28.01.12 Le Potentiel – Cinq questions à Thierry DethierPar Le Potentiel

1.Médecins sans frontières (MSF) tire une sonnette d’alarme sur la situation du VIH/SIDA qui doit être reconnue comme une urgence en RDC. Pourquoi MSF lance cette campagne sur le VIH/SIDA en RDC en ce moment précis ?

Aujourd’hui, la RDC n’a toujours pas dépassé les 15% de couverture en ARV. Cela signifie que sur les 350.000 personnes qui devraient bénéficier d’un traitement, moins de 45.000 en bénéficient aujourd’hui. Cette situation est extraordinaire, voire unique, quand on sait qu’il s’agit d’un pays avec plus d’1 million de personnes vivant avec le VIH. Sur le terrain et au vu des chiffres, on peut parler de situation de crise humanitaire. Le staff de MSF rencontre d’ailleurs beaucoup de patients en rupture de traitements et souvent encore des cas graves que nous ne retrouvons plus ailleurs en Afrique. Avec la fermeture de certains centres, voire avec les coûts que les patients doivent couvrir pour parvenir à se faire traiter, une série de personnes ne sont pas ou plus traitées. C’est évidemment très problématique tant au niveau de leur santé qu’en terme de santé publique. Les chiffres confirment notre constat de terrain. Il n’y a presque plus de place pour les personnes qui n’ont pas encore pu initier de traitement. La situation est grave. C’est pour cela que nous avons décidé de lancer cette campagne.

2.Pourquoi en 2012 ? La situation est-elle plus grave aujourd’hui?

Oui, paradoxalement, on redoute que cela soit encore plus grave en 2012. La RDC était pourtant déjà dans une situation difficile fin 2010. Mais l’année 2011, inversement aux attentes, n’a pas permis d’inverser la tendance. On estime qu’en 2011, seulement 300 patients supplémentaires par mois ont été mis sous traitements ARV. En 2012, on craint une progression aussi faible : le Fonds mondial pourrait couper de 10 à 30% le budget de la phase 2 des Round VIH/SIDA en cours en RDC pour la période mi-2011 à fin 2014. Sans nouveaux financements, même si, par chance, vous appartenez aux 12% des patients qui ont accès au traitement aujourd’hui, vous n’avez aucune garantie d’avoir encore cet accès en 2015, car aucun acteur ne s’est engagé financièrement jusque là aujourd’hui.

3.Quelle est la responsabilité du gouvernement congolais dans la lutte contre le VIH/SIDA ?

La situation actuelle du VIH/SIDA en RDC s’apparente à une véritable situation de crise humanitaire. C’est pourquoi, nous attendons des décideurs politiques congolais et internationaux qu’ils mettent en pratique leurs engagements et qu’ils apportent le soutien financier indispensable pour assurer le droit des personnes vivant avec le VIH à avoir un accès gratuit aux antirétroviraux, comme c’est écrit dans le droit congolais. Le gouvernement congolais doit financer effectivement la lutte contre le VIH/SIDA, par exemple en participant à l’achat des ARV nécessaires pour augmenter la couverture dans le pays. La société civile congolaise a lancé des propositions intéressantes à ce sujet. Cela serait très symbolique et aurait un impact positif tant pour les patients que pour convaincre les partenaires internationaux de la détermination du pays à vaincre l’épidémie.

4.Qu’en est-il des bailleurs de fonds ?

Le Fonds mondial, principal bailleur, doit mobiliser les ressources nécessaires et améliorer le mode de gestion de ses financements : l’obligation de résultats doit incomber aussi au bailleur et pas seulement aux exécutants. Par ailleurs, les autres bailleurs de fonds ne doivent pas faire reposer tous leurs espoirs sur le Fonds mondial. Dans un pays comme la RDC, le défi à relever est gigantesque et ne peut pas reposer à plus de 75% sur une seule source de financement comme c’est le cas actuellement.

5.Que fait MSF dans la lutte contre le VIH/SIDA en RDC ?

Fin 2011, MSF prenait en charge plus de 5.000 patients sous ARV en RDC. Cela représente plus de 10% des patients au niveau du pays et 20% sur la ville de Kinshasa. Nous prévoyons d’initier 2.000 nouveaux patients dans le courant de l’année 2012 et encore 2.000 en 2013. 80% de ces patients sont pris en charge par le Centre hospitalier de Kabinda (CHK), à Kinshasa. Les patients y ont un accès gratuit aux ARV mais aussi à tous les autres soins nécessaires pour leur santé. Les efforts du programme SIDA de MSF à Kinshasa repose sur le travail du CHK mais aussi la collaboration avec des centres de santé partenaires et des partenaires locaux comme RENOAC.

Propos recueillis par Rich Ngapi

Conseiller en Analyse et Plaidoyer à MSF-OCB en RDC

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