14.10.11 Le Potentiel – Cinq questions à Célestin Bedzigui (*)

Par Le Potentiel

1. Parti du Cameroun il y a quelques années, vous disiez en privé que votre candidature à l’élection présidentielle de 2011 était certaine. Et voici que vous ne figurez pas sur la liste des candidats. Que s’est-il passé ?

Au moment où je partais du Cameroun en 2005, Biya venait d’être réélu. D’ après les termes de la Constitution de 1996 en vigueur à l’époque, c’était son dernier mandat. Au terme de la Loi, l’élection de 2011 aurait du être la première à être tenue sans sa participation qui, par elle même, est porteuse de toutes les malfaisances de la fraude électorale. Cela aurait permis un véritable appel d’oxygène et une réelle ouverture offerte au peuple camerounais de changer la manière dont notre pays est géré. Malheureusement, nous avons compris, à partir des manipulations de la Constitution auxquelles on l’a vu se livrer depuis trois ans, que Monsieur Biya persisterait à être candidat, alors même que sa candidature serait illégale. Connaissant parfaitement à quel point les différentes instances participant au processus électoral sont dévoyées et à lui soumises, il m’est lors apparu que je n’avais pas le droit d’apporter, par ma participation à une élection ou une candidature illégale serait acceptée, ma caution à une telle forfaiture.

2. Le rendez-vous du 9 octobre prochain a fait courir 21 candidats. Cette ruée signe-t-elle une dégradation de la fonction présidentielle au Cameroun ?

Plutôt que de porter un jugement sur le profil, disons personnel, des candidats, chose qui revient aux électeurs, je préfère porter un jugement sur le profil des candidatures et plus précisément sur celle de Monsieur Biya que ses affidés affichent comme le « front-runner ». La candidature de Paul Biya est illégale. Tout étudiant de première année de Faculté de Droit le sait. Dans le cours d’Introduction au Droit, il est enseigné aux étudiants le principe de Droit selon lequel « la Loi n’est pas rétroactive ». La Constitution de 1996 fixe que le mandat du président de la République … est renouvelable une (seule) fois. C’est sous cette Constitution que Biya a été élu en 1997 et a été réélu en 2004. Il est par conséquent pris dans les liens de cette Loi. La Constitution qu’il a fait voter en 2008 pour faire sauter la limite des mandats ne l’en a pas libéré. Elle ne l’aurait fait que si elle stipulait expressément dans son dispositif qu’elle ‘’annulait les effets de toutes les dispositions antérieures contraires’’, ce qui n’a pas été le cas.

3. En attendant le coup d’envoi formel de la campagne électorale, M. Paul Biya a déjà dévoilé les grands axes de sa prestation à travers son discours de politique générale lors du 3ème Congrès ordinaire du RDPC…

Ce discours est le même plat réchauffé qui est servi au Camerounais depuis 25 ans, qui met tout sur le dos de la crise économique et promet toujours des ‘’lendemains qui chantent…’’ Au passage, Monsieur Biya a eu le coup de génie de se décrire lui même : ‘’ Maître de péroraisons creuses’’… Combien de fois l’a-t-on entendu déclamer les mêmes promesses a l’occasion de ses discours de fin de l’année, de la Fête de la Jeunesse… sans que cela ne soit suivi du moindre début de réalisation ? Combien de fois, comme une incantation païenne stérile, les oreilles du peuple ont été remplies de l’histoire de ce serpent de mer que sont les barrages de Nachtigal et autres, qu’on attend en vain depuis 20 ans, alors même que tout décollage économique est interdit dans ce pays tant qu’y persiste le déficit d’énergie que nous vivons ? N’est ce pas tout simplement pitoyable ?

4. Et cette perche tendue à la jeunesse, quelle résonance ?

Biya nargue et se moque de la jeunesse. J’ai cru rêver en l’entendant déclamer à l’intention des jeunes « Osez, Développez, Créez »… Et comme beaucoup d’autres citoyens, je lui demande : avec quels moyens, quels financements, quels appuis institutionnels, M. Président, lorsque la plupart de ces jeunes n’ont même pas de quoi se vêtir, manger, se soigner ?’’. C’est le comble du cynisme d’envoyer ainsi les jeunes à la bataille de la création des entreprises, alors que tout le cadre institutionnel d’appui à l’entreprenariat a été systématiquement démantelé sous son régime ! Jugez en vous même : FOGAPE, Fonds de Garantie aux Petites et Moyennes Entreprises : fermé. CAPME, Centre d’ Assistance aux Petites et Moyennes Entreprises : fermé. BCD, Banque Camerounaise de Développement : fermée. FONADER, Fonds National de Développement Rural : fermé. Régime C de soutien aux PME du Code des Investissements : abrogé en même temps que le Code des Investissements lui même.

5. L’autre point sur lequel le candidat du RDPC était attendu, c’était la gouvernance. Comme en juillet 2001, et juillet 2006, il a annoncé l’intensification de la lutte contre la corruption…

Si la corruption et les détournements de fortune publique ont atteint le point critique au Cameroun, Biya en a été la cause et la caution. Après ses moins de 40% de voix à la Présidentielle de 1992, il a choisi d’impliquer massivement les ‘’ élites’’ du secteur public dans la politique en fermant les yeux sur les pillages des ressources publiques qu’ils perpétraient pour disposer des moyens ‘’d’aller sur le terrain défendre le Président ‘’ clamaient-ils ! Ce sont ces gens là que l’on a vu, les cous gras et luisants, se pavoiser au Congrès du RDPC !!! On est en droit de se demander d’ ailleurs s’il s’en privait lui même.

Tirées de l’Internet (*) Serviteur du peuple du Cameroun, économiste, poète, essayiste

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