25.05.11 Le potentiel – Cinq questions à Florentin Mokonda Bonza

1. Après de houleux débats à l’Assemblée nationale, la loi électorale révisée attend d’être envoyée au Sénat. Avez-vous une première conclusion à en tirer ?

La manœuvre du gouvernement Muzito a été démasquée par la représentation nationale qui s’est, du reste, dignement comportée. Elle a levé des options et confié des tâches précises à la Commission. Le débat a repris le samedi 21 et se poursuit à ce jour. Pour ma part, je demeure convaincu que la raison finira par l’emporter d’autant plus que la loi électorale ne laisse pas indifférents ceux qui ont voté dans la précipitation la révision constitutionnelle, soit parce qu’ils ont subi des menaces, soit parce que préoccupés par des objectifs matériels immédiats. Le chemin reste long, car plusieurs étapes, et non des moindres, restent à franchir, notamment celle de la Chambre haute.

2. Vous attendez-vous à voir le pays organiser des élections libres, transparentes et apaisées dans le délai ? La CDC est-elle optimiste ?

Malheureusement, le gouvernement, quatre ans durant, n’a pas été à la hauteur de sa tâche. Depuis 2007, en effet, nous ne cessons de dénoncer l’insécurité dans le pays, la carence de l’autorité de l’Etat, l’absence du recensement et de la carte d’identité, la tendance à la tricherie du pouvoir en place, le délabrement des voies de communication, le fait que la CEI s’est attribué le mandat de la CENI, le retour des réfugiés imaginaires, la politisation de la territoriale et la propension à contraindre fonctionnaires de l’Etat et chefs coutumiers à adhérer au PPRD, comment alors organiser des élections vraiment démocratiques, transparentes et apaisées ? La CDC ne rêve pas. La révision constitutionnelle précitée, le déséquilibre dans la composition de la CENI, la désignation à la tête de celle-ci d’un conseiller personnel du chef de l’Etat, membre de son ethnie et cofondateur du PPRD, sont des indications claires pour demeurer vigilant et surtout méfiant. Les finances, c’est le nerf de la guerre. Et le gouvernement ne donne pas l’impression d’avoir bouclé le financement.

3. Quel bilan établissez-vous du processus électoral à ce niveau de parcours ?

D’abord, depuis le démarrage de l’opération, deux provinces seulement, le Bas-Congo et le Maniema, ont clôturé l’enrôlement. La Loi organique du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la CENI, dans son article 9 littera 1, exige la publication des listes. Nous attendons du Bureau de la CENI la publication sans délai du fichier électoral. Nous savons que l’opération ne s’est pas déroulée sans heurts : kits en panne, réclamations des salaires des agents CENI commis à l’enrôlement, enrôlement des jeunes de moins de seize ans, etc.

Dans d’autres provinces, on déplore l’insécurité, les pannes répétitives des kits, la révision à la baisse du nombre de bureaux, l’insuffisance de matériel dans certaines provinces contre une forte concentration dans d’autres, les grèves du personnel, le statu quo organisationnel au niveau des provinces et des antennes. Dans la capitale, les Kinois n’en disent pas moins : lenteur ; insuffisance de matériel, tentative de monnayage, etc. Tout est organisé à l’avantage du pouvoir. Mais, nous n’avons pas peur, car nous avons un allié de taille, la population congolaise.

4. L’insécurité dans la partie orientale de la RDC a encore de beaux jours devant elle. Peut-on s’attendre au rétablissement de la paix à quelques mois des élections ?

Le gouvernement a été incapable d’instaurer la paix du 6 décembre 2006 à ce jour. Je n’ai pas le sentiment qu’il ait la volonté réelle de rechercher la paix. En dépit de l’existence des forces de sécurité, le gouvernement n’a pas démontré sa détermination à vaincre les groupes armés ou à négocier avec eux pour le rétablissement d’une paix durable.

D’ailleurs, la présence de ces groupes constitue un véritable fonds de commerce exploité par quelques personnes physiques ou morales congolaises et étrangères pour saigner la République à leur profit. Il suffit de voir le flux de commerce frauduleux ou semi-officiel entre la RDC et les pays voisins de l’Est pour s’en convaincre. Il est évident que le rétablissement de la paix avant les élections n’est qu’un leurre. Tenez, pas plus tard que la semaine dernière, les LRA dont le gouvernement claironne à tout moment qu’il ne reste que des groupes résiduels insignifiants, ont tué, capturé des fils et filles du pays et emporté des kits destinés à l’enrôlement dans le territoire d’Ango (Bassin de l’Uélé), d’où la décision de la CENI d’y suspendre l’opération d’enrôlement. Dans le territoire de Dungu (Bassin de l’Uélé), les hommes de Joseph Kony, l’Ougandais, sévissent encore sous la barbe de l’UPDF et des ex-CNDP intégrés précipitamment dans les FARDC.

5. Une étude publiée par la revue « The American Journal of Public » a révélé une forte augmentation des viols en RDC : 1.152 femmes par jour. Votre lecture du phénomène ?

D’une part, ce phénomène n’existe que depuis que l’AFDL de triste mémoire et ses parrains ont imposé à notre pays une pseudo-guerre de libération le transformant en un théâtre d’affrontements permanents entre les ethnies rivales de nos voisins de l’Est. D’autre part, la présence récurrente des groupes armés nationaux et étrangers sur le territoire congolais avec la bénédiction du pouvoir en place n’a fait qu’exacerber l’épiphénomène faisant ainsi du Congo, notre patrie, un champion toutes catégories des violences sexuelles. Quel triste sort !

Par Marcel lutete

Sénateur/Président de la CDC

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