Génétique: les non-Africains descendent en partie de Neandertal

" Cela confirme des découvertes récentes, selon lesquelles il y aurait
eu croisement des deux populations ", explique le Dr Labuda. Son équipe
fait remonter les contacts intimes ou les liens familiaux de ces deux
populations très loin dans l'histoire, probablement à la croisée des
chemins au Moyen-Orient.

L'homme de Neandertal, dont les ancêtres ont quitté l'Afrique il y a
entre 400 000 ans et 800 000 ans environ, a évolué sur un territoire qui
correspond aujourd'hui principalement à la France, l'Espagne,
l'Allemagne et la Russie. Il aurait vécu jusqu'à il y a environ
30 000 ans. Entre-temps, les premiers hommes modernes ont quitté
l'Afrique il y a quelques 80 000 à 50 000 ans. La question que chacun
s'est toujours posée était de savoir si l'homme de Neandertal,
physiquement plus fort, qui possédait déjà le gène du langage et qui
aurait su jouer de la flûte, était une espèce distincte ou s'il pouvait
s'être croisé avec l'homme moderne. La réponse maintenant est " oui ".
Les deux auraient vécu en étroite association.

"En outre, parce que notre laboratoire n'a jamais travaillé avec les
échantillons génomiques du Neandertal, nos résultats sont à l'abri
d'artefacts dus à la contamination de ces derniers par l'ADN humain",
ajoute le Dr Labuda.

Il y a presque dix ans, le Dr Labuda et son équipe ont identifié dans le
chromosome X de l'humain une partie d'ADN (appelée " haplotype ") qui
semblait différente des autres et sur l'origine de laquelle ils se sont
interrogés. Lorsque le génome de l'homme de Neandertal a été séquencé en
2010, ils ont vite comparé 6 000 chromosomes de toutes les régions du monde
avec l'haplotype du Néandertalien. La séquence de l'homme de Neandertal
était présente chez les peuples de tous les continents, y compris
l'Australie, mais à l'exception de l'Afrique subsaharienne.

"Il n'y a pratiquement pas de doute que la présence de cet haplotype
s'explique par l'accouplement de nos ancêtres avec l'homme de
Neandertal. C'est un résultat très intéressant, et une analyse plus
approfondie pourrait permettre d'en savoir davantage ", explique le Dr
Nick Patterson du Broad Institute de MIT et de l'Université de Harvard,
chercheur de renom dans l'étude des origines de l'humanité qui n'a pas
participé à cette étude.

" Le Dr Labuda et ses collègues ont été les premiers à identifier chez
les non-Africains une variation génétique susceptible de provenir d'une
population archaïque. À l'époque, ils l'ont identifiée sans avoir accès à
la séquence du génome de l'homme de Neandertal. Aujourd'hui, à la
lumière de la séquence du génome néandertalien, il est clair qu'ils
avaient absolument raison! ", renchérit le Dr David Reich, généticien de
la Harvard Medical School, l'un des principaux chercheurs ayant
participé au projet de déchiffrage du génome de Neandertal.

Ces échanges ont-ils contribué à l'expansion de notre espèce dans le
monde ? À cette spéculation, le Dr Labuda répond : " La variabilité est
très importante pour la survie à long terme d'une espèce. Chaque ajout
au génome peut être enrichissant ". Des rencontres mémorables, en effet.

Au sujet de l'étude

L'étude intitulée " An X-linked haplotype of
the Neandertal origin is present among all non-African populations " a
été publiée dans le numéro de  juillet 2011 de la revue Molecular Biology and Evolution.
Les auteurs sont Vania Yotova, Jean-Francois Lefebvre, Claudia Moreau,
Elias Gbeha, Kristine Hovhannesyan, Stephane Bourgeois, Sandra Bédarida,
Luisa Azevedo, Antonio Amorim, Tamara Sarkisian, Patrice Hodonou
Avogbe, Nicodeme Chabi, Mamoudou Hama Dicko, Emile Sabiba Kou' Santa
Amouzou, Ambaliou Sanni, June Roberts-Thomson, Barry Boettcher, Rodney
J. Scott et Damian Labuda.

L'étude a été subventionnée par les Instituts canadiens de recherche en santé.

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