10.09.11 Le Potentiel – Cinq questions à Albert Yuma (*)

1. Quels ont été les moteurs de l'économie congolaise en 2010

Albert Yuma : En 2010, notre économie s'est relevée des effets néfastes de la crise économique et financière de 2009, qui a occulté la remontée de la croissance entre 2001 et le premier semestre 2008. Les tendances observées reflètent une embellie généralisée tirée par plusieurs facteurs, notamment une forte demande mondiale des matières premières dont notre pays tire l'essentiel de ses recettes d'exportation. Notons que le secteur des hydrocarbures et celui de la construction ont contribué de manière significative à la croissance économique. Laquelle est aussi le résultat de la gestion améliorée des finances publiques. Ainsi, pour la première fois depuis des années, la gestion budgétaire stricte, sur base caisse, a permis au gouvernement de maintenir des excédents de trésorerie durant tout l'exercice 2010, en gardant en permanence une position du compte général du Trésor créditrice dans les livres de la Banque centrale.

2. Comment se présente l'année 2011 pour l'économie congolaise? Quels sont les secteurs susceptibles de tirer la croissance?

Nous pensons que, faute d'un tissu industriel dynamique et du faible niveau des investissements dans le secteur agricole, l'économie congolaise va continuer, en 2011, à être portée par les mêmes secteurs qu'en 2010, en particulier J'exportation des produits miniers bruts. Quant au secteur des infrastructures, il continuera, avec ses effets multiplicateurs, à soutenir la croissance économique. Rappelons qu'il est l'un des volets des cinq chantiers de la République. La croissance, cependant, est menacée par la hausse des prix des denrées alimentaires observée au dernier tri mestre de l'année écoulée. C'est un risque réel pour la population congolaise dont une part significative des revenus est allouée à l'alimentation, qui reste paradoxalement – et malheureusement – importée. Le patronat a donc fait des propositions concrètes à court, moyen et long termes à travers un mémorandum adressé au gouvernement.

3. Le franc congolais s'est modérément déprécié en 2010 par rapport au dollar. Quels bénéfices les entreprises peuvent-elles en tirer?

En 2010, le marché de change a été marqué par une bonne stabilité du franc congolais. Sa dépréciation annuelle sur les trois segments du marché – l'officiel, le libre et le parallèle – a été inférieure à 1,5 %. Le taux de change indicatif est passé de 902,7 francs congolais pour un dollar fin 2009 à 915,1 francs au 29 décembre 2010. Cette stabilité de la monnaie nationale est bénéfique non seulement pour les entreprises mais aussi pour les ménages. L'inflation a tendance à réduire la croissance réelle et modifie l'arbitrage entre le revenu et la consommation. Elle entraîne la hausse du taux d'intérêt et, de ce fait, décourage l'emprunt. La stabilité monétaire incite à l'épargne pour les ménages qui le peuvent et accroît la consommation, un des moteurs de la croissance. En effet, lorsque la demande adressée aux entreprises augmente, celles-ci y répondent par une hausse de la production. La stabilité du franc congolais observée en 2010 a permis aux opérateurs économiques d'entreprendre avec moins d'incertitudes et d'anticiper de manière positive sur le développement de leurs activités.

4. Quels sont les principaux obstacles qui empêchent aujourd'hui la croissance d'atteindre deux chiffres?

Les principaux obstacles sont, entre autres, l'absence d'un environnement des affaires suffisamment attractif et la faible capacité de financement du système financier local. Si l'on veut relancer la machine économique, on doit absolument remédier à ces obstacles majeurs.

L'amélioration du climat des affaires incombe à l'Etat. Il a apporté une première solution en faisant adhérer notre pays à l'Ohada, ce qui devrait contribuer à résoudre un des problèmes essentiels de l'économie : l'insécurité juridique et judiciaire. Mais, là encore, nous déplorons le temps que prend la transmission des instruments juridiques de ratification au Sénégal, pays dépositaire du traité de l'Ohada. Il faudra, parallèlement, trouver des solutions à la sous-bancarisation du pays. Les institutions financières nationales ont une faible capacité à octroyer des crédits en général et plus spécialement des crédits à moyen et long termes, seuls à même de soutenir l'investissement. Là encore, on observe que les choses bougent avec l'implantation de nouvelles banques, notamment celles spécialisées dans l'octroi des crédits aux PME.

Pour le patronat, l'avènement de la TVA, en remplacement de l'impôt sur le chiffre d'affaires (ICA), est considéré comme une des réponses à la lourde fiscalité pesant sur les entreprises, surtout sur les sociétés industrielles. D'autant que cet impôt introduit le mécanisme de la déductibilité et supprime le fait cumulatif de l'ICA. L'état de notre administration fiscale inquiète cependant plus d'un décideur quand on sait que le mécanisme de déductibilité peut induire des crédits d'impôts. Sur cet aspect, la récente expérience en la matière nous inspire des craintes.

5. Quelles ont été les propositions de la Fec pour améliorer le climat des affaires?

La Fec n'a cessé depuis longtemps d'interpeller le gouvernement sur la politique économique, commerciale et fiscale du pays, à travers les nombreux forums et conférences qu'elle organise mais aussi à travers des mémorandums et notes adressés aux autorités. Nous avons notamment produit en 2007 un document intitulé: Etat des lieux de l'économie congolaise problèmes et pistes des solutions. Ce document fait un diagnostic sans complaisance de notre économie secteur par secteur et province par province, et formule des propositions des mesures à prendre. Il a constitué le cadre de référence à la table ronde économique entre le gouvernement et le secteur privé organisée en 2008. Il est aujourd'hui exploité par le comité de pilotage pour l'amélioration du climat des affaires, où siège aussi la Fec. Ce comité en tire l'essentiel des mesures retenues dans les différentes feuilles de route adoptées par le gouvernement. Il faut noter que 218 mesures ont été proposées et adoptées en septembre 2008 à l'issue de la table ronde.

Tirées de Enjeux africains, n°1, Juin/Juillet 2011 (*) Président de la Fédération des entreprises du Congo

(c) Le Potentiel, 10.09.11

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