24 01 12 Afrikarabia : l'ARP de Munene attend son heure

"Jean
Afrikarabia : La réélection de Joseph Kabila, fin 2011, a été très
controversée. Les observateurs étrangers ont tous relevé de nombreuses
irrégularités et de forts soupçons de fraude massive. Comment se
positionne l'ARP après ce scrutin ?

– Jean Kalama Ilunga
:  Dès novembre 2010 nous avions rejeté la tenue de ces élections. Nous
pensions déjà à l'époque qu'il y avait des éléments de tricheries qui
allaient être mis en place. Il n' y avait pas de recensement depuis
1984, on ne savait donc pas qui pourrait voter et sur quelle base se
déroulerait le scrutin ? Autre élément : comment organiser dans une
dictature des élections libres et transparentes ? Toutes les
institutions sont au service d'un seul homme (Joseph Kabila, ndlr) : la
justice, l'économie, la Banque centrale, les médias, le parlement, le
sénat… Nous avons donc, en amont du scrutin, rejeté l'organisation des
élections et les résultats qui en découleront. Pour nous, Joseph Kabila
n'a pas de légitimité à la tête de l'Etat. Nos revendications sont donc
les mêmes, avant qu'après les élections : Joseph Kabila doit partir ! Et
aujourd'hui, il n' y a que la résistance qui puisse faire changer les
choses.

– Afrikarabia : La Cour suprême de justice a tout
de même validé l'élection présidentielle et la Communauté
internationale, pourtant très critique sur les nombreuses irrégularités
du scrutin, a laissé faire ?

– Jean Kalama Ilunga :
Cette Cour suprême n'a aucune légitimité. Ce sont des juges complètement
"caporalisés". D'ailleurs, ces juges ont été changés juste avant les
élections par Joseph Kabila lui-même. Quand nous prendrons le pouvoir,
ces gens qui se disent de la Cour suprême seront arrêtés pour "faux et
usage de faux". Ils ont "tricotés" les donnés pour valider de faux
résultats.

– Afrikarabia : Que propose l'ARP pour sortir de cette crise politique et de ce blocage institutionnel ?


Jean Kalama Ilunga : Nous ne sommes pas étonnés que le pays en soit
arrivé là. Nous le disons depuis très longtemps. Nous sommes arrivés au
bout du système. Ceux qui sont au pouvoir sont des tricheurs, ils
utilisent l'argent public pour corrompre, alors que les policiers, les
militaires, les fonctionnaires ne sont pas payés et que les Congolais
manquent de tout. Nous, nous sommes prêt à protéger les population, avec
les mêmes moyens. Ce que nous proposons, ce n'est pas la "troisième
voix", c'est la résistance. Nous sommes déjà organisés politiquement,
nous avons prévu un gouvernement intérimaire. Nous voulons mettre en
place des institutions fortes, pas des hommes forts.

– Afrikarabia : Peut-il y avoir un changement de régime pacifique ? Car pour l'instant Joseph Kabila est encore au pouvoir ?


Jean Kalama Ilunga : C'est Joseph Kabila qui apporte la guerre. C'est
lui qui se maintien au pouvoir en prenant l'armée en otage, avec l'aide
de mercenaires. Et l'ARP veut créer un rapport de force avec le pouvoir
en place. Nous travaillons pour que ce rapport de force puisse basculer.


Afrikarabia : Pour créer un rapport de force, celui veut dire qu'en
face des troupes de Joseph Kabila, il faut qu'il y ait des soldats, des
hommes en armes ?

– Jean Kalama Ilunga : Bien sûr… ce
n'est pas exclu. Il y a de nombreux militaires de l'armée congolaise
(FARDC, ndlr) qui sont d'accord avec nous. Sinon, pourquoi Joseph Kabila
a embauché tous ces mercenaires ? Pourquoi a-t-il a désarmé le camp
Kokolo à Kinshasa ?

– Afrikarabia : Qui compose l'ARP ? Ce sont tous d'anciens militaires ?


Jean Kalama Ilunga : Non. Il y a d'anciens militaires, bien sûr, qui
ont rejoint l'ARP. Mais, je ne peux pas vous cacher qu'il y a aussi des
militaires qui sont encore dans l'armée aujourd'hui et qui sont avec
nous. Ces militaires attendent le moment fatidique pour agir.

– Afrikarabia : Qu'est-ce qui pourrait déclencher ce type d'action miltaire ?


Jean Kalama Ilunga : Je ne peux pas le vous dire… (rires). Ce moment
arrivera, mais je ne peux pas vous dire où, quand, comment et l'heure..
C'est confidentiel et nous sommes en train d'y travailler.

– Afrikarabia : Si la première partie de votre action est militaire, la seconde partie est politique ?


Jean Kalama Ilunga : Oui, tout doit se terminer par la politique. Même
si aujourd'hui on travaille sur la partie militaire, la politique est
très importante puisque c'est la politique qui doit encadrer le
militaire. C'est la politique qui devra créer la nouvelle armée du
Congo.

– Afrikarabia : Quand on pense à une action
militaire qui serait l'élément "déclencheur" d'un changement de régime,
on pense à l'attaque de la résidence du président Kabila en février
2011, qui a tourné court. Certain ont attribué l'attaque à l'ARP du
général Munene ?

– Jean Kalama Ilunga : Il y a des
choses que je ne peux pas dire… Quand on parle de forces de la
résistance, on parle de tous les Congolais. Après ces actions, l'état
d'esprit des Congolais a changé, les gens se sont réveillés. A
l'extérieur avec les actions de la diaspora et maintenant à l'intérieur.
Aujourd'hui, la résistance est à l'intérieur du Congo.


Afrikarabia : La différence entre votre mouvement et d'autres mouvement
d'opposition, c'est le poids militaire que peut représenter le général
Faustin Munene ?

– Jean Kalama Ilunga : Tout à fait, mais quand je parle, moi, je parle politique.

– Afrikarabia : Quelles sont justement vos liens avec les partis politiques d'opposition comme l'UDPS ?


Jean Kalama Ilunga : L'opposition a fait son choix en acceptant de
participer à ces élections. Nous, nous avons rejeté la tenue même des
élections. Pour nous, ces élections n'ont pas existé. Nous avions donc
deux projets très différents.

– Afrikarabia : Il n'y a donc pas de discussion avec Etienne Tshisekedi ?


Jean Kalama Ilunga : Non non, nous ne sommes pas sur cette logique là !
Il faut dépasser le problème d'individu. Nous devons avoir des
institutions fortes et non des hommes forts. On sait qu'avec des hommes
forts, cela se termine toujours de la même façon : de la politique
tribale.. ma tribu d'abord !

– Afrikarabia : Quelles sont les qualités du général Munene ?


Jean Kalama Ilunga : C'est d'abord quelqu'un qui a été Chef d'Etat
major général. Sous Laurent-Désiré Kabila, il a été vice-ministre chargé
de la sécurité. Il avait donc la confiance total du Mzee
Laurent-Désiré. Il a créé la police, qui n'existait pas sous Mobutu et
il a installé une certaine sécurité que la population a reconnu. Il y
avait de la discipline et ça, c'est l'oeuvre de Munene. Il est très
écouté par les jeunes policiers, les militaires, les officiers. Nous
leur demandons d'ailleurs de ne pas se signaler, mais nous savons qu'ils
sont avec nous.

– Afrikarabia : Certains sites internet
ont annoncé la présence du général Munene à Paris et d'autres médias
comme Jeune Afrique disaient le général "mal en point" ?

– Jean Kalama Ilunga : Faustin Munene n'est pas à Paris et il n'est pas malade.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Jean Kalama Ilunga à Paris en janvier 2012 © Ch. Rigaud – www.afrikarabia.com

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