Les Partis politiques de la RD Congo : une espérance volatilisée (Norbert YAMBAYAMBA SHUKU)

La plupart des observateurs estiment que l’absence de la démocratie a
favorisé cette situation que d’aucuns qualifient d’intolérable.  Les
partis politiques sont l’un des piliers de la démocratie le plus
indispensable pour l’alternance démocratique. Leur naissance est une
voie obligée pour améliorer la vie des citoyens.

Tout le combat mené depuis les décennies 60, 70, 80, 90 a eu pour but
d’avoir plusieurs partis politiques qui sont capables d’entrer en
compétition pour améliorer la vie des congolais.

Après le déclenchement du processus de démocratisation des années 90, on
a assisté à la création d’environ 400 partis politiques. Ce qui est une
bonne chose. Après près de 20 ans d’expérimentation, il est important
de s’arrêter quelque peu pour se rendre compte si l’espérance suscitée
au départ reste à l’ordre du jour.

A ce jour, on retrouve, les partis politiques de la mouvance
présidentielle qui repose sur la coalition AMP, UDEMO et PALU et les
partis politiques de l’opposition institutionnelle qui repose sur la
coalition autour du MLC et du RCD, ainsi que l’opposition extra
parlementaire pilotée par l’UDPS et ses Partis satellitaires ainsi que
la naissance récente de  l’UNC de Vital Kamerhe.

Le décor est bien planté pour faire usage de la démocratie.
Malheureusement la plupart des partis politiques ne sont pas
perceptibles à ce jour. Ils sont toutefois identifiés que pendant le
moment des enjeux à la conquête des avantages politiques. On les a vu
pendant les élections de 2006 et lors du partage du pouvoir qui a suivi
dans la majorité au pouvoir.

Aujourd’hui, la plupart ne font plus signe de vie et attendent d’autres
enjeux intéressants. Certains ont des sièges, mais ne fonctionnent pas.
Ils attendent les élections pour être actifs. Certaines permanences qui
étaient actives pendant les élections de 2006 ont fermé.

Sur le plan de la gouvernance, ces partis politiques ne font pas le
monitoring de l’action publique, en mettant en exergue des analyses et
propositions qui sont susceptibles de faire avancer la République. Cette
situation se fait sentir dans toutes les provinces. Néanmoins, les
Partis politiques connus disposent de leurs sièges et fonctionnent comme
il se doit. Il est difficile pour le moment, d’observer dans certains
endroits, la différence entre les partis politiques de la majorité et
les partis de l’opposition compte tenu de la misère conjoncturelle qui
frappe tout le monde. Les clivages idéologiques et politiques ne sont
pas ressentis. Ils coopèrent et collaborent au nom des intérêts de la
province.

A ce jour, la plupart des acteurs politiques de l’opposition luttent
pour la survie et vivent dans la pauvreté et ont besoin d’une protection
dont l’opposition est incapable de les assurer en cette période où elle
en dehors de la commande des institutions. C’est pourquoi, la plupart
des membres de l’opposition courtisent les dirigeants qui sont au
pouvoir pour s’abreuver d’un peu de moyens de survie. Le débat
démocratique devient dans ces conditions moins efficace au profit des
intérêts individualistes et au détriment de l’intérêt général. Ceci se
remarque au niveau des Assemblées Provinciales où la présence de
l’opposition ne se fait pas sentir en termes d’influence sur les
décisions de l’exécutif provincial. La plupart des défections observées
dans l’opposition est le résultat de ce revirement qui frise
l’opportunisme politique.

L’opposition extraparlementaire animée par l’UDPS a été réduite à une
certaine époque au silence depuis l’arrestation d’un certain nombre de
ses activistes. Heureusement, le retour en décembre 2010 de M. Etienne
Tshisekedi a permis de faire le rappel des troupes et la machine semble
reprendre la marche même si certaines douleurs d’enfantement se font
encore sentir.

Si au niveau de l’assemblée Nationale et au Senat, on remarque des
clivages et des interventions pertinentes des partis politiques en
présence , il faut dire qu’au niveau de la plupart des Assemblée
Provinciales, les différences idéologiques ne sont pas perceptibles. La
majorité et l’opposition font route ensemble.

Les quelques rares Députés de l’opposition qui osent lever la voix
contraire, sont tout suite bloqués par leurs paires de la majorité.
Découragés, certains tombent dans le panier de la majorité et
soutiennent leur action moyennant contrepartie.  Et tout le monde dans
la danse de la pensée unique et raisonne comme des bouteilles de Primus
dans un casier de bière sans aucune contradiction enrichissante pour la
performance des institutions.

Au niveau des ETD, la plupart des responsables des partis politiques
sont des agents de l’Etat. Le problème ne se pose pas au niveau des
fonctionnaires, membres des partis de la coalition au pouvoir. Pour ceux
de l’opposition, ils craignent porter un regard critique par rapport à
la gestion de la chose publique locale de peur d’être licenciés de leurs
fonctions. La plupart des agents fustigent les détournements des
deniers publics et ne peuvent rien faire en lieu et place des Députés
Provinciaux et nationaux. Ils refusent d’agir comme partis politiques
parce que les agents de l’Etat ne sont pas autorisés de faire la
politique active. Le sort de l’entité est en péril faute des défenseurs
des intérêts communautaires.

En milieu rural, la plupart de ces partis politiques ne sont pas
visibles à termes d’activités. Ils étaient muets et commencent à
s’agiter aujourd’hui à l’approche des élections. Néanmoins, rares sont
les partis politiques qui fonctionnent comme des partis politiques dont
les membres apportent leurs contributions. Ils sont toutefois identifiés
que pendant le moment des enjeux à la conquête des avantages
politiques. On les retrouve à des occasions des arrivées des Ministres
ou du Président de la République avec leurs drapeaux  toute tendance
confondue pour agrémenter la cérémonie. Comme leur partis n’envoient pas
des subventions et que les adhérents ne cotisent pas, ces partis sont
en quête des moyens de survie. C’est pourquoi, ils se mobilisent dans
ces genres d’occasion pour gagner du pain.

 

On compte difficilement en RD Congo des partis politiques qui s’occupent
des questions spécifiques qui font fureur à travers le monde.  Par
exemple, depuis une dizaine d’années, les mouvements écologistes
émergent et l’on s’habitue de plus en plus à des termes comme les « 
partis écolos », les verts, etc. En effet, on assiste actuellement à la
création en RDC, des « partis écolos », à l’image de ceux qui existent
dans les pays du Nord. Ils sont encore moins de dix. On peut les citer à
titre illustratif, le Parti Vert, le Parti Ecologique du Congo etc. Ces
partis verts locaux calqués sur des modèles importés ont en principe
pour objectif d’éveiller les consciences de sous-développés sur la
nécessité de faire face aux menaces qui pèsent sur notre environnement.

Il est difficile, voire prématuré, pour le moment de croire que cet
objectif est accompli pour une raison simple : le processus de
démocratisation bat encore de l’aile et les « partis verts » qui se
créent répondent très souvent à des préoccupations essentiellement
matérialiste de leurs dirigeants. Ceux-ci pour la plupart sont en quête
de subventions et d’un positionnement politique plutôt intéressé.

Les partis écologistes se sont développés en Occident de façon lente et
progressive. L’autocratie et la « politique politicienne » prédominent
tellement en RDC que les acteurs politiques s’imaginent mal de soutenir
seulement des idées sans accéder rapidement à la gloire et au pouvoir.
L’idéologie écologique reste encore une rêverie romantique. Il faut des
énergies pour la transformer en arguments convaincants et mobilisateurs.

Non seulement, il se pose un problème idéologique, il sied également de
constater que ces partis politiques sont encore insuffisants incapables
de couvrir l’ensemble du territoire national. Les acteurs ne sont pas du
tout formés en la matière et sont moins motivés pour faire un travail
de qualité dans la popularisation des enseignements sur la protection de
l’environnement.

D’une manière générale, la façon de travailler des membres des partis
politiques n’est pas encore très professionnelle. Lorsqu’on discute avec
eux, on sent qu’il y a une volonté de faire quelque chose. Ils font des
déclarations, des pétitions, etc. Ils se limitent à ces déclarations
sans faire des exigences qui pousseraient l’autorité à répondre aux
préoccupations de la population. Bien plus, le Parti ne fait pas trop le
monitoring de l’action publique.

Toutefois, la culture d’exigence des résultats aux autorités n’est pas
encore de mise par les membres de l’opposition qui ne sont pas
suffisamment formés en gestion axée sur les résultats. On remarque que
les militants ne disposent pas des documents portant sur les budgets,
les programmes du Gouvernement au niveau national, provincial et local.
Ils n’ont pas des lois et les consultent difficilement. Inexistence d’un
laboratoire d’analyse pour orienter leurs prises de position.

Les expertises de ces partis politiques ne sont pas identifiées et mises
à profit pour l’intérêt général. Ils ne connaissent pas des allocations
budgétaires et leur exécution. Personne ne fait le monitoring en
faisant une sorte de comparaison entre les prévisions et les
réalisations. Aucune culture statistique pour savoir dégager les écarts
en vue de se rendre compte de la performance des institutions.

On a tendance à tirer des conclusions globales du genre le bilan est
globalement négatif sans avoir apporté les preuves de cette conclusion.
Les études de laboratoires et d’analyse de la situation ne sont pas
souvent réalisées. Le suivi budgétaire n’est pas réalisé. Il n’existe
aucune collaboration avec les députés pour construire une synergie
d’actions communes susceptible de leur présenter des projets alternatifs
des lois et des édits, et des analyses de la situation de la
population.

Lorsque le Parti prend position, il ne remet ni la copie aux instances
concernées ni aux députés pour faire le suivi. A chaque occasion, on
fait une déclaration et on fait fi du suivi et des résultats.

Aucune collaboration avec les structures de dissuasion comme le
Parlement, la Cours des Comptes, l’Inspection Générale des Finances,
l’Agence Nationale des Renseignements, les services de sécurités, la
police. Les cadres du Parti ignorent l’importance de leur collaboration
avec ces structures. Ils n’ont aucun contact et se regardent comme chien
et chat

Il s’agit donc ici d’un travail technique à réaliser. La technique ne se
négocie pas. Il faut l’avoir pour être performant. Pour faciliter cette
préparation, chaque parti s’organise souvent en ayant à son sein des
organes qui ressembleraient aux missions dévolues aux organes de la
République. Par exemple, le Président du Parti correspondrait au
Président de la République, le Secrétaire Général au Premier Ministre,
les Secrétaires Nationaux aux Ministres de la République, les membres du
Comité National ou les parlementaires du parti correspondraient aux
Députés de la République.

A chaque poste constitue un apprentissage d’un poste que l’on pourrait
occuper lorsque le Parti accèderait au pouvoir. Cet objectif se fait à
différents niveaux administratifs de la République.

Malgré la présence de ces dispositions statutaires, il est inquiétant de
constater que la préparation pour assumer des fonctions futures n’est
pas à l’ordre du jour. Les nominations se font sans tenir compte du
profil d’un chacun. L’essentiel serait que chaque militant occupe une
responsabilité.

Pour la plupart des partis politiques, le Secrétaire Général ne dispose
même pas les fichiers ou les dossiers (CV) de ses collaborateurs. Il ne
sait pas qui est expert dans tel ou tel domaine. L’idéal serait 
seulement d’avoir le nombre des secrétaires nationaux requis par les
statuts. Les réunions qui se tiennent sont trop politiques et moins
techniques. Les secrétaires nationaux ne font pas de la recherche dans
leurs domaines respectifs pour avoir la photographie de chaque secteur
de la vie nationale. On se trouve dans une situation où ils ne
connaissent pas la situation réelle de la République. Ils peuvent
accéder au pouvoir sans savoir où commencer.

Dans ces conditions, les nominations qui se feraient ne tiennent pas
comptent de la performance technique, mais seulement du militantisme et
des relations que l’on peut entretenir avec les décideurs. Le
clientélisme gagne du terrain et l’intérêt national est relégué au
second plan. Dans cette perspective, seul le critère de diplôme compte.
Il suffit d’avoir un diplôme pour que l’on soit responsabilisé peu
importe son profil et son expérience. Avec ce genre de personnel
politique, les solutions aux problèmes de la population seront
difficiles à trouver. Ils vont s’agiter par ci, par là, comme des
activistes, mais sans être en réalité utile à la population.

Dans cette situation, l’action gouvernementale deviendra une sorte
d’euphorie de jouissance personnelle, clanique et familiale. Toutes les
promesses de campagne seraient oubliées au profit des intérêts
individualistes et cupides.Mutatis mutandis pour les parlementaires du
Parti qui, aujourd’hui, ne sont pas suffisamment outillés dans la
compréhension des réformes juridiques qui se font actuellement dans les
domaines prioritaires qui pourraient jouer le rôle d’amplification dans
la gestion des affaires publiques.

Par manque de la maîtrise des dossiers techniques, les partis politiques
aujourd’hui ne sont pas en mesure de prendre des positions aussi
techniques capables de coincer le pouvoir en place. Ils se complaisent
dans les généralités qui ne permettent pas de faire avancer résolument
les affaires de l’Etat. Cette faiblesse caractérise l’opposition dans
son ensemble. Par exemple, lors du débat sur le choix du scrutin, le
Gouvernement avait donné entre autre, la raison de l’insuffisance des
moyens pour le budget électoral. Aucun Parti n’ a réuni ses experts pour
réfléchir sur le budget que coûterait réellement les élections.
L’opposition disait seulement qu’elle n’était pas d’accord avec le
scrutin à un tour sans donner un argument statistique sur le budget
alternatif y relatif.

Pourtant, le budget demandé actuellement par la CEI est de loin
supérieur à celui de 2006 soit 500 millions $US contre 700 millions $US
réclamé aujourd’hui. Et pourtant, le scrutin du hier comprenait deux
tours avec environ 9.000 centres d’inscription ou centres d’enrôlement
pour un montant nous l’avons dit de 500 millions de dollars américains.
Ces centres ont été revus à la baisse aujourd’hui, soit environ 2000
pour un montant paradoxal de 702 millions de dollars américains. On
comprend que, lorsque les bureaux d’inscription augmentent, il y a
diminution du budget et lorsque ces centres diminuent, il y a
augmentation du budget. Ce qui est anormal. Il est fort possible que la
CEI ait gonflé et manipulé les chiffres à la hausse pour des raisons
inavouées. Il fallait donc un travail de contre expertise pour mieux
appréhender la réalité. Et l’opposition aurait pu faire ce travail en
amont pour proposer et opposer au Parlement, un projet du budget
alternatif contraire mais convaincant par rapport à celui de la CEI qui
est visiblement assez fragile à casser. Chose qui n’a pas été faite.

A cette allure , la responsabilité dévolue aux partis politiques risque
de ne pas être atteinte et le défi de lutte contre la pauvreté serait un
leurre démagogique. On ne sait pas après combien de temps, les partis
politiques vont professionnaliser leur façon de travailler pour être
réellement au service de la population.

Cette attitude de la classe politique congolaise risque de ressembler à
la situation du Burkina-Faso à l’époque de la Révolution pilotée par le
Capitaine Thomas Sankara et ses compagnons. Le président Sankara avait
une vision de la gestion de la République et savait où il voulait amener
son pays, à la différence de la plupart de ses Compagnons qui avaient
une autre vision, celle de s’enrichir à l’instar des anciens régimes. La
résistance du Président à cette dynamique a entraîné son assassinat par
ses proches, parce qu’il y avait une divergence d’intérêts. La
révolution s’est éteinte et les gens ont trouvé leur compte au détriment
de tout un peuple dont l’espérance a été volatilisée.

 

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