05.11.11 Radio TV Lavdc – De la Françafrique à la Chinafrique : Gagnant – Perdant ?
Par Afrique Competences
Quel est le problème ? Les pays dits industrialisés ont « oublié » de soutenir lindustrialisation effective la partie au sud du Sahara en contrepartie des accès aux matières premières. En contrepartie, lemploi na pas été au rendez-vous et les populations pauvres, désœuvrées et mal-informées, choisissent, par vagues successives, dimmigrer vers un eldorado occidental qui sélectionne les entrées humaines, atteinte directe à la libre circulation des personnes et des biens promus par la mondialisation. Avec la Chine, la donne est différente car leurs dirigeants « commercent » avec les élites dirigeantes de lAfrique sans état dâmes et se garde bien de jouer au donneur de leçon. Le « Faites ce que je dis et pas ce je fais » des Occidentaux sest commué en « Faisons ce que nous pouvons ensemble en nous respectant mutuellement » avec la Chine… Cest cela la devise « gagnant-gagnant ». Ce changement stratégique profite bien sûr aux consommateurs et quelques commerçants africains, mais ne le sera pas toujours si les Africains napprennent pas rapidement à fabriquer le filet qui permet de « pécher le poisson » au lieu de se contenter de poursuivre lobsolète troc « matière première africaine contre produits manufacturiers chinois ».
Plus profondément, le système économique de la Françafrique nest plus tout à fait rentable ni pour le centre, ni pour la périphérie. On le voit dailleurs dans les accords politiques qui se font en marge de lex-métropole en Côte dIvoire ou encore lorsque les Accords de partenariats économiques tentent de modifier les espaces dintégration économiques existantes. LAfrique francophone est donc bien à un tournant surtout si lon se rappelle que le discours de la Chancelière allemande, Mme Angela Merkel à Cannes lors du sommet France-Afrique du mois passé a semblé réveillé le « discours de La Baule » de François Mitterand, pour ce qui est des déficits démocratiques encore nombreux sur le continent. Les populations africaines se doivent donc de demander des comptes à leurs représentants, les femmes en particulier puisquelles ont été longtemps mises à lécart dans les décisions au sommet alors quelles portent lespérance et lavenir du continent. Il y a donc bien des perdants qui ne se reconnaissent pas encore vraiment dans la relation Chinafrique qui ne peut être considérée comme une copie conforme de la Françafrique.
La Chine a placé ses relations commerciales avec lAfrique sous le signe, plutôt séduisant, du partenariat « gagnant-gagnant ». Les pays africains apparaissent cependant bien désarmés. Face à une Chine puissante, résolue dans ses objectifs et pragmatique dans ses méthodes, les chefs dEtat africains avancent en ordre dispersé, sans aucune vision de lopportunité que pourrait représenter laction collective africaine dans un monde interdépendant.
Face la globalisation, chaque état continue de jouer sa carte dans le cadre de relations bilatérales asymétriques. Lors du sommet Chine-Afrique de Pékin (nov. 2006), la demande commune africaine sest limitée au financement dun centre de conférence pour lUnion africaine ! Quest-ce qui empêche nos chefs dEtat de demander un centre de santé où tous les équipements de mesure (scanner, radio, etc.) seront mis à la disposition dun futur Etats-Unis dAfrique au service des populations ? Ce dautant plus que un centre de santé continental ne coûte pas plus cher quune salle de conférence. A ce jeu, le risque est grand de revivre un « remake » des erreurs stratégiques darbitrage passées encouragées par les anciennes puissances coloniales, à savoir une relation privilégiée encline de paternalisme et fermée à la concurrence.
Soulignons au passage que la rapidité avec laquelle les groupes chinois ont pu prendre des positions en Afrique illustre bien le manque de compétitivité des Occidentaux sur des marchés pourtant accommodants. La qualité de ce nouveau dialogue Sud-Sud dépend de la volonté des gouvernements africains à imposer collectivement leurs priorités à savoir : la création de valeur ajoutée et le développement des capacités productives et de lemploi sur le sol africain.
Peu dEtats sont en mesure dimposer individuellement leur condition de partenariat, ce dautant plus que les intérêts dun Etat ne convergent pas toujours avec ceux de sa population. Les Chinois affairistes ont parfaitement réussi leur intégration dans le tissu local à tel point quils deviennent parfois de dangereux concurrents pour lentreprenariat local informel ou formel ou en émergence. Bien que le consommateur africain y trouve son compte, les termes de cette coopération sur le long terme restent inégaux car ne produisant ni emplois décents, ni transformation sur place des matières premières, ni diffusion de la technologie. Enfin, elle semble se faire aux dépens dune démocratie participative et des droits humains et de lenvironnement.
Pour réussir à promouvoir une économie de lagglomération, il convient de faciliter la circulation des Africains et des Afrodescendants de par le monde au sein de lespace commun panafricain. Le pragmatisme commande quun système de passeport de la Diaspora soit mis en place sur la base de conditions précises de contribution à léconomie de lagglomération. En attendant cette échéance, il semble plus rapide et pragmatique dopter pour un visa Diaspora.
Au delà des gué-guerres commerciales, il appartient aux Africains de rappeler à leurs dirigeants que des sommets France-Afrique-Chine peuvent donner la possibilité aux uns et aux autres de promouvoir linterdépendance africaine et permettre à lAfrique de mieux valoriser ses positions envers les uns et les autres. En effet, nul nest intéressé par un choc des civilisations prôné outre-atlantique. Au contraire, la recherche des harmonisations économiques pourrait servir de nouveau cadre diplomatique de promotion des valeurs africaines dénuées de tous complexes.