20.06.11 Lissue des élections de 2011 est hypothétique en RDC
Par Norbert YAMBAYAMBA SHUKU
Introduction
Depuis la promulgation de la Constitution du 18 février 2006, la RDC a opté pour une démocratie plurielle qui fait intervenir plusieurs acteurs et qui donne la possibilité à chaque Parti politique daccéder au pouvoir par la voie des élections. La première expérience a commencé en 2006 et a généré les institutions actuelles. Lenfantement na pas été facile. Il fallait traverser des zones de turbulence pour y parvenir.
Après avoir posé ce premier pas, on croyait que le deuxième pas qui interviendrait en cette année 2011 serait le meilleur, eu égard aux leçons apprises lors de la première expérience. Mais lexpérience en cours démontre le contraire. On dirait que cette deuxième expérience risque davoir plus de problèmes que la première. On assiste à des incompréhensions, à des incertitudes, à la méfiance des acteurs politiques, qui risquent daggraver la situation déjà précaire susceptible de provoquer des résultats parfois incontrôlés et des blocages inévitables.
Les difficultés de parcours
Depuis la proclamation des résultats électoraux de 2006, la Commission Electorale Indépendante aurait pu disparaître conformément aux prescrits de la Constitution du 18 février 2006 au même titre que les autres institutions dappui à la démocratie telles que : la commission paix et réconciliation, la commission des droits de lhomme, la commission de lutte contre la corruption, la commission de régulation des médias. Mais, parce que le processus électoral notamment les élections locales nont pas été organisées, il a été demandé à la Commission Electorale Indépendante, CEI en sigle de continuer son travail jusquà solder les élections urbaines, municipales et locales qui nont pas eu lieu. Pendant cinq ans de cette législature, au lieu que la CEI sattèle à terminer le processus électoral de 2006, elle na rien fait de tel. Contre toute attente, au moment où lon attendait que la CEI organise les élections précitées, elle fera sortir à la fin de la législature, un calendrier électoral qui renvoie ces élections en 2013 sans aucun respect de lesprit et de la lettre des instruments juridiques en la matière.
Pendant ce temps, la CEI sest donnée le luxe de préparer en lieu et place de la CENI, les élections de 2011 qui lui revenaient de plein droit retardée dêtre mise en place par la majorité actuelle au pouvoir. La CEI qui était taxée de rouler pour la majorité na ménagé aucun effort pour mettre des mécanismes qui feraient reconduire sans hésitation lactuelle majorité au pouvoir. Cest pourquoi, elle sest permis de procéder à la révision du fichier électoral par deux fois, la première en 2009 et la deuxième en 2011. La révision de 2009 qui a coûté énormément des moyens financiers, a été rejetée pour être remplacée par celle de 2011 sans raisons valables en ce moment où lon parle de plus en plus de manque dargent pour organiser les élections.
Beaucoup dobservateurs disent que cétait une façon de retarder le processus pour précipiter les choses en dernière minute où personne ne peut avoir le contrôle des tenants et les aboutissants du processus. Cette opinion est renforcée par le fait que la majorité ne sest même pas préoccupée de mettre en place la CENI qui avait prérogative constitutionnelle pour faire ce travail. La CEI sest donné le luxe de réduire le nombre de centres dinscription de 9000 à environ 2000. Pourtant, en 2006 avec les 9.000 centres, le coût des élections était de 500 millions de dollars. A ce jour, avec environ 2000 centres, le coût est de 738 millions de dollars. Quel paradoxe. La mise en place de la CENI vient dintervenir en à la fin de lexercice 2010. Celle-ci a promis laugmentation des centres denrôlement à proportion de 30 %, chose non encore réalisée. Ce qui est grave et qui montre la volonté délibérée de la CENI dapporter la confusion dans le processus, est quavec 500 millions de dollars et 9000 centres denrôlement, on a juste enrôlé seulement 25 millions en 2006 et avec 738 millions de dollars, on a que 2000 centres dinscription en 2011 et selon les propos de la CENI et du Gouvernement par la bouche de son porte-parole, on a enrôlé à ce jour environ 26 millions de personnes sur les 32 millions attendues , malgré les douleurs denfantement et les problèmes identifiés sur le terrain pour lenrôlement des personnes.
On observe cependant plusieurs faits et griefs susceptibles de contredire les chiffres évoqués à la fois par la CENI et par le Gouvernement à savoir :
A ce jour les opérations denrôlement sont en cours et fonctionnent à dents de scie. En milieu rural, la moyenne de distance entre deux centres denrôlement est de 100 km. Conséquence : les vieillards, les malades, les handicaps sont exclus doffice du jeu.
Les enrôlements se monnayent presque dans bien des centres dinscription à proportion de 2000 FC à 3000 FC, léquivalent de 2 $US payés aux agents de lordre qui ne sont pas aussi bien payés durant plusieurs mois. Pour les personnes ayant perdu les pièces didentité, elles négocient avec les policiers sur place pour avoir à la hâte une attestation de perte de pièce en vue davoir accès à la carte délecteur ;
Les agents chargés denrôlement viennent au centre dinscription vers 9 heures du matin pour répartir à 11 heures parce que les Kits sont en panne. Lorsque les agents décident de travailler, les caprices de labsence de lélectricité fait défaut. On est tenu de charger les Kits soit avec les groupes électrogènes ou avec les panneaux solaires. La durée de chargement prend généralement 3 à 4 heures et pendant ce temps, les gens attendent pour se faire enrôler. Beaucoup des gens sont découragés ;
100 % des Kits déployés sur le terrain sont vétustes et sont chaque jour en panne. Les opérations dinscriptions électorales sont presque arrêtées dans la plupart des centres dans presque toutes les provinces ;
Les contrôleurs techniques qui ont mission de réparer les Kits électoraux dans les différents centres denrôlement sont tous basés dans les Chef-lieu des Provinces. Les responsables locaux ne peuvent pas toucher aux machines en cas de panne. Il faut attendre la descente de ces contrôleurs techniques attitrés pour réparer ces pannes. Ceux-ci ne descendent pas sur le terrain faute des moyens de mobilité et de paiement de leurs émoluments. Conséquence : les machines ne sont plus fonctionnelles. Aujourdhui par exemple à Bafwasende, un territoire situé à 270 km de Kisangani na enrôlé pendant 2,5 mois que 7 mille personnes sur les 132 mille attendues contre 65 mille enrôlées en 2005 pour une population évaluée à 257.000 habitants. Or, il reste moins de 15 jours pour que lopération se termine ;
En milieu rural, les sites dinscription sont placés dans des endroits où il n y a pas une forte densité de la population. Conséquence : pas denrôlement à grande échelle. Les distances étant longues, lenrôlement nétant pas contraignant par la loi, les gens ny sont pas intéressés et ne senrôlent pas.
Les cartes délecteurs sont terminées dans bien des endroits et les opérations denrôlement ne sont plus opérationnelles. Seule une portion de la population a été enrôlée. Dans certains endroits favorables au pouvoir, lorsque les cartes délecteur sont terminées, la CENI approvisionne en kits et en cartes délecteur, les centres dinscription favorables à certains leaders de la majorité actuelle. On a observé cet état de choses dans bien des endroits du pays comme par exemple à Lomela dans le Kasaï Oriental;
A lEst du pays, on assiste à lenrôlement forcé des éléments des FDLR( mouvement rebelle rwandais) dans le territoire de Shabunda dans la province du Sud-kivu et ils obtiennent des cartes délecteur et deviennent des congolais par cette opération. Les mêmes éléments FDLR font des barrières pour arrêter des personnes qui se déplacent pour aller obtenir des cartes délecteur en les rançonnant en cours de route. Les gens donc fuient cette opération sans aucune réaction des FARDC ;
Les attaques des LRA ne sont plus seulement le fait des rebelles ougandais. Certains groupes des congolais opèrent au nom des LRA ou des FDLR pour assouvir leur soif. Dans certains endroit des territoires dIturi, les candidats à lobtention des cartes délecteurs sont tués par les rebelles LRA sans atteindre les centres dinscription ;
Les gens sont découragés des élections suite à la mauvaise expérience des élections de 2006 qui pour la population nont pas donné des résultats sur la vie des populations si ce nest pour les élus qui se sont transformés et deviennent des bourgeois au détriment des populations qui les ont élues ;
Pour une population par exemple, denviron 3 millions dhabitants, le District de Haut Uèle na enrôlé jusquà la date du 10 juin 2011, que 400 mille personnes. Nous sommes très étonné de constater que la CENI parle de 26 millions denrôlés contre 31 millions denrôlés attendus sur lensemble du territoire national. Le territoire de Lomela par exemple qui compte une population de 175.000 habitants, na enrôlé que 41.000 personnes contre 120.000 attendues. Le Gouvernement dans sa déclaration parle dun enrôlement de 88 % pour ce territoire. Ceci entrevoit si lon ne fait pas attention que lon puise organiser un holdup électoral avec des kits préparés davance et des cartes parallèles à utiliser le moment venu ;
Une forte tendance dans la population à la marchandisation électorale. Une montée incommensurable de besoin de largent par la population auprès des opérateurs politiques. A Isiro par exemple, depuis laéroport jusquau centre-Ville où le cortège du Ministre de la Décentralisation est passé, la population ne faisait que demander de largent en contre partie des élections prochaines. Je crains que les élections prochaines ne soient pas le résultat dun choix judicieux et que seuls les candidats ayant de largent ne puissent gagner les élections.
La préparation des acteurs au processus électoral
Les élections est un moment important où les partis politiques entre compétition pour solliciter le suffrage de la population. Ils sont une centaine en RDC. Ces partis sont pour la plupart basés à Kinshasa. Rares sont des partis qui sont représentés dans toutes les 11 provinces, 49 Districts, 145 territoires, 20 villes, 767 Secteurs et 4827 groupements que compte la RD Congo. Ce sont pour la plupart des partis localisés dans les entités dorigine du leader notamment son territoire et à lextrême, sa province. Néanmoins, on compte des partis qui sont un peu partout en RDC, notamment lUDPS, le PPRD etc. Pour le premier, il reste dans la mémoire collective de la population pour sêtre investi pour la construction de la démocratie et dun Etat de droit. Le deuxième reste le PPRD qui est au pouvoir et qui a nommé à dessein pour son propre compte les responsables des entités administratives à travers le pays (des Commissaires de District, des Maires, des Bourgmestres, des Administrateurs de Territoire, des Chefs des Secteurs ou des Chefferies de son obédience, des Chefs des postes dencadrement, etc.). A chaque niveau, chaque responsable se bat pour travailler pour le compte du PPRD en distribuant les drapeaux, les insignes, les photos du Chef de lEtat, etc. De tous ces partis politiques, on ne voit pas lengouement, moins encore lorganisation conséquente qui permet de drainer la population autour dun idéal donné. Malgré ces astuces, la population ne trouve pas son compte et nest pas suffisamment préparée par les partis politiques pour affronter les échéances électorales. La misère va crescendo et le ventre affamé na point doreilles. La population attend les opérateurs politiques aux élections pour leur demander de largent. La loi électorale nest encore là. Les gens ignorent les règles de jeu. Les stratégies deviennent difficiles parce quelles se font en fonction des dispositions de la loi électorale qui tarde à venir. Ces difficultés de couverture géographique de la république par les partis politiques peuvent entrainer des surprises désagréables pour les différentes parties prenantes. Ceci pousse les acteurs à des hésitations pour affronter les élections parce quon ne connaît pas lissue.
Les associations de la société civile qui ont travaillé depuis des années pour léducation civique de la population nont pas des moyens pour le faire. La crise financière de 2008 a eu un impact négatif sur la survie des associations de la société civile qui se sont vues couper des subsides et ont réduit sensiblement leur intervention auprès de la population. Rares sont les associations qui disposent des moyens de travail. Ces moyens sont amplement insuffisants et ne leurs permettent pas de se déployer à travers le pays. La population est laissée à la merci des politiciens véreux, irresponsables et immoraux qui disposent aujourdhui des moyens financiers amassés de manière frauduleuse au détriment du petit peuple.
A ce jour, malgré que les partis politiques de lopposition et de la majorité appellent au respect du délai constitutionnel, jose croire quils ne croient pas fermement à leur prise de position. Car, pour ceux de lopposition, non seulement quils ne sont pas suffisamment représentés dans les différentes entités administratives, mais ne disposent pas des moyens de déploiement sur le terrain pour arroser tout le territoire national. La date du 04 août 2011 a été prévue pour le dépôt des candidatures à la présidence et à la Députation. La plupart des Partis politiques non seulement, ils nont pas des moyens pour payer la caution, mais aussi ne connaissent pas encore quels sont leurs représentants dans les différentes circonscriptions électorales. Entre temps, les acteurs de la majorité profitant des moyens dont ils disposent et conscients davoir miné le processus veulent à tout prix aller vers les élections malgré les difficultés liées au parcours. Il se crée donc deux tendances en confrontation. La première , est celle qui est daccord à ce quon puisse aller aux élections dans le délai constitutionnel à condition que lon puisse rationaliser le processus en y apportant des correctifs, cest donc la tendance de lopposition et la deuxième est celle qui voudrait daller coûte que coûte vers les élections quelles que soient les douleurs denfantement , cest la tendance de la majorité au pouvoir. On est donc parti sur un fond de contestation qui risque de renforcer la méfiance entre les acteurs politiques avec possibilité dune éventuelle augmentation des lieux criminogènes.
A 45 jours de la fin de cette date, les listes des candidatures ne sont pas encore disponibles par les compétiteurs en présence. La méfiance se consolide entre les acteurs politiques. Il faut donc aller vers la recherche dun compromis politique pour contourner cette difficulté pour éviter que les élections de 2011 ne deviennent hypothétiques.
Conclusion
Les élections de 2011 ont été prévues pour le mois de novembre 2011. Mais lorsquon analyse les problèmes qui se dressent tout au long du parcours, on peut dire que ces élections une fois intervenues dans le délai constitutionnel ne pourront pas résoudre le problème de la méfiance entre les acteurs politiques parce que le chemin est parsemé de beaucoup dépines qui amoindrissent les chances des élections rationnelles, crédibles, légitimes et responsables. Il faut donc procéder à la philosophie et à la pratique politique qui consiste à se poser des questions sur ce qui peut sauver la République au lieu de continuer sur un chemin qui risque daggraver la situation déjà précaire et qui renforcerait la crise entre les acteurs politiques à la base de la recrudescence de la violence. Ceci appelle à une concertation qui aboutirait à un compromis politique qui définirait le chemin à parcourir pour lorganisation des élections crédibles et rationnelles, voie obligée pour avoir les dirigeants qui sont susceptibles de relever le vrai défi de la lutte contre la pauvreté du peuple congolais. Ne pas le faire serait avoir des résultats qui risquent denfoncer le pays dans une situation incontrôlée sans lendemain meilleur.