17.06.11 Le Potentiel – Cinq questions à Paul Augustin Madimba

1. Comment appréhendez-vous l’ampleur du phénomène « Enfants de rue » ?

L’ampleur ne fait que s’accentuer surtout que certains de ces enfants se sont transformés en bande d’inciviques auteurs des actes de vandalisme, que nous appelons communément «Kuluna». Le phénomène insécurise tout le monde, que l’on soit autorité ou simple citoyen. Cela nécessite une attention soutenue des uns et des autres pour en rechercher des solutions durables, et ainsi préserver la paix sociale. Imaginez qu’en plein jour que quelqu’un prenne une arme blanche pour nuire à autrui. Ce phénomène, il faut le dire n’est plus une bombe à retardement comme nous le disions à l’époque. En ce temps précis, c’est une bombe qui a éclatée, et qui ne cesse de faire des victimes. Nous n’allons pas nous éterniser à décrier, ou encore à s’occuper simplement de ces victimes, qui ne feront que se compter, bien plus nous devons cerner le nœud du problème et vite passer à l’action.

2.Quels sont, d’après-vous, les facteurs à la base de ce phénomène ?

Le facteur prépondérant à la base de ce phénomène, c’est la situation sociale du pays. La misère dans laquelle le peuple croupit a plongé plusieurs familles dans l’instabilité totale. Les parents sont sans travail et ne savent plus assumer leur responsabilité parentale. Et même la fameuse solidarité africaine n’existe plus. Pour preuve, certains enfants dans la rue sont victimes de la maltraitance des proches de leurs parents et autres, à l’absence de ces derniers. Il y a un autre petit groupe de ces enfants, victime d’une puberté incontrôlée. En homme d’église, je dirais que l’église dans tout cela doit conscientiser les parents à assumer leur responsabilité jusqu’au bout. Il est regrettable que certains religieux jouent activement à la croissance du phénomène. L’étiquette sorcier qu’ils collent aux enfants, est la raison suffisante pour que ces derniers soient vomis au sein de leurs familles. Quand j’avoue qu’en partie les religieux sont responsables dans cette situation, et encore qu’il est important de dire qu’il y en a de toutes sortes. Si un religieux ne se limite pas à désensorceler, comme c’est la pratique, mais se plait à jouer à la division des familles, il y a lieu de se demander sur son travail.

3.Que préconisez-vous pour réussir la réinsertion socioprofessionnelle de ces enfants ?

La politique est simple. Ces enfants sont sortis, à cause de la misère. Il faut penser d’abord à mettre les moyens et créer des stratégies pour les attirer à retourner dans leurs domiciles. C’est aussi une question de créer des structures d’encadrement. Il n’y a pas que l’école, il y a bien des occupations des responsabilités à l’exemple de la salubrité pour le cas de la ville de Kinshasa. Cependant, la scolarisation y est pour beaucoup pour ceux qui en ont encore l’âge. Il y a ceux qui s’adapteront facilement aux métiers. Les structures d’encadrement peuvent aussi grandement contribuer à cette réinsertion. Ce travail en aval, doit être soutenu par un autre en amont, celui de la conscientisation des familles.

4. Comment appréciez-vous le rôle des pouvoirs publics dans l’encadrement de la jeunesse ?

Ce rôle n’est pas remarquable pour le moment. C’est même notre souci. Nous souhaitons que l’action de l’Etat soit renforcée. Il existe plus des structures indépendantes qui sont visibles dans l’encadrement. La question sur le rôle remarquable des pouvoirs publics s’efface par la cause majeure du phénomène que nous avons relevé plus-haut, à savoir la crise sociale. Les Affaires sociales doivent créer un cadre attirant la réinsertion et la récupération. L’ampleur décriée de ce phénomène ne pourra baisser que quand l’Etat aura beaucoup investi pour rétablir la stabilité sociale dans le pays. Néanmoins, à court terme, l’Etat doit apporter de subsides aux organismes qui s’efforcent d’encadrer efficacement ces enfants.

5.Quel est l’avenir de ces enfants ?

Ils ont droit d’espérer parce qu’ils sont crées par Dieu comme tous les autres hommes. Au quotidien, ces enfants vivent grâce à la main de Dieu. S’il faut voir les intempéries et toutes autres expositions naturelles qu’ils font face, ils résistent pourtant, alors qu’ils ont des anticorps comme nous qui vivons dans de bonnes conditions. A travers ces enfants, nous voyons la main de Dieu, et quand l’on aura perçu la chose de cette manière, nous comprendrons que ces enfants ne sont pas maudits. C’est pourquoi en agissant en leur faveur, nous aurons rempli notre devoir de charité et d’encadreur.

PROPOS RECUEILLIS PAR PITSHOU MULUMBA

(*) Curé de la Paroisse Notre- Dame de Grâce

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