05.01.11 Le Potentiel : Cinq questions à André Mukoko (*)

1. Que vise l’Alliance des Bâtisseurs du Kongo (Abako), aujourd’hui ?

Sur le plan politique, nous militons pour une mise en place d’une démocratie fédéraliste en République démocratique du Congo, respectant ainsi la volonté et le rêve de nos bambuta (aînés) qui, eux, ont eu le privilège de palper réellement les spécificités de toutes les communautés ethniques conquises par le pouvoir colonial et regroupées pour former le territoire qui est devenu aujourd’hui la RD Congo. Cette volonté fut confirmée par la large majorité ayant pris part à la Conférence nationale souveraine (CNS) en 1992. En d’autres termes, nous sommes pour une République où coexistent à la fois l’unité nationale et les spécificités locales, c’est-à-dire celle où fonctionnent un pouvoir central et un pouvoir régional réel, disposant chacun des institutions propres, d’un programme spécifique et d’un budget propre adapté aux réalités locales. Nous entendons aussi résoudre la question de la viabilité de l’Etat ; restaurer l’autorité de l’Etat ; garantir la souveraineté du pays ; et réhabiliter l’administration. Sur le plan économique, l’Abako s’emploiera à promouvoir la libre entreprise et l’initiative créatrice des Congolais dans le cadre d’une économie sociale du marché, c’est-à-dire une économie qui vise une recherche permanente de la combinaison la plus efficace entre une performance optimale de l’investissement et la garantie de la justice et la sécurité sociales. Sur le plan social, nous comptons assurer la cohésion et la solidarité nationales ; assurer la protection de la famille ; encourager l’accession de tous à l’éducation ; et garantir un logement sain et décent à chaque Congolais. Sur le plan culturel, l’Abako veut combattre l’aliénation culturelle consécutive à l’esclavagisme et au colonialisme.

2. Au plan national, on vous entend moins, et dans la diaspora, l’Abako ne semble pas exister. Comment expliquez-vous cela ?

Après le coup d’Etat de Mobutu en 1965, tous les partis politiques au Congo étaient muselés, y compris l’Abako. Nous étions plongés une léthargie indescriptible. Plusieurs décennies de silence, ce n’est pas peu. Revenir au premier plan n’est pas une sinécure. Aujourd’hui, je peux vous assurer que nous sommes sur une bonne voie. La preuve. Lors des élections de 2006, on a pu constater que l’Abako pouvait encore faire bouger les choses : nous avons raflé trois sièges à l’Assemblée nationale, quatre sièges à l’Assemblée provinciale du Bas- Congo et trois ou quatre sièges à l’Assemblée provinciale de Kinshasa. Au niveau de la diaspora, nous n’existons que depuis bientôt un an. Nous travaillons pour nous faire connaître auprès de nos compatriotes et montrer à l’opinion internationale que l’Abako existe bel et bien. Nous sommes déjà présents en Belgique, en Suisse, et bien entendu ici en France.

3. Quels rapports entretenez-vous avec le « Bundu Dia Mayala » de Ne Muanda Nsemi ?

A ma connaissance, l’Abako n’a pas d’accointances avec le Bundu Dia Mayala. Néanmoins, nous comprenons et partageons certaines des prises de position de son leader, notamment l’option d’une République fédérale. Ce que je trouve curieux, et permettez- moi de vous le dire, à chaque fois que l’on parle de l’Abako, cette question revient toujours comme si Ne Muanda Nsemi était une création de l’Abako. Je précise que Ne Muanda Nsemi était déjà dans l’action politique sous le régime de Mobutu et celui de Laurent- Désiré Kabila. Il est bien connu dans la sphère politique congolaise, et ses revendications n’ont pas changé d’un iota. Aujourd’hui, qu’on l’aime ou pas, qu’on adhère ou pas à ses idées, c’est un frère qui compte dans le paysage politique congolais.

4. Qui sera le candidat de l’Abako à la prochaine présidentielle ?

Notre parti est une force politique qui regorge en son sein plusieurs leaders capables de prétendre à ce statut : François Kimasi, le Dr Anatole Matusila, le prof. Clément Kokolo, Maître Puati… Des personnalités au caractère bien trempé hérité de nos bambuta (aînés), dont Joseph Kasa-Vubu, Antoine Kingotolo, Nzeza Nlandu Edmond, Daniel Kanza, Gaston Diomi…, à qui je rends hommage ici pour avoir réclamé avec courage et détermination l’indépendance immédiate et sans conditions du Congo. Ainsi le moment venu, nous saurons choisir parmi nos leaders d’aujourd’hui l’homme le mieux placé pour défendre nos couleurs à cette élection, dans l’intérêt du Congo et du peuple Congolais.

5. Quel bilan faites-vous de l’action de Joseph Kabila à la tête de la République Démocratique du Congo ?

Tout le monde est unanime pour reconnaître que le Congo est malade. Concrètement, qu’a-t-il fait pour le bien-être des Congolais depuis son accession à la magistrature suprême ? Rien. Le changement promis se fait toujours attendre ; les cinq chantiers manquent de visibilité et de lisibilité. Le gouvernement semble naviguer à vue : ses choix politiques, économiques et sociaux ne sont pas clairement définis, et le peuple congolais ne se retrouve pas dans son action. Le Congo est tiré vers le bas en ce moment. Il mérite beaucoup mieux que ce qu’il a.

PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT KONGO, CORRESPONDANT EN FRANCE (*) Président fédéral de l’Abako/ France.

© Le Potentiel, 05.01.11

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