31.05.11 Le Potentiel – Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko
1. Quel est votre sentiment face à laffaire Dominique Strauss-Kahn ?
La présomption dinnocence dont bénéficie Dominique Strauss-Kahn ne doit en aucun cas faire oublier la terrible souffrance de la présumée victime. Si les accusations contre DSK savéraient vérifiables, il serait logique quil encoure la peine relative à lacte commis. Au-delà de toute considération dordre à la fois juridique et moral, il est tout à fait dommage quun homme, dont la notoriété a fait naître une lueur despoir auprès des milliers délecteurs aussi bien de gauche que de centre gauche, puisse tout gâcher à cause dun acte bassement instinctif. Indépendamment du verdict que rendra la justice américaine, il est évident que Strauss-Kahn aura beaucoup de mal à revenir sur la scène politique française. Dommage !
2. DSK est disqualifié des primaires socialistes. Qui a les meilleures chances désormais de lemporter ?
Le Parti Socialiste ne manque pas de gens talentueux en mesure de sadonner au rôle quaurait pu jouer à merveille DSK. Les camarades Martine Aubry, Laurent Fabius, François Hollande, Ségolène Royal, Bertrand Delanoë, Arnaud Montebourg… sont de ceux-là. Mais il me semble que, à la suite de la mésaventure de DSK, François Hollande reste la personne idéale qui puisse permettre au PS, plus de trente ans après lavènement de François Mitterrand, de gagner de nouveau une élection présidentielle après lhumiliation de Lionel Jospin en 2002 et léchec de Ségolène Royal en 2077.
3. Craignez-vous des primaires de confrontation ?
Il faut savoir que les socialistes sont habitués à des conventions dont les joutes, qui sont parfois violentes, permettent de dégager des majorités ne serait-ce quentre les différents courants internes. Dailleurs, ce nest pas la première fois que le Parti Socialiste aura recours aux primaires pour désigner son candidat, ou sa candidate, à un scrutin présidentiel. En 2006, Ségolène Royal a été adoubée à lissue dun affrontement avec Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn. Mais, cette fois-ci, il vaudra mieux ne pas affaiblir celui, ou celle, que les militants socialistes et les électeurs de gauche choisiront.
4. Martine Aubry et François Hollande doivent-ils être candidats lun contre lautre ?
Les règles du jeu ayant déjà été fixées, il ne faudrait surtout pas les changer à quelques jours des échéances au prétexte que lun des prétendants, de surcroît favori des sondages, sest disqualifié. Il nest donc pas question de mettre les primaires entre parenthèses, comme certains ténors socialistes lont récemment suggéré. Si Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal se sont livrés à cet exercice il y a cinq ans, Martine Aubry et François Hollande pourraient très bien sy prêter sans que cela ne puisse hypothéquer les chances dune victoire prochaine. Bien au contraire, cela confirmera pour la énième fois la démocratie ayant toujours prévalu au sein du Parti Socialiste. La difficulté ne résidera pas dans la confrontation entre ces deux prétendants, dans la mesure où ils sont de dignes héritiers de Jean Jaurès, Léon Blum et François Mitterrand. Personne nignore quils incarnent les idées de la social-démocratie. Cest plutôt dans le choix entre les deux potentiels concurrents à la candidature socialiste que lon aura du mal à se prononcer. Bien entendu, entre Martine Aubry et François Hollande, comme la souligné à juste titre Arnaud Montebourg, cest en quelque sorte « bonnet blanc et blanc bonnet ».
5. Le « tout sauf Hollande » semble prendre forme en vue des primaires. Quel est votre sentiment ?
Cela conforte les pronostics selon lesquels François Hollande est capable demporter haut la main ces primaires, sinon personne naurait accordé la moindre attention à ses ambitions, et de battre Nicolas Sarkozy à la prochaine élection présidentielle de la même façon que François Mitterrand avait descendu de son piédestal Valéry Giscard dEstaing en 1981. Rappelons que Hollande a su se maintenir pendant dix ans à la tête du Parti Socialiste et aurait probablement été réélu sil sétait porté candidat à sa propre succession au congrès de Reims en 2008. Excellent débatteur et habile manœuvrier, Hollande sait voler à basse altitude pour mieux surprendre ses adversaires et les assommer sans quils aient le temps de lapercevoir. Ceux qui, dans le passé, ne se sont fiés quà son attitude débonnaire ont appris à leur détriment que cet homme savait manier le cynisme de létrangleur ottoman. Largument qui consiste à critiquer Hollande de navoir exercé aucune responsabilité ministérielle par rapport à Martine Aubry nest pas du tout convaincant. Rappelons que le député de Corrèze est politiquement plus expérimenté – plusieurs fois député, élu à deux reprises à la présidence du conseil général de son département, une dizaine dannées aux commandes du Parti Socialiste… – que ne létait Barack Obama à son accession à la Maison Blanche.
PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT KONGO, CORRESPONDANT EN FRANCE
(*) Ancien cadre du Parti Socialiste français.