L’opposition congolaise, les élections et les questions d’actualité (JP Mbelu)

 


 

Quelques partis
politiques congolais (dits) de l’opposition ont choisi d’aller aux élections au
cours de cette année 2011. Pour eux, les élections au suffrage universel
constituent la voie légale et légitime pour assurer une alternative crédible au
système mis en place au Congo depuis plus de trois décennies.
 Lequel de ce système l’aurait été perverti davantage par « les
libérateurs de 1996 » et leurs alliés.

Sans nier les
efforts que ces partis politiques déploient pour sortir le pays du bourbier,
certains de leurs discours inquiètent ; ils donnent à penser. Au
lieu de l’alternative, ils donnent l’impression de travailler à l’alternance au
sein d’un système dont « les maîtres » et « les faiseurs des rois » seraient
toujours les mêmes. Prenons un exemple. Comment expliquer le fait qu’un « parti
politique congolais  de l’opposition », organisant sa tournée en Europe, recoure
aux textes (« discours des bonnes intentions ») d’un président d’un pays qui,
depuis 1996 jusqu’à ce jour, mène une guerre de basse intensité contre
Congo de Lumumba ? Ce parti a fait comme s’il n’a pas encore saisi comment
fonctionne le système auquel il voudrait assurer l’alternative. (Il est fondé
sur une rhétorique mensongère, sur des  doctrines des
bonnes intentions que les guerres entretenues à travers le monde
trahissent !)

De ce point de
vue, il ne semble pas que nos partis politiques dits de l’opposition soient très
avancés. Dans l’imaginaire de la plupart d’entre eux, c’est le Nord qui donne le
pouvoir au Sud. Or, le système auquel ils veulent assurer l’alternative est
entretenu par le Nord et ses quelques marionnettes du Sud ! La
crise économique provoqué par le Nord et qui est fondamentalement une crise
systémique est en train de conforter les néolibéraux et les néocolons
dans leur entreprise de fabrication des marionnettes au Sud ; quitte à
opposer « les nègres de service » d’hier à ceux d’aujourd’hui et de demain !

A ce niveau de
notre lecture d’un certain discours de « l’opposition congolaise », nous ne
voyons pas poindre à l’horizon, l’espoir d’un projet de refondation d’un
véritable Etat souverain chez nous. Quand a-t-elle par exemple
pris position dans les tragédies que l’Afrique est en train de connaître ? Dans
la guerre en Libye ? En Côte d’Ivoire ? C’est comme si cette opposition en tant
que corps n’arrivait pas à se situer face aux grandes questions de l’heure
engageant l’avenir de l’Afrique et du monde !

Au pays, aller
aux élections semble constituer un objectif en soi. Tout en louant
le courage que « cette opposition » a ramassé pour s’exprimer sur le probable
calendrier de la CENI , l’insécurité généralisée, la confiscation de l’espace
public par « la majorité au pouvoir », elle a de la peine à s’attaquer
efficacement aux véritables questions d’actualité : l’afflux massif des
retournés du Rwanda à l’est, les confidences de Manda Sharif (interpellé par la
CPI ), la privatisation des entreprises publiques, le récent voyage de Daniel
Ngoy Mulunda au Togo, la carte d’identité congolaise, l’enrôlement de la
diaspora, le contrôle des kits électoraux, etc.

Et si nous
ajoutons à ces questions d’actualité le fait que « l’opposition congolaise » n’a
pas pu obtenir que les élections locales se tiennent dans les délais
constitutionnels, que ces élections soient précédées du recensement des Congolais(es), nous n’arrivons pas à comprendre son obsession pour
elles. C’est comme si pour « l’opposition congolaise », les élections produiront
des fruits escomptés pour l’alternative quelles que soient les conditions dans
lesquelles elles pourront être organisées. Là, nous tombons purement et
simplement dans une fétichisation inutile de ces
scrutins !

La négligence
affichée par « l’opposition congolaise » face aux questions d’actualité d’hier
et d’aujourd’hui est un signe à interpréter : ou elle a peur, ou elle est
tétanisée par la pesanteur du système qu’elle critique ou elle a encore du
travail à faire sur elle-même ; des engagements à prendre avec toutes les autres
forces de changement congolaises pour une fabrication concertée de
l’alternative. Dans ce cas, elle doit défaire le piège de du repli sur elle-même
et de « la bipolarisation » pour un travail en synergie avec toutes les forces
progressistes congolaises et africaines prônant la rupture avec le
marionnettisme
. Le plus grand défi qu’elle a à relever est celui de
l’échange permanent avec nos populations (à la base) afin qu’elles aussi
comprennent et sentent la nécessité de l’alternative. Là, le véritable go sera
donné.

 

J.-P.
Mbelu

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