Les Elections en RDC et le débat d’idées (J.-P. Mbelu)

Au fur et à mesure que les élections
probables novembre 2011 approchent, des appels au débat d’idées
entre les candidats aux différentes élections et entre ces
candidats et les populations se font de plus en plus pressants. (Même si l’accès
de ces candidats à nos populations est un casse-tête dans un pays sans routes et
autoroutes de communisation et de télécommunication importantes ; dans un pays
où l’égalité des chances face aux médias n’est pas garantie.) Les lanceurs de
ces appels voudraient que le débat d’idées l’emporte sur celui concernant les
individus concernés au premier chef par ces probables échéances électorales.
Pour plusieurs d’entre eux, ce débat doit tourner autour des projets de société
et des programmes de gouvernement. Comme si les questions que posent nos
populations et qui ne sont pas intégrées dans ces projets et/ou programmes ne
pouvaient pas être prise en compte. (Ici, il y a lieu d’évoquer l’hypothèse de
travail de Vital Barholere sur « l’éternelle question de la nationalité
congolaise : cas de Vital Kamerhe » qui est, en quelque sorte, une lumière
historique jetée sur les mouvements des peuples à l’est de notre pays. Nous
pouvons ou ne pas partager cette hypothèse de Vital Barholere. Elle a par
ailleurs l’avantage de contribuer au débat sur la nationalité d’un acteur
opérant sur la scène politique congolaise. Ce faisant, Barholere atteste que
tous les sujets de débat ne sont pas contenus dans les projets des sociétés des
candidats. Il est souhaitable de tenir compte de ceux que
proposent nos populations. Elles recourent, de temps en temps, à la chanson. Tel
est l’exemple de Ya Tshitshi zongisa ye na Rwanda. Et qu’il ne
devrait pas y avoir des sujets politiques tabous. Lire l’article de Vital
Barholere dansDialogue-Elections n° 38 de Guy De
Boeck)

Les appels au débat d’idées sont,
souvent, fondés sur le préjugé selon lequel c’est le meilleur (ou le moins
mauvais de tous les autres) projet de société et/ou le meilleur programme de
gouvernement présenté au peuple et accepté par celui-ci qui permet à ses
porteurs de gagner les élections. Qui dit meilleur projet de société dit celui
qui répond aux attentes du peuple pour l’avènement d’un Etat respectueux de ses
droits et libertés fondamentaux ; mais aussi de ses droits sociaux, économiques
et culturels. Bref un projet respectueux de la dignité humaine, de la justice et
du droit.

 

Idéalement, ce préjugé tient la route. Mais replacé dans
le contexte d’un monde où « Les Républiques des mallettes » font la loi, il
mérite d’être revisité. Il est par exemple curieux d’entendre
aujourd’hui « certains amis experts » du Congo (RD) affirmaient,
la main sur le cœur, que « le Raïs » a été élu dans un contexte où la communauté
internationale voulait à tout prix l’avoir comme interlocuteur dans une
mondialisation marchande !

Et malgré cet aveu,  « certains de ces
mêmes amis experts de la RDC  » veulent nous convaincre que 2011 ne sera pas la
même chose que 2006. La CENI dit aussi la même chose et affirme avoir pris
toutes les précautions pour que « n’importe qui qui gagne en novembre 2011 soit
proclamé gagnant ».

 

Ces principes de bonne volonté ne signifient pas
grand-chose dans un pays contrôlé par l’ONU ; en d’autres termes, dans un pays
sans une suffisante souveraineté économique et politique. La
pression que les probables élections de novembre 2011 font
monter conduit plusieurs d’entre nous à oublier ce double handicap
et tous les problèmes structurels qui y sont liés. (Il est curieux que la
dernière tournée de la CENI en Europe ait aussi comme objectif la récolte des
fonds auprès des partenaires en pleine crise économique et où les questions
liées à « l’argent sale » mettent certaines élites politiques mal à l’aise  et
risquent de compromettre leur avenir politique ! La CENI organise cette tournée
au moment où nos sources à Kinshasa soutiennent que l’un ou l’autre membre de
cette institution serait impliqué dans le blanchiment d’argent avec
l’approbation du « Raïs » !)

 

Il y a là une politique d’autruche que « les amis
experts de la RDC  » et « les démocrates les plus zélés d’entre nous »
voudraient pratiquer pour berner les naïfs. Dans un pays soumis aux
« Républiques des mallettes », la politique demeure un lieu des rapports de
force où « les clients » gagnent. Le débat d’idées, est, dans ces rapports de
force, insuffisant.

Dans le cas précis de la République
(dite) démocratique du Congo, les discours mielleux de plus d’un
candidat à la présidentielle (par exemple) cachent mal leur allégeance
aux « maîtres des Républiques des mallettes ». Nous en sommes là.
Le débat est celui-ci : « Qui peut, avec ou sans « Joseph Kabila »
garantir leurs intérêts ? » (Attention ! Au jour d’aujourd’hui, les intérêts des
« maîtres des Républiques des mallettes » sont aux antipodes de ceux de
leurs concitoyens. Ils sont devenus les idolâtres de l’argent pour
l’argent. Ils organisent tous les sacrifices nécessaires à l’adoration de leur
dieu ! Les sacrifices humains y compris.)

Pour la présidentielle chez nous, celui qui osera opter
pour le service des intérêts des Congolais(es) devra tout faire pour apaiser
« les maîtres des Républiques des mallettes » en leur promettant qu’il
travaillera, sous l’œil vigilant de leurs marionnettes, pour qu’ils ne soient
pas mis à l’écart. Le débat est là : « Quels intérêts faut-il servir
prioritairement ? Avec l’aval de qui ? Des populations Congolais ou « des
maîtres des Républiques des mallettes ? Quels sont les mécanismes à mettre en
place pour garantir au peuple Congolais de contrôler et de se rendre compte que
ses intérêts sont servis ?  Qui peut, après Lumumba et Laurent-Désiré Kabila
(II), oser risquer sa vie en voulant servir prioritairement les intérêts
Congolais ? »

 

Le débat d’idées pour les élections probables de 2011
serait pauvre s’il ne s’inscrivait pas dans une quête permanente de souveraineté
politique et économique ; quête pour laquelle certains d’entre nous ont payé de
leur vie.

La politique-spectacle pratiquée chez nous ces
jours-ci  ne nous semble pas avoir profondément abordé ces
questions avec le désir vrai d’en débattre avec nos populations. (Elle mêle
Dieu, les pasteurs et les musiciens à tout. Les pasteurs garantissent, en bons
gourous, aux politiciens qu’ils ont été choisis par Dieu et que les dons de Dieu
sont irrévocables. Ils disent avoir des prophéties pour le Congo. Tout cela en
marge du débat concernant les intérêts de nos compatriotes et des mécanismes de
vérification du service qui leur serait rendu. Dès que la question d’évaluation
des mandats est posée, les passions se déchainent et Dieu vient à l’aide !Les
musiciens chantent à la gloire des élus de Dieu. Oui. Du potopoto. On mélange
tout !)

 

Nous Congolais(es) ne devrions pas oublier que si à
l’issue des élections probables de 2011 une guerre civile doit être déclenchée
pour que les intérêts « des maîtres des Républiques des mallettes » soient
garantis, elle aura lieu. « Les maîtres » inciteront leurs
marionnettes à provoquer cette guerre et les soutiendront. Ouvrons
l’œil et le bon : ils ont déjà « leurs escadrons de la mort » sur place. Et
ils s’entraînent !

Il serait souhaitable qu’avant novembre
2011, les acteurs politiques (ou ce qui en reste ?) et ceux de la société civile
échangent sur la guerre en Côte d’Ivoire et en Libye. La RD Congo n’est pas une
île. Il est l’un des pays les plus importants pour le devenir de l’Afrique et du
monde. Son émancipation de la tutelle des « maîtres des Républiques des
mallettes » fait peur à ces derniers. Une conférence nationale et/ou un dialogue
national sur cette émancipation (avant, pendant ou après les élections) serait
la meilleure des choses. Notre véritable ennemi est là : le réseau occulte de
« maîtres des Républiques des mallettes » impliquant ceux et celles d’entre nous
faisant partie des élites compradores ; c’est-à-dire des élites prêtes à vendre
les intérêts de leurs populations pour une bouchée de pain et leur gloriole. Qui
peut oser organiser une telle conférence ? Un tel dialogue entre Congolais(es) ?
La peur de ces « maîtres » et de la mort qu’ils donnent
gratuitement, le triomphe de la cupidité dans
plusieurs de nos cœur ,ainsi que  le viol permanent de notre
imaginaire ont fini par nous convertir, dans notre immense majorité, en esclaves
volontaires.

Les minorités organisées devraient assumer cette tâche.
Dans la grande discrétion.

 

J.-P. Mbelu

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