08.06.11 Le Potentiel – Cinq questions à Jean Claude LUBIKULU VIENGELE (*)
1. En votre qualité de PME de potabilisation de leau emballée dans des sachets plastiques, quel commentaire faites-vous de larrêté gouvernemental n°088/MINECG/BLS/2010 du 10 mai 2010 portant mesures collectives dassainissement de la ville de Kinshasa ?
Une question difficile dans la mesure où le préambule du décret visait le renforcement de lhygiène et la salubrité dans la ville de Kinshasa. Lintention est bonne et justifiée. Aujourdhui, partout dans le monde, lusage des polyoléfines comme emballage est universel compte tenu de leurs propriétés physico-chimiques exceptionnelles (légèreté, résistance, longévité…).
Lignorer, est une lacune grave… Dautant plus que leur gestion en tant que déchet solide ne pose aucun problème particulier, en dépit de sa longévité évaluée à plus dans les 450 ans, voire plus. Il ny a donc plus aucune raison de sen passer et/ou le stigmatiser fallacieusement. Ils sont, aujourdhui, incontournables quon le veuille ou pas. Cest ainsi dailleurs quà Kinshasa plus particulièrement, le charbon de bois, la farine de manioc, les biscuits, leau etc. sont emballés dans des sachets plastiques, comme partout ailleurs. Il en est de même dans nos hôpitaux, les poches de sang, des solutés massifs etc. sont en plastiques. Mais, que reproche-t-on exactement aux sachets plastiques aujourdhui, jusquà les proscrire pour emballage ? Ce raccourci qui a conduit à interdire lusage du plastique pour emballage relève de la méconnaissance tout simplement et rien dautre ! Cest dommage que lHôtel de Ville nait pas saisi les opportunités en sa disposition pour bien décortiquer ce dossier de la salubrité de cette mégapole ! Kinshasa a déjà connu une épidémie de choléra au début des années 70 et lhygiène globale de la ville expose la population à ce type de fléau. En juillet de lannée dernière, Ya Mado a eu un compagnon ; son nom CONGO-LAIT. Il est, lui, importé. En définitive, dans notre corporation, daucuns soutiennent que lexclusion de leau en sachet sur le marché de Kinshasa relève dune sordide machination pure et simple.
2. Avec cet arrêté, une opinion parle du découragement de certaines bonnes volontés notamment les opérateurs économiques œuvrant dans le secteur des PME. Quen dites-vous ?
Il y a de quoi ! Nous étions devenus comme des citoyens de seconde zone dans cette ville. Il faut noter que cette traque avait démarré bien avant la publication de larrêté qui nous concerne. Le produit local est pénalisé, par lautorité de la ville, au profit de limporté. Le Congo-lait circule impunément dans les commissariats et à lentrée de lHôtel de ville. Exception faite, peut-être, de quelques vendeurs de bières et de maniocs façonnés en chikwangues ; il est évident que les PME ne semblent pas les bienvenues dans Kinshasa. Tout était fait pour quon nous empêche de servir nos clients de lintérieur du pays, voire de la République du Congo.
3. Compte tenu de létat insalubre dans lequel se trouve la ville de Kinshasa, ne trouvez-vous pas que la décision dinterdiction deau en sachet est salutaire ?
Cest une ineptie de croire que larrêté dinterdiction est salutaire. Pour qui dabord ? Pour celui qui a interdit peut-être puisquil y trouverait son compte de nous voir disparaître? Cest justement ce genre de raccourcis qui conduisent à des conclusions à rebours et contradictoires. Après avoir stigmatisé et interdit les sachets plastiques, la population kinoise, de passage sur certains ponts,-tels que Kalamu sur Av. Bongolo, Victoire et début Bokassa ou à la 1ère Rue sur le boulevard Lumumba, près de « Dilandos » se pose des questions sur la dispense faite aux bouteilles en plastique dans larrêté. Elles aussi avaient servi demballage dun produit alimentaire, leau en loccurrence. Telles sont là des contradictions dans les motivations de cette mesure dinterdiction. La fermeture dune PME qui procure des emplois ne peut donc pas être salutaire. Surtout quailleurs, et même en Afrique, lOIT tarie déloges aux pays qui soutiennent leurs PME de potabilisation de leau vendue en sachet car elles procurent des emplois non spécialisés.
4. Si, aujourdhui, lautorité revoyait sa décision, quelles mesures dencadrement lui proposeriez-vous ?
Elle ny reviendra pas pour des raisons évidentes quelle se discréditerait automatiquement. Le calendrier ne sy prête pas non plus, car cest suicidaire pour elle. Il est difficile de laffirmer aujourdhui étant entendu que toutes les tentatives de notre corporation à jeter une passerelle déchange et de concertation avec lautorité urbaine sur la problématique des sachets plastiques naboutissent pas. Par contre, les autorités urbaines peuvent sinspirer de ce que réalisent nos proches voisins comme les Camerounais, à Yaoundé. Elles y trouveront une ville truffée de producteurs de leau en sachet, sans pour autant trouver des plastiques dans la ville.
5. Quel est votre schéma de traitement deau ? Est-il standard à tous vos collègues de la filière ?
Le schéma de potabilisation est fonction de la qualité de leau brute à traiter. Il ne suffit pas daligner et dinstaller des appareils quelconques – de filtration, dosmose inverse, de charbon actif etc.- pour garantir une bonne potabilité de leau. Les eaux sont très différentes les unes des autres. La qualité du matériel à utiliser pour ce faire joue aussi un rôle fondamental pour prétendre obtenir une bonne eau potable. En ce qui me concerne, pour plus de garantie, ma source cest leau de la Regideso. Elle est potable (exempte de tous éléments nuisibles comme les métaux lourds tels que Brome, Nickel, Zinc, Plomb, etc.) au départ de lusine ; elle se souille au cours de son acheminement à travers la ville. Aussi, jai conçu mon schéma, de potabilisation sans produits chimiques. Cest plus physique que chimique. Propos recueillis par Véron Clément Kongo Chimiste
Par Véron-Clément Kongo