17.11.11 Le Potentiel – Cinq questions à Félicité Tchibindat (*)
1. Quelles sont les conséquences de la crise alimentaire en Afrique de lOuest et du centre ?
Si on analyse la situation en repartant en arrière, on saperçoit que la plupart des pays du Sahel ont une prévalence de sous-nutrition qui excède les 10%. Il y a par ailleurs de nombreux ménages qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour ces ménages, lalimentation représente déjà 60% ou 70% des revenus. La crise alimentaire actuelle représente donc pour eux un choc supplémentaire qui accroît leur vulnérabilité. A léchelle des Etats, il faut noter que certains pays sadaptent à la situation. La Côte dIvoire produit beaucoup plus dattiéké (semoule de manioc, Ndlr) afin de lexporter au Mali et le Sénégal consomme de plus ne plus de couscous de fonio et de mil, au détriment du couscous de blé.
2. Comment les ménages sadaptent-ils à la hausse des prix ?
Certains ménages vont choisir une alimentation de moins bonne qualité, moins riche en protéines et en minéraux, par exemple. Dautres réduisent la quantité de leurs achats. Ainsi, au lieu de préparer un thiébou dien (plat national sénégalais, Ndlr) riche, on en prépare un avec moins dhuile, de poisson ou de viande. On voit aussi que des ménages urbains pauvres ne font plus quun repas par jour. On avait déjà constaté ces tendances lorsquil y a eu une flambée des prix il y a quelques années. Par ailleurs, on observe que population qui consomme en général du riz va se tourner vers des céréales comme le mil, le sorgo et le maïs. Mais le prix de ces céréales commence lui aussi à augmenter, même si elles ne sont pas importées, parce que la demande devient plus forte.
3. La crise alimentaire a-t-elle des conséquences sur les enfants ?
Nous envisageons de faire une étude au Sénégal et en Mauritanie pour vérifier limpact de la crise sur les enfants mais, globalement, tout dépend des stratégies de protection de lenfant et de la culture dans laquelle il évolue. Prenons lexemple du Niger, qui a connu une grave crise alimentaire que nous avons bien monitorée. Les Touaregs ont une grande culture de protection de lenfant et de la femme, alors les parents se sont se sacrifiés pour les enfants. Leur malnutrition était donc bien moins importante que celle des enfants haoussas, où les hommes mangent en premier. Plus généralement, certains décident que seul lenfant prendra son petit déjeuner, et non plus toute la famille, pour réduire la consommation de lait, dont le prix a lui aussi beaucoup augmenté.
4. La production massive de céréales, que certains prônent, est-elle la solution ?
Cest un ensemble de facteurs qui a conduit à la situation que nous vivons aujourdhui. Si on ne fait quaugmenter la production de céréales, jai peur que lan prochain on se retrouve avec une offre trop importante qui va déstabiliser le marché dans lautre sens. Il faut apporter une solution à court, moyen et long terme aux problèmes concernant la politique agricole dans les pays du Nord et du Sud, le transport, lénergie, la pression démographique, loffre et la demande. Il ne faut pas juste sattaquer à une donnée du problème.
5. Quelles sont les actions de lUnicef pour atténuer les effets de la crise alimentaire ?
Nous avons mis en place des stratégies spécifiques avec nos partenaires, le Programme alimentaire mondial (PAM, Ndlr) et la FAO (Fonds des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture, Ndlr), pour éviter que les foyers à lextrême limite de la pauvreté ne basculent. Mais nous avons un système pour rattraper ceux qui tombent. Lun de nos dispositifs comprend que le Pam soccupe des malnutris modérés, que lUnicef prenne en charge des malnutris sévères et que la FAO offre un appui à la production par le biais de semences et doutils. Et tous les trois faisons ensemble de léducation nutritionnelle. Nous avons tout un paquet dinterventions appuyées par plusieurs bailleurs et un dispositif régional, qui existe aussi dans les pays de la région, pour coordonner et harmoniser nos réponses avec nos partenaires. Comme nous risquons davoir prochainement un nombre important de personnes confrontées à des problèmes de nutrition, nous avons dailleurs renforcé notre système et lancé un appel pour recevoir des fonds.
Tirées de Afrik.com
Conseillère nutrition à lUnicef pour lAfrique de lOuest et du Centre