27.06.11 Le Potentiel – Cinq questions à Robert Ghosn

1. Depuis avril 2009, le CICR développe un programme d’assistance nutritionnelle dans quelques prisons de la RDC. Deux ans après, quel bilan faites-vous de ce programme?

Au départ, le CICR avait constaté une situation nutritionnelle mettant en danger immédiat la vie et la santé des détenus dans six prisons de la RDC. Aujourd’hui, le taux de malnutrition a baissé dans l’ensemble de 14 prisons visitées par le CICR, plus particulièrement dans les 6 prisons où la situation nutritionnelle constituait une urgence humanitaire. Les détenus ne meurent plus de faim dans ces prisons. Le crédit de cette réussite incombe partiellement au CICR, mais aussi aux autorités pénitentiaires qui ont veillé à ce qu’une chaîne alimentaire fiable et équitable soit mise en place. L’appui du CICR ne s’est pas limité à apporter seulement de la nourriture, mais aussi à renforcer les capacités des prisons à la mise en place d’une chaîne alimentaire transparente, efficace et fiable. Le CICR a aussi travaillé avec les autorités nationales et provinciales pour que des efforts soient fournis afin d’augmenter les quantités de nourriture livrées aux prisons. Aujourd’hui, de manière générale, les autorités apportent beaucoup plus de nourriture dans les prisons. La fiabilité de la chaîne alimentaire les a encouragées dans cette voie.

2. Qu’est-ce qui justifie le choix de ces prisons qui bénéficient de cette assistance?

Organisation humanitaire neutre et indépendante, le CICR agit dans les situations de conflits et de violence. Notre présence en RDC se justifie par l’existence, malheureusement, de conflits dans certaines zones du pays. Le CICR a visité en 2010 de manière régulière 14 prisons, en vertu du mandat qui lui a été conféré. Parmi ces 14 prisons, le CICR a constaté que dans 8 d’entre elles, la situation nutritionnelle était acceptable.

3. A quelles difficultés êtes-vous confrontés dans la réalisation de ce programme?

Il fallait lutter contre deux idées fausses: d’abord, lutter contre le fatalisme qui tournait autour de la question de la nutrition dans les prisons en RDC. Je ne le répéterai jamais assez: la malnutrition en détention n’est pas une fatalité.

D’abord, comme je l’ai dit, dans certaines prisons les autorités parviennent à nourrir les détenus et s’il est vrai que dans d’autres prisons la situation nutritionnelle était dramatique, c’est loin d’être un problème insoluble, comme,’ nous avons pu le démontrer. Il a aussi fallu lutter contre une autre idée fausse, malheureusement très ancrée dans certains esprits qui consiste à penser que le problème de la malnutrition en détention est uniquement une affaire de budget. Il est de la responsabilité des autorités de nourrir les détenus, c’est indéniable. Ceci dit, résoudre le problème de la malnutrition en détention nécessite, certes un budget, mais aussi le renforcement des capacités des autorités en charge. Comme je l’ai dit, il est vain de tenter de convaincre les autorités d’augmenter les quantités de nourriture fournies aux prisons, en l’absence d’une chaîne alimentaire fiable et équitable. Le renforcement des capacités est une composante très commune des nombreux programmes de coopération en RDC, mais pour une raison que j’ignore, nous avons noté également une certaine résistance de la part de plusieurs acteurs à s’investir .dans le renforcement des capacités dans ce domaine spécifique de la nutrition en détention. C’est cela qui nécessite un renforcement des capacités.

4. Quels sont actuellement les besoins les plus importants de ces détenus?

Nous estimons qu’il y a trois priorités dans les prisons en RDC: la nutrition, l’accès aux soins et le respect des garanties judiciaires. Pour la malnutrition, comme je l’ai dit tous les acteurs doivent s’investir dans ce domaine. Il s’agit d’une urgence humanitaire qui demande des actions immédiates. Le deuxième point est aussi important, l’accès des détenus aux soins médicaux étant essentiel. Dans ce domaine, le point clef est l’intégration des dispensaires des prisons dans les zones de santé afin que les détenus bénéficient des mêmes prestations de soin que les autres citoyens. Enfin, le travail sur le respect des garanties judiciaires doit permettre de s’assurer que toutes les personnes détenues le sont en vertu de titres de détention valides.

5. En général, que visent les visites qu’effectue le CICR dans les milieux carcéraux?

Partout ailleurs, comme en RDC, les visites du CICR ont les mêmes objectifs. Il s’agit d’empêcher des disparitions et les mauvais traitements dans les milieux carcéraux. L’autre objectif est l’amélioration des conditions de détention. Le CICR joue un rôle de contrôle externe. Le CICR effectue des visites pour évaluer les conditions matérielles de détention et discute avec les autorités afin d’améliorer la situation. Nous travaillons en collaboration avec les autorités de manière bilatérale et confidentielle en vue d’améliorer le traitement des détenus. Le• mandat du CICR concerne d’abord les personnes qui sont détenues en lien avec le conflit. Le CICR en profite pour détecter et assister les détenus les plus vulnérables, même parmi les détenus de droit commun.

TIREES DE BULLETIN DE LA CICR (*) Coordinateur détention du CICR

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