06.05.11 Le Potentiel – Cinq questions à Me Kisimba Ngoy Maj

1. On parle beaucoup de la spoliation des terrains de l’Etat à Kinshasa et en provinces, et vous venez d’être interpellé par l’Assemblée nationale à ce sujet. Quelle est votre réaction ?

Tout d’abord, je remercie le président de l’Assemblée nationale et l’ensemble des députés pour m’avoir donné l’opportunité d’apporter l’éclairage à notre peuple sur la question de spoliation des terrains de l’Etat dans l’ensemble du pays. Il vous souviendra qu’à plusieurs reprises, le ministère des Affaires foncières a eu le privilège de conférer avec les délégations des élus du peuple de toutes les provinces en vue de s’approprier des résultats de leurs vacances parlementaires sans attendre forcément les recommandations des plénières de notre auguste institution. J’ai saisi donc l’occasion qui m’a été offerte mercredi pour rappeler à l’attention des honorables députés qu’aux termes de l’article 181 de la loi foncière, mon ministère est chargé de la politique d’affectation et de distribution des terres de l’Etat congolais. Mais il ne s’agit pas de toutes les terres. Seules sont visées suivants les prescrits de l’article 56 de la loi foncière, les terres relevant du domaine foncier privé de l’Etat qui peuvent faire l’objet d’une concession. Les autres terres telles que les jardins publics, squares, plaines des sports et des jeux, parcs et espaces libres divers, zones vertes, réserves boisées, etc, font partie du domaine foncier public de l’Etat. A ce titre, ces terrains sont incessibles et inaliénables.

2. Quelles sont les actions que vous avez menées afin de sécuriser les terrains de l’Etat en proie à la spoliation dans le pays ?

La question de la spoliation des terrains de l’Etat reste toujours ma préoccupation quotidienne. Mon ministère n’attend pas subir les effets de la spoliation mais bien plus, il entend prendre des dispositions pratiques de nature à sécuriser les patrimoines fonciers et immobiliers de l’Etat par l’établissement des titres légaux. Je vous précise qu’à mon accession à ce ministère, j’avais constaté que contrairement à la procédure légale d’acquisition des terrains, la spoliation était devenue un moyen par excellence que beaucoup de Congolais véreux utilisaient pour s’approprier les biens immeubles de l’Etat. Afin d’éradiquer ce fléau qui avait atteint des proportions inquiétantes , j’avais trouvé plus sage de sécuriser avec des titres, les terrains et les immeubles de l’Etat avant d’entrevoir avec le concours d’autres ministères concernés, la récupération de tous les biens immobiliers spoliés de l’Etat. C’est ainsi que les terrains et immeubles ci-après ont été sécurisés avec le certificat d’enregistrement, à savoir le stade des martyrs ; les cliniques Ngaliema ; le secrétariat général aux Mines ; le camp militaire Kokolo ; le camp militaire Kibomango ; le bâtiment abritant le gouvernorat de la province de l’Equateur et celui de l’Assemblée provinciale de la même province ; le bâtiment abritant le gouvernorat du Bas-Congo ; le terrain devant abriter le ministère de l’Environnement ; le stade de Bukavu ; l’inspectorat de la Police nationale de Matadi. Dans le même contexte, nous avons mis sur pied avec certains de mes collègues, des commissions interministérielles Affaires foncières-Urbanisme et habitat ; Affaires foncières-Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction et Hôtel de ville ; Affaires foncières-Environnement.

3. Quelles sont les personnes qui se livrent, selon vous, à cette pratique de spoliation des terrains de l’Etat ?

Au cours de la conférence organisée au mois de mai 2010 avec la participation de tous les ministères et des délégations de nos forces vives de la nation, il a été constaté qu’il est de notoriété publique que les personnes qui se livrent à ce genre de pratique se recrutent parfois parmi les cadres de la territoriale, de l’Armée et de la Police nationale, de la magistrature, les chefs coutumiers sans oublier nos propres agents et cadres contre lesquels des sanctions sévères ont été prises. Il y a lieu de noter que ces inciviques, spécialistes dans la spoliation des biens de l’Etat, ont comme mode opératoire : l’établissement de fausses lettres d’attribution, de faux actes de vente, le tout couvert par des jugements achetés à coup d’argent. Mon ministère est engagé d’une part dans un processus d’informatisation devant partir de Kinshasa vers les provinces en vue de l’établissement en définitive des cartes des propriétaires et d’autre part, à initier les termes de références pour la réforme de la loi foncière déjà en chantier. Il envisage aussi de créer de nouveaux titres infalsifiables pour couvrir et sécuriser les terrains et immeubles de l’Etat.

4. Le Palais du peuple, le Palais de la nation et autres édifices de l’Etat reconnus comme tel, ont-ils encore besoin d’une sécurisation par des titres fonciers ?

Oui, des instructions ont été données à mes services pour délivrer des titres légaux en vue de sécuriser les immeubles de l’Etat. Rien n’empêche l’établissement des certificats d’enregistrement pour sécuriser les différents Palais et autres bâtiments publics. J’en appelle à tous les responsables de me contacter pour venir remplir les formalités administratives requises à cette fin.

5. Peut-on donc considérer que la «tolérance zéro» s’applique aussi en matière de spoliation des terrains et immeubles de l’Etat ?

Bien sûr, mais cette lutte ne devrait pas être l’affaire du seul ministère des Affaires foncières, parce que c’est une affaire de tout le monde. Je réitère ainsi mon appel à une collaboration sincère pour que le peuple et ses élus, tous ensemble, nous puissions travailler main dans la main pour mettre fin à ce fléau qui, si on n’y prend garde, risque de priver l’Etat de ses moyens d’action.

PROPOS RECUEILLIS PAR STEPHANE ETINGA (*) Ministre des Affaires foncières

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