30.03.11 CongoNews – Interview avec Jérôme Bonso
CongoNews – PREDICTION DUN EXPERT – Voici pourquoi il ny a pas élection
«CONGONEWS» lavait prédit en 20.10. Que les élections nallaient pas être organisées en 2011, en tout cas pas dans le délai constitutionnel. Jérôme Bonso, lun des plus grands spécialistes de la RDCongo en matière des élections, le confirme à quelques mois des élections dans une interview exclusive accordée à «CONGONEWS».
Il le confirme avec les données techniques à lappui. Ce nest pas le pasteur Daniel Ngoy Mulunda qui le contredira alors quil a reconnu lui- même que la logistique héritée de labbé Apollinaire MaluMalu est obsolète et que malgré les promesses du gouvernement, les caisses de la CENI sonnent creux. A entendre Bonso, les uns et les autres savent quil ne sera pas possible daller aux urnes dans le délai mais personne ne prend le courage de le dire. Chacun à ses raisons. La majorité craint quune telle annonce najoute à la surchauffe déjà perceptible à cause la vie chère. Lopposition, elle, nest pas prête à aider la majorité. Elle continuera à réclamer les élections dans le délai, quitte à en tirer les conséquences le moment. Soit pousser à une table rase sous prétexte que Joseph Kabila na plus aucune légitimité, soit concéder à participer à un gouvernement dunion nationale. Cette dernière hypothèse ne paraissait pas faire laffaire des hommes au pouvoir. Des délégués kabilistes à Pretoria lont rejeté catégoriquement. Ce qui ne sera pas pour apaiser les esprits si jamais Mulunda nhonore pas le calendrier constitutionnel. Ce Mulunda a promis daccomplir lenrôlement en trois dans sept provinces, soit début avril jusque début juillet. Ensuite il sattaquera à la ville de Kinshasa. «Quand vous prenez les provinces de Maniema et Bas-Congo, elles ont un poids démographique faible par rapport aux autres provinces de la République. La CEI a mis 90 jours pour les opérations dites de révision du fichier électoral dans ces deux provinces. Elle a même procédé à une prolongation de 15 joursx2. Et nous apprenons que ces opérations vont être lancées sur le reste des provinces sauf à Kinshasa le 2 avril. Ces opérations qui débuteront le 2 avril vont se terminer le 1er juillet.
Encore trois mois comme dans le Maniema et dans le Bas-Congo. II est inimagible de mettre trois mois dans sept provinces là où il a fallu plus de trois mois pour enrôler les populations du Bas-Congo et du Maniema. Surtout que les problèmes logistiques restent les mêmes avec un outil informatique obsolète», nuance Bon- 50. Et de trancher « En tant que techniciens nous estimons que les élections peuvent être organisées entre mars et mai de lannée prochaine. Que les uns et les autres aient le courage de le dire». Quand cest dit de la part dun homme qui traîne une expérience de plus dune quinzaine dannées à couvrir et comparer les processus électoraux à travers le monde, cest à prendre au sérieux.
Quelle lecture faites-vous des élections générales de 2006?
Les élections passées nétaient pas classiques. Elles ont été convoquées sur base dun accord politique issu de lAccord global et inclusif de Sun-City. A la fin du régime de Mobutu, le pays a connu une crise de légitimité. Il fallait résoudre celle- ci. Nous avions convoqué la Conférence nationale souveraine, CNS. Entre autres résolutions de la CNS, lorganisation des élections. Tout devrait partir de là. Voilà quà la surprise générale, lAFDL fera son apparition. Et remettra en cause tous les textes juridiques existant. En ce moment-là, les élections sont renvoyées aux calendes grecques. A léclatement de IAFDL, le pays a connu un conflit. Qui transforma la République démocratique du Congo en plusieurs petites républiques.
Cest ainsi que pour conserver lunité du pays, les belligérants se sont convenus pour un dialogue intercongolais?
A Sun-City, nous avons signé lAccord global et inclusif Dans lequel nous avons indiqué que les élections sont la seule voie pour accéder au pouvoir. Et pour y parvenir, nous avons mis en place la Commission électorale indépendante, CEI. A laquelle nous avions confié lorganisation des élections. Ces élections devraient répondre aux principes universels.
Est-ce que ces principes ont été retrouvés dans les élections de 2006?
On a retrouvé les principes de confiance, de crédibilité interne et de conformité aux réalités congolaises. Ces élections navaient comme objectif primordial que de résoudre la crise de légitimité. Elles ont joué aussi la fonction dévaluer le système électoral et déduquer la population, Donc, avant daller aux prochaines élections, nous devons dabord évaluer et corriger les failles décelées en 2006.
Quelles sont ces failles?
Ce sont des défis. Nous avons constaté quil y avait en 2006 un problème de système électoral. Il y a eu onze élections dont cinq au suffrage universel direct et six au suffrage indirect. Cependant, nous avons remarqué que les élections au suffrage indirect qui ont concerné les gouverneurs des provinces et les sénateurs avaient créé beaucoup de problèmes.
Pour la simple raison quon a fait des députés provinciaux les grands électeurs. Cest auprès deux que les candidats gouverneurs et sénateurs recouraient pour obtenir le suffrage. Nous avons déploré la corruption à ce niveau des élections Nous avons vu des corrupteurs sen prendre aux corrompus qui navaient honoré pas le contrat.
Donc, vous désespérez si le même système est maintenu?
Je suis désolé. On nest devant un fait accompli. On aurait souhaité quen ce qui concerne lélection des gouverneurs, vice-gouverneurs et sénateurs que lon ne recourt pas aux grands électeurs. Chez nous, nous navons pas encore atteint cette culture électorale dans le chef de lacteur politique et même au niveau de la population congolaise. Ici, il nous reste plus quà avertir contre la corruption.
Que dites-vous de la structure organisationnelle des élections?
Ça cest un autre problème. Il y a la structure organisationnelle des élections qui e été mise en place par la CEI. En ce qui concerne les ressources humaines, on avait formé en son temps 250.000 agents électoraux. Ces derniers ont été formés dans la précipitation. Quand est venu le moment de les confronter à la réalité sur le terrain, ils ont montré des limites, notamment dans le maniement de loutil informatique.
En 2006, les élections parlementaires ont été organisées sur base de la proportionnelle. Vous, vous népousez pas la proportionnelle. Vous partagez peut-être la position de ceux qui pensent quil faut passer au système majoritaire avec apparentement?
Je souscris à la proportionnelle, mais on devrait y introduire des facteurs correctifs du moins en ce qui concerne lélectorat féminin.
Créer un quota pour les femmes par exemple?
Non. On doit recourir aux aspects techniques. Par exemple tenir compte des candidates femmes. Accorder à celles-ci plus de chance aux élections pour une représentation moyenne. Il fallait beaucoup sinvestir afin que la CET à son temps soit crédible. Cest le même travail que nous allons faire avec la CENT. Etablir des concertations entre les acteurs politiques, la société civile et les dirigeants de la CENI.
Que pensez-vous du calendrier électoral de la défunte CEI?
Cest un calendrier qui dépasse le délai. Nous attendons que la CENI apporte un rectificatif à cet effet. Nous nous retrouvons devant les défis que nous avons épinglés dans les élections précédentes. Premier problème, cest linsuffisance de léducation civique. Nous avons limpression que léducation civique na pas atteint toutes les couches de la population.
Mais, cest votre travail. Vous navez pas assez vulgarisé ?
La société civile sest énormément investie dans léducation civique électorale des citoyens. Mais, elle navait pas assez de moyens. Les élections passées étaient financées à plus de 80% par la communauté internationale. Les fonds réservés à léducation civique étaient insuffisants. Donc, nous navons pas pu vulgariser sur lensemble du territoire national. Conséquence : beaucoup de nos compatriotes nont pas intériorisé le processus des élections. Aux élections de 2006, nous avons également constaté que nos acteurs politiques et les agents électoraux manipulaient et violaient les règles de procédure pendant le scrutin. Aujourdhui, nous devons relever ce défi à travers la CENI bien quelle soit politisée.
Vous pensez que la CENI est vraiment politisée?
Nous avons déploré la politisation de la CENI. Nous voulons que cette structure soit dépolitisée. Quand on sait quun membre de la CENI revêt trois dimensions à savoir technique (50%), politique (3O%) et personnel (20%). Quand un membre de la CENT réuni tous ces critères, on peut sassurer de son indépendance. Parce quil saura faire la part des choses. Sagissant alors du fichier électoral, Quand bien même ce dernier est consacré par la loi, mais il ne sagit pas de le réviser Quest-ce quon révise? Nest-ce pas que lon révise les données. Mais, la CET a brouillé toutes les données!
Vous dites quil nexiste plus, rien. Tout a été emporté?
Toutes les données de 2006 ont été perdues ou détruites. Imaginez-vous quau Congo nous organisons les deuxièmes élections sans faire le recensement.
Faute des moyens?
Le dernier recensement remonte en 1984. Nous ne savons pas à combien sommes-nous. En matière des élections, le nombre de la population est un élément technique très important. Celui-ci permet le découpage des circonscriptions électorales. En 2006, comment on a procédé au découpage des circonscriptions sans la maîtrise des données démographies ? Cest parce que la politique a voulu cela. Ça ne se serait jamais tait sous dautres cieux. Si nos politiques avaient la volonté de bien faire, ils pouvaient y parvenir même avec les moyens de bord. Nous devons auditer le fichier électoral pour écarter des personnes fictives; intégrer les personnes omises sur les listes.
Que dites vous de la mauvaise gestion du contentieux électoral?
A ce sujet les Congolais disent quil y a trois types des élus, notamment les élus de la CEI, de la Cour suprême de justice et de la population. Lors du contentieux électoral, nos juges ont confondu Je droit privé au droit électoral. Cest pourquoi, certains députés qui au départ navaient pas été élu, se sont vus repêcher par la Cour suprême de justice. Tout simplement parce que les juges navaient pas été formés.
Cette fois-ci non plus?
Nous le souhaitons. Déjà, nous entendons parler des initiatives dans ce sens. Nous pensons que la CENT et le gouvernement sinvestiront à cet effet pour apaiser le processus électoral.
En ce qui concerne le fichier, vous avez dit quon ne peut pas parler de la révision, mais plutôt de lidentification et de lenrôlement. Combien de temps accordez-vous à la CENI pour boucler cette opération ?
Quand vous prenez les provinces de Maniema et Bas-. Congo, elles ont un poids démographique faible par rapport aux autres provinces de la République. La CET a mis 90 jours pour les ‘opérations dites de révision du fichier électoral dans ces deux provinces. Elle a même procédé à une prolongation de 15 joursx2. Et nous apprenons que ces opérations vont être lancées sur le reste des provinces sauf à Kinshasa le 2 avril. Ces opérations qui débuteront le 2avril vont se terminer le 1er juillet. Encore trois mois comme dans le Maniema et dans le Bas-Congo. Il est inimagible de mettre trois mois dans sept provinces là où il a fallu plus de trois mois pour-enrôler les populations du Bas-Congo et du Maniema. Surtout que les problèmes logistiques restent les mêmes avec un outil informatique obsolète.
Mais, cest la même technologie qui a servi en 2006?
Cest une technologie dépassée. Elle est de troisième main. Si cest cette technologie qui va être utilisée, nous mettrons plus de trois mois. Il y aura des contestations en cascade. Le président de la CENT lui-même avait parlé de la vétusté du matériel.
Dans lhypothèse où lon équipe la CENT des nouveaux kits, vous ne pensez pas quon puisse terminer les opérations en trois mois?
Le problème ne se pose pas au niveau des kits. Ici, cest de savoir la CENT utilise quelle technologie. Aujourdhui cest la nouvelle technologie en matière électorale que nous voulons.
Elle fonctionne comment cette technologie?
Cest une technologie qui recourt à lappui satellitaire. Le président la CENI a par- lé de la bande passante de transmission des données de près de 180 bureaux de liaison vers le centre national de traitement de la CENI et linstallation dun réseau privé sécurisé des données électorales VSAT. Voilà la nouvelle technologie.
Ne voyez-vous pas quà ce stade cette technologie risque de nous coûter très cher?
Il faut lancer un appel doffres. Il faut chercher les moyens.
Vous avez parlé aussi du nettoyage du fichier électoral. Combien de temps prendra cette opération une fois terminée lopération didentification?
Ça prendra peut-être trois mois. En tout cas, pas moins de deux mois. Faisons avec lhypothèse la plus optimiste. Admettons que la CENT boucle lenrôlement dans les sept le Ter juillet. Il lui restera la ville. Il lui faudra prendra peut-être un mois pour enrôler les Kinois. Encore que la fois dernière, la CET avait mis plus de deux mois pour lenrôlement dans la capitale. Reste à un mois pour nous en août 2011. Le temps du nettoyage, nous serons en octobre 2011. Or le délai constitutionnel, cest le 6 septembre. Si nous refaisons les mêmes calculs en tenant compte des réalités du terrain, nous nous retrouvons en 2012. Malu-Malu navait donc pas tort de parler de novembre 2011.
Donc, lancien calendrier de labbé Apollinaire Malu-Malu est réaliste?
Ce calendrier a été établi sur base des données techniques. Je ne défends pas la CET, elle a élaboré ce calendrier avec lappui des autres partenaires extérieurs, MDNUSCO, PNUD…
Cest-à-dire ce que Ngoy Mulunda est entrain de faire aujourdhui, risque dêtre rattrapé dans le temps?
Ça relèverait du miracle de publier un calendrier contraire à celui de la CEI. Je pense que lheure de miracle nexiste plus en cette matière. Qui acceptera daller aux élections quand les opérations du fichier, électoral nont pas pris fin. Au Bénin, on na pas voulu amener le peuple aux élections tout simplement parce que le processus denrôlement nétait pas terminé. Le président Boni Yayi avait au départ refusé, finalement le Parlement avait voté une loi pour prolonger le processus denrôlement des électeurs. Je crois aux élections dans le délai, si la CENT recourt à la technologie de pointe. Par rapport au temps, nous sommes trop en retard. Nous sommes dans limpossibilité de récupérer ce temps perdu.
Surtout que la loi électorale traîne encore?
On ne peut pas aller aux élections sans la loi électorale. Ce nest que le weekend que le gouvernement a adopté e projet de la loi électorale. Si on simagine le temps des débats à lAssemblée et au Sénat, cest peut-être en juin que nous aurons cette loi. Et que dire de la loi sur la délimitation des provinces. Pourtant ces lois sont indispensables afin de procéder au découpe des circonscriptions, ce sont les lois utiles à lorganisation des élections.
Le gouvernement a dit quil va mettre les moyens?
Tout le monde est unanime. Même les partenaires extérieurs. Mais, ce nest quau niveau des intensions. Le président de la CENI a crié quil a besoin des moyens. Mais, quand nous lui avons posé la question de savoir combien il avait dans ses caisses immédiatement, il nous a dit rien du tout. A ce que je sache le gouvernement a promis 60% et les partenaires 30%.
Si vous étiez conseiller de Kabila vous lui demanderez dannoncer à la population congolaise, il ny aura pas des élections dans le délai constitutionnel?
On ne peut pas demander au président de la République de faire une telle déclaration tant quil na pas toutes les données techniques. Ce nest pas à Kabila dannoncer cela.
Quant à vous-même, vous vous êtes fait lintime conviction quil ny aura pas élections dans le délai constitutionnel?
Au regard des éléments techniques, de manque des moyens, des textes législatifs liés à lorganisation des élections, de la technologie déjà dépassée et du calendrier quon va nous présenter, on saura pas organiser les élections le 6 septembre.
Peut-être en novembre?
Nous serons en ce moment en déphasage avec la Constitution. En tant que techniciens nous estimons que les élections peuvent être organisées entre mars et mai de lannée prochaine. Que les uns et les autres aient le courage de le dire. Nous proposons aux uns et autres de trouver un consensus électoral.
Matthieu Kepa