Monsieur le cardinal. Alors justement, et à propos de la situation en Côte dIvoire et il est difficile de loublier à loccasion de cette fête de Noël, quest-ce que justement la parole chrétienne peut dire autour de cela ?
Noël peut dire ceci : ce nest pas bon. Ce nest pas bon que pour Noël on inquiète un peuple. Noël dit : « Vous êtes des frères, solidarité dabord » que ceux qui fatiguent la Côte dIvoire se disent quand on aura fatigué ce peuple, ce petit peuple,
Dieu sera un peu plus éloigné de nous. Rapprochons-nous de Dieu et cest simplement que nous trouverons, dans le dialogue, une solution humaine au problème ivoirien par rapport à ce que nous vivons aujourdhui. Nous ne sommes pas des gens qui nous plaignons, qui pensons que nous sommes perdus. On nest pas perdu. Dans le dialogue, la non-violence peut résoudre beaucoup plus de problèmes que les armes.
TIREES DE RFI (*) Le premier prélat ivoirien à avoir été créé cardinal par le Vatican en 2001